© Régis Nardoux
Le pont d'un paquebot, la nuit, entre l'Afrique du Nord et Marseille. Un homme se confie, l'autre écoute. Celui qui écoute, c'est Roger Martin du Gard, l'auteur des Thibault et de La Gonfle. Celui qui se confie est un inconnu, Italien, libraire, installé dans une métropole du Maghreb. C'est une confession intime et scandaleuse, récit à la fois délicat et impudique d'une aventure interdite...
Avec Christian Crahay, un des plus grands acteurs belges, nous avons beaucoup joué cette nouvelle à deux voix, autant dans les villes de Wallonie qu'à Bruxelles et en France, pendant plus de trois saisons. Après six ans d'interruption, j'ai désiré reprendre l'aventure pour voir où nous en sommes lui et moi, et ce que nous raconte aujourd'hui ce récit drôlement amoral, dans un monde de plus en plus moralisateur. Jean-Claude Berutti
Avec Christian Crahay, un des plus grands acteurs belges, nous avons beaucoup joué cette nouvelle à deux voix, autant dans les villes de Wallonie qu'à Bruxelles et en France, pendant plus de trois saisons. Après six ans d'interruption, j'ai désiré reprendre l'aventure pour voir où nous en sommes lui et moi, et ce que nous raconte aujourd'hui ce récit drôlement amoral, dans un monde de plus en plus moralisateur. Jean-Claude Berutti
Confidence sur confidence
En juin 1913, André Gide reçoit le manuscrit de Jean Barois. Il télégraphie à Gaston Gallimard: “Manuscrit des plus remarquables à publier sans hésiter”. Roger Martin du Gard, à qui on a rapporté l’enthousiasme de l’écrivain, décide d’entrer en contact avec lui. Commencent alors une amitié et une abondante correspondance qui ne s’arrêteront qu’avec la mort de Gide. Entre eux il y a aussi échange au niveau de leur travail. Ils se lisaient leurs manuscrits respectifs, attendaient l’avis critique de l’autre. En 1925, quand André Gide publie Les Faux-Monnayeurs, il dédie le roman à son ami : “Aurais-je écrit ce livre sans vous ? J’en doute et c’est pourquoi je vous le dédie.”
Cependant, la publication de Confidence africaine à la NRF, en février 1931, va marquer une crise dans l’amitié des deux écrivains. A la première lecture, Gide trouva cette nouvelle excellente: “Flaubert vous embrasserait. Ainsi fais-je”. Cependant, sous l’influence de Dorothy Bussy, écrivain anglais et soeur de l’historien Lytton Strachey, chez qui il résidait, Gide revint sur sa première impression et critiqua la fin de la nouvelle. Roger Martin du Gard avait, selon lui, par trop sacrifié à la morale courante ; sous le couvert de la vraisemblance, l’auteur de Jean Barois faisait preuve de parti pris et de moralisme. Piqué, celui-ci rétorqua: “... On sent bien, Gide, qu’en écrivant, vous n’êtes pas vraiment un artiste désintéressé mais un avocat que camouflent un grand art et une suprême habileté; l’avocat d’une cause, et d’une cause autant que possible scandaleuse”. Roger Martin du Gard reprochait à l’auteur des Nourritures terrestres l’obstination de celui-ci à remettre en cause les limites de ce qui est permis à l’homme et de ce qui lui est interdit.
Cette querelle est symptomatique de la différence fondamentale entre les deux hommes: l’un a rêvé le monde, l’autre a tenté d’en rendre compte de la manière la plus exacte possible. Gide clama que les jugements portés par Roger Martin du Gard sur son oeuvre étaient de nature à la discréditer toute entière. Il y eut encore quelques échanges un peu aigres. Et puis, avec le temps, tout rentra dans l’ordre. L’influence de Dorothy Bussy s’estompa. Ils n’allaient pas mettre leur amitié en péril pour une femme. Geneviève Damas
Cependant, la publication de Confidence africaine à la NRF, en février 1931, va marquer une crise dans l’amitié des deux écrivains. A la première lecture, Gide trouva cette nouvelle excellente: “Flaubert vous embrasserait. Ainsi fais-je”. Cependant, sous l’influence de Dorothy Bussy, écrivain anglais et soeur de l’historien Lytton Strachey, chez qui il résidait, Gide revint sur sa première impression et critiqua la fin de la nouvelle. Roger Martin du Gard avait, selon lui, par trop sacrifié à la morale courante ; sous le couvert de la vraisemblance, l’auteur de Jean Barois faisait preuve de parti pris et de moralisme. Piqué, celui-ci rétorqua: “... On sent bien, Gide, qu’en écrivant, vous n’êtes pas vraiment un artiste désintéressé mais un avocat que camouflent un grand art et une suprême habileté; l’avocat d’une cause, et d’une cause autant que possible scandaleuse”. Roger Martin du Gard reprochait à l’auteur des Nourritures terrestres l’obstination de celui-ci à remettre en cause les limites de ce qui est permis à l’homme et de ce qui lui est interdit.
Cette querelle est symptomatique de la différence fondamentale entre les deux hommes: l’un a rêvé le monde, l’autre a tenté d’en rendre compte de la manière la plus exacte possible. Gide clama que les jugements portés par Roger Martin du Gard sur son oeuvre étaient de nature à la discréditer toute entière. Il y eut encore quelques échanges un peu aigres. Et puis, avec le temps, tout rentra dans l’ordre. L’influence de Dorothy Bussy s’estompa. Ils n’allaient pas mettre leur amitié en péril pour une femme. Geneviève Damas
Roger Martin du Gard
Mes amis le savent : j’ai pour l’indiscrétion ce que les médecins appellent une intolérance organique... Un homme qui livre au public, dans ses ouvrages, le meilleur, le plus intime de lui-même, a bien le droit de garder, pour lui et pour ses proches, le domaine de sa vie privée...
Pour saisir la véritable nature d’un écrivain, il suffit de se donner la peine de fouiller ses écrits. L’oeuvre est le seul guide sûr, le seul témoin irrécusable ; car c’est là que l’artiste le plus caché se démasque et malgré lui, livre son secret.Roger Martin du Gard, Stockholm, 12 décembre 1937.
Discours à la presse à l’occasion du Prix Nobel.
La personnalité de Roger Martin du Gard (1881-1958) est peu connue du public parce que lui-même l’a voulu ainsi. D’une pudeur extrême, il vivait à l’abri des regards. Ce n’était cependant pas un solitaire. Il aimait rencontrer l’inconnu, était fidèle à des amis qu’il n’épargnait pas - la longue correspondance avec André Gide et Jacques Copeau en fait la preuve.
Pour écrire, Roger Martin du Gard dilapidera le patrimoine familial. Grâce à Gaston Gallimard, aux droits d’auteurs et surtout au Prix Nobel qu’il reçut en 1937, il put continuer sa vie d’écrivain à la campagne et entretenir sa famille.
Agnostique, mais pas anticlérical, il ne croyait qu’au règne de la raison.
Si Roger Martin du Gard est connu comme auteur de romans - Jean Barois, Les Thibault, Vieille France -, il ne faut pas oublier qu’il a également écrit trois pièces de théâtre - La Gonfle, Le Testament du Père Leleu (monté par Jacques Copeau en 1914 au Théâtre du Vieux-Colombier) et Un Taciturne (joué par Louis Jouvet en 1931).
De ses études d’archiviste à l’Ecole des Chartes, il retira le souci constant d’immerger ses personnages romanesques dans un environnement historique scrupuleusement respecté. Roger Martin du Gard voulait une écriture qui soit à l’image de la vie qu’il voyait. Il vouait une profonde admiration à Tolstoï et, comme lui, ne voulait pas que le romancier imposât sa volonté à la réalité; mais seulement livrer des faits précis, dépourvus de tout commentaire. Il voulait laisser à son lecteur la tâche de se forger une opinion.
Pour saisir la véritable nature d’un écrivain, il suffit de se donner la peine de fouiller ses écrits. L’oeuvre est le seul guide sûr, le seul témoin irrécusable ; car c’est là que l’artiste le plus caché se démasque et malgré lui, livre son secret.Roger Martin du Gard, Stockholm, 12 décembre 1937.
Discours à la presse à l’occasion du Prix Nobel.
La personnalité de Roger Martin du Gard (1881-1958) est peu connue du public parce que lui-même l’a voulu ainsi. D’une pudeur extrême, il vivait à l’abri des regards. Ce n’était cependant pas un solitaire. Il aimait rencontrer l’inconnu, était fidèle à des amis qu’il n’épargnait pas - la longue correspondance avec André Gide et Jacques Copeau en fait la preuve.
Pour écrire, Roger Martin du Gard dilapidera le patrimoine familial. Grâce à Gaston Gallimard, aux droits d’auteurs et surtout au Prix Nobel qu’il reçut en 1937, il put continuer sa vie d’écrivain à la campagne et entretenir sa famille.
Agnostique, mais pas anticlérical, il ne croyait qu’au règne de la raison.
Si Roger Martin du Gard est connu comme auteur de romans - Jean Barois, Les Thibault, Vieille France -, il ne faut pas oublier qu’il a également écrit trois pièces de théâtre - La Gonfle, Le Testament du Père Leleu (monté par Jacques Copeau en 1914 au Théâtre du Vieux-Colombier) et Un Taciturne (joué par Louis Jouvet en 1931).
De ses études d’archiviste à l’Ecole des Chartes, il retira le souci constant d’immerger ses personnages romanesques dans un environnement historique scrupuleusement respecté. Roger Martin du Gard voulait une écriture qui soit à l’image de la vie qu’il voyait. Il vouait une profonde admiration à Tolstoï et, comme lui, ne voulait pas que le romancier imposât sa volonté à la réalité; mais seulement livrer des faits précis, dépourvus de tout commentaire. Il voulait laisser à son lecteur la tâche de se forger une opinion.
Informations pratiques
Confidence Africaine
Nouvelle à deux voix de Roger Martin du Gard
Mise en scène Jean-Claude Berutti
Avec : Jean-Claude Berutti / Philippe Faure (en alternance) et Christian Crahay
Costumes Colette Huchard
Théâtre du Lucernaire
53 Rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
du 8 janvier au 1er mars 2014 - 18h30
Théâtre Rouge - Durée 55'
Plein tarif : 25 €
Seniors (+ de 65 ans) : 20 €
Tarif réduit (-de 26 ans/chômeurs) : 15 €
Enfant jusqu'à 12 ans: 10 €
Réservations 01 45 44 57 34
Puis en tournée du 8 au 30 avril 2014 au Théâtre Le Public (Bruxelles)
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Nouvelle à deux voix de Roger Martin du Gard
Mise en scène Jean-Claude Berutti
Avec : Jean-Claude Berutti / Philippe Faure (en alternance) et Christian Crahay
Costumes Colette Huchard
Théâtre du Lucernaire
53 Rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
du 8 janvier au 1er mars 2014 - 18h30
Théâtre Rouge - Durée 55'
Plein tarif : 25 €
Seniors (+ de 65 ans) : 20 €
Tarif réduit (-de 26 ans/chômeurs) : 15 €
Enfant jusqu'à 12 ans: 10 €
Réservations 01 45 44 57 34
Puis en tournée du 8 au 30 avril 2014 au Théâtre Le Public (Bruxelles)
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