10 au 28/12 <> Les Embiernes recommencent. Spectacle proposé par Émilie Valantin aux Célestins, Lyon

Pour célébrer en 2008 le Bicentenaire de Guignol, Franck Adrien, Jean Sclavis et moi-même donnerons libre cours à notre accent lyonnais, sans laisser cette bonhomie phonétique relâcher notre jugeote !


Note d’intention d’Émilie Valantin

« Aimes-tu vraiment Guignol ? » m'écrivit Jean-Guy Mourguet 1 (en dédicace du livre de Paul Fournel 2 consacré aux Mourguet et à Guignol...) Oui et non... A Lyon, critiquer, ça n'empêche pas de fréquenter ! Et plus on connaît, plus on s'attache, même aux défauts... Quand Guignol fait le « bien-pensant », à l'abri d'un soi-disant « franc-parler » par exemple... Pour le protéger de mauvaises fréquentations conservatrices, voire réactionnaires qui l'ont « bien fatigué », je lui présente d'autres amis, des libertaires de son âge d'abord : Darien, Octave Mirbeau, Michel Provins... Et puis du nôtre : Clément Rosset, Daniel Pennac... La liste potentielle est ouverte. Ou des provocateurs sans concession venus d'ailleurs, comme El Hodja Nazzredin... car à l'étranger on trouve des frères à Guignol... Pour célébrer en 2008 le Bicentenaire de Guignol, Franck Adrien, Jean Sclavis et moi-même donnerons libre cours à notre accent lyonnais, sans laisser cette bonhomie phonétique relâcher notre jugeote ! i[Émilie Valantin]i

GRÂCE AUX CASTELETS...

Sans la création et le succès des Castelets de Jardins depuis 1994, nous ne pourrions pas affronter le secteur culturel avec Guignol...
Paradoxe que chacun tentera d'expliquer, il a fallu crédibiliser la marionnette à gaine par divers décalages et réactualisations, avant de pouvoir aborder avec fermeté Guignol lui-même.
Célébré à Lyon en 2008, le Bicentenaire de Guignol et l’invitation du Théâtre des Célestins l'autorisent, voire l'exigent.
Cela fait des années que j'attends le moment de ce retour aux sources.
Je l'avais approché grâce à Clément Rosset dans La Disparition de Pline, montage de textes mêlant les aphorismes de la Vieille Sagesse Lyonnaise et des aspects de la pensée matérialiste, où Guignol et le diable commentaient les philosophies platoniciennes...
Aujourd'hui, la difficulté est de choisir parmi les textes d'un répertoire méconnu du public et des professionnels du spectacle, d'éclairer ce choix par des textes complémentaires en appui critique, et de proposer un corpus divertissant et radical dont l'audace sera simplement de jouer Guignol !

DISTRIBUTION

Ce sont les qualités et la complémentarité de mes trois complices qui autorisent cette prise de risques esthétique et littéraire : Jean Sclavis jouera Guignol, héritier de Mercure et de Scapin. Franck Adrien et Gaston Richard (en alternance) feront sonner les graves enroués de Gnafron/Dionysos.
Pierre Saphores assumera sobrement tous les défauts et les ridicules du propriétaire, tandis que Emilie Valantin se glissera dans les rôles féminins de ce répertoire misogyne (Madelon, jeune fiancée, concierge, cocotte, etc...).
Les textes en réserve sont innombrables.
Il y a les “classiques” du recueil Onofrio, les parodies fin XIXème, les pièces de répertoire des grands théâtres Lyonnais (revues et pièces satiriques), les intermèdes et monologues chansonniers, les pièces inédites des concours des Amis de Guignol entre les deux guerres, et tout ce qui relevant de l'humeur et
des archétypes de ce théâtre, pourra y être joué : articles de presse, adaptations de morceaux choisis de romans actuels, scènes vécues ou observées...

LE TITRE

“Les embiernes commencent...” utilise le vieux mot lyonnais “embiernes” qui désigne, on le comprend facilement, les tracas et les ennuis... les emm…
On aurait pu intituler aussi cette suite de séquences : “Embiernes et patrigots” qui veut dire ennuis et commérages, ou “Ah ! Vouatt !” à intonation dubitative, qui veut dire "tu parles !" en “Yonnais”.
Ou encore “Manquâblement” très utilisé avec l'accent lyonnais alourdissant le a.

GUIGNOL ET SES COMPARSES
Qui connaît vraiment Guignol ?
Le personnage de Guignol est aussi connu que méconnu, comme celui de
Polichinelle.
Chacun a la vague image d'un personnage marron et sympathique, qui procure
depuis deux cents ans l'illusion politique d'un franc-parler à certains lyonnais.
Pour d'autres, il se réduit à celui d'un “ami des enfants”, frondeur et gentil,
justement peu susceptible de les intéresser.
Il n'a d'ailleurs pas été créé pour eux en 1808 !
En réalité, très peu de gens connaissent le théâtre, Guignol, et les textes méritent
une analyse critique - littéraire, historique et politique - avant d'être montés.
Beaucoup sont inédits, mais sont souvent des variations de textes antérieurs,
pour adapter l'histoire aux moyens technique de la troupe, ou pour introduire un
petit air à la mode en changeant les noms et les métiers des personnages.
QUI SONT-ILS ?
Tout un monde d'opprimés et de mécontents chroniques...
Il faut sélectionner, couper et surtout redonner à certains - Gnafron, Madelon,
Cadet, le Notaire, la concierge, le Parisien, le Bailli... et surtout “le Propriétaire” -
l'importance significative qui permet à Guignol d'exister concrètement, dans les
textes d'hier susceptibles de nous intéresser aujourd'hui.
Guignol est toujours ”fauché”, d'où ses mésaventures inépuisables pour s'en
sortir, face au Propriétaire en particulier, et à toute perspective de rentrée
d'argent en général (héritage, récompense inattendue, loterie, etc.) d'où ses
échappées désinvoltes dans le mot pour rire...
Le "je m'en foutisme" comme dérobade et résistance de perdant.
On peut cependant comprendre le bon mot, ou le refuge final dans la bouteille et
le repas réconciliateur comme une dérobade à la prise de conscience politique,
voire à l'action... Le soi-disant “francparler” s'en tient là...

GUIGNOL ET LA POLITIQUE

Le théâtre Guignol est donc récupérable par les pensées les plus molles, voire les plus conservatrices. Il a pu devenir un théâtre de société bourgeois, misogyne, raciste et xénophobe dont les termes surprendraient ceux qui imaginent l'amorce d'une pensée marxiste ou “sociale” dans ce répertoire.
C'est dans la Presse lyonnaise plus que dans le Théâtre que Guignol sera le porte-parole des mouvements prolétaires affirmés (et nommés comme tels) à Lyon dès 1834 grâce aux organisations ouvrières des canuts ; Guignol est récupéré par la bourgeoisie lyonnaise quand Antoine ou Gémiers jouent à Paris devant les cercles ouvriers, et quand se construit le Théâtre du Peuple à Bussang.
Réalités instructives à méditer à l'occasion de ce Bicentenaire 2008...
Notre fréquentation des textes nous amène par honnêteté intellectuelle à saluer la plume d'Emile Pellissier, auteur de “la Brouille” au concours 1929 des Amis de Guignol... qui se proclame royaliste et récupère Guignol et Gnafron contre la III° République dans des scènes, il est vrai, très enlevées, mais nauséabondes (le Balcon de Guignol). Le répertoire des parodies d'Opéra relève aussi d'un apparent apolitisme dit “bien-pensant”, qui recouvre des sympathies ultra conservatrices...
Bien éloigné de ce qu'on attend de Guignol.

CEPENDANT GUIGNOL RÉSISTE...
Comme ceux de Feydeau, Labiche, Meilhac et Halevy, Courteline ou Mirbeau, certains textes de Guignol tiennent la route, j'en vois deux raisons :
1°) Leur singularité linguistique associée à la revendication d'appartenir à un territoire borné, dans tous les sens du terme... Naïveté vaut insolence.
Le parler lyonnais divertit la Francophonie entière... comme le prouvent certains épisodes de Kamelott, et Guignol fascine à l'étranger !
2°) La récurrence des protagonistes. On suit ces derniers d'histoire en histoire.
Ce sont les héros d'une série dont on savoure le concept. On s'enfonce avec eux dans un scénario convenu, qui finira bien, comme les enfants dans le conte ressassé; il y a là une régression...
Ou une parodie de catharsis ...
Nous aurons à cœur de présenter des moments de ce répertoire qui évolue sur deux siècles, en regrettant de ne pouvoir jouer les fondamentaux (le Déménagement par exemple, Les frères Coq, le pot de confiture, etc. qui mériteraient un spectacle à eux seuls) pour mieux faire comprendre notre sélection.
A titre informatif autant que par goût personnel, nous laisserons certaines scènes dans leur contexte historique sans réactualisation forcenée.
Ce sera “les surprises du passé" (textes originaux trop longs, coupes indispensables).
À des textes de théâtre libertaire de même veine et de même époque s'ajouteront les adaptations "à la lyonnaise" d'anecdotes contemporaines ou étrangères, écrites par nos soins, car nos personnages traditionnels, éternelles victimes ou médiocres mécontents, trouvent toujours de nouveaux sujets
d'indignation ou de conflit, ailleurs et aujourd’hui.

RENSEIGNEMENTS - RÉSERVATIONS

Du 10 au 28 décembre 2008 Création Bicentenaire
LES EMBIERNES
RECOMMENCENT
Spectacle proposé par Émilie Valantin Théâtre du Fust
Tél. 04 72 77 40 00 - Fax 04 78 42 87 05 (Du mardi au samedi de 13h à 18h45)
Toute l’actualité du Théâtre sur notre site www.celestins-lyon.org

pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 5 Décembre 2008 à 01:40 | Lu 525 fois
pierre aimar
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