11 et 12 février. La Nuit des Rois, de William Shakespeare, mise en scène Jean-Louis Benoît, La Criée théâtre national Marseille au théâtre de Privas (07)

Une jeune femme sort de la mer. Elle se nomme Viola (ce nom ne sera prononcé qu’à la fin de la pièce). Son frère jumeau vient de se noyer au cours d’un naufrage.
Dans le pays de fantaisie où elle échoue elle se travestit en homme, cela sans aucune raison si ce n’est celle, secrète, de faire revivre ce frère aimé.


Nuit des rois, Dominique Compagnon, Luc Tremblais, Jean-Claude Leguay © Brigitte Enguerand
Elle se fait appeler Césario, elle entre au service d’un homme mélancolique éperdument amoureux d’une autre jeune femme, en deuil elle aussi d’un frère, et qui possède les mêmes lettres que son propre nom : Olivia.
Césario tombe amoureux-se de son maître, tandis qu’Olivia s’éprend de Césario-Viola…Une suite de malentendus, de quiproquos et de méprises s’ensuivent nécessairement.
Viola retrouve enfin son frère jumeau, vivant. Olivia va le séduire et l’épouser, Viola dévoile à tous sa féminité et est aussitôt aimée et épousée par son maître. Viola est toujours en Césario. On ne la verra jamais remettre sa robe.
Dans ce jeu de doubles et de reflets où l’autre est comme l’écho de vous-même, où la raison et la déraison, la farce et la gravité semblent se répondre, un amour, un seul, pousse la pièce en avant :celui, passionné, de Viola pour son maître Orsino. Seule Viola obtient ce qu’elle veut :
Orsino et la « résurrection » de son frère. Si cet amour est si profond c’est certainement parce qu’il est éprouvé par un être androgyne, qu’il est trouble, troublant, tendu entre le féminin et le masculin, entier.
Le travesti de Viola n’est pas un mensonge ou une simple commodité pour mener l’action : il reconstitue en toute vérité l’être humain avec ses deux moitiés, féminine et masculine, dans une lutte contre la mort qui lui a volé son double, ce frère jumeau qu’elle veut faire revenir à la vie.

La Nuit des Rois, une comédie lyrique

Les personnages de La Nuit des rois sont des êtres égarés au bord de la mer, cette mer cruelle qui s’acharne à séparer les familles et à briser les liens. Hommes et femmes sont comme abandonnés à des forces inconnues, incompréhensibles. Ils ne comprennent pas grand chose à ce qui leur arrive. L’amour lui-même est plein d’erreurs et d’errements.
Aveugles souvent, ballottés, capricieux et même cyniques, ils voient ce qui n’est pas et sont ce qu’ils ne sont pas. Tout comme Lago, Viola peut dire : « I am not what I am. »
Dernière comédie lyrique, cette pièce de Shakespeare annonce les inquiétudes, les remises en question, les tons sombres des tragédies. Le quatuor de désoeuvrés, Toby, Andrew, Feste, Maria est donc chargé de chasser la tristesse qui enveloppe l’oeuvre. Chants, danses, débauches, cris et duel s’entrelacent tout le long de la quête amoureuse de Viola.
Les comédies de Shakespeare sont toutes un peu tristes. Le monde étant ce qu’il est, comment ne le seraient elles pas ? Mais cela n’exclut pas le rire et le divertissement.
« Il pleut tous les jours ! Le monde est vieux ! » nous chante le bouffon à la fin de la pièce.
« Mais heureusement, le théâtre est là ! »

La Nuit des Rois, notes du metteur en scène

Ces lignes sont écrites à plusieurs mois de la première répétition. Mon spectacle La Nuit des rois est encore à l’état de songe. Je sais qu’il sera musical, chanté et dansé...
Que les décors nous feront rapidement aller du bord de la mer aux salons austères d’Olivia et d’Orsino.
Qu’il y aura un piano, des rideaux très légers, visibles et invisibles, des personnages en costumes du XVIIème siècle, en conversation basse, feutrée, et d’autres vociférant des obscénités, un bouffon fugueur, vieilli et fatigué d’être encore là, et un homme sombre en perruque au pouvoir menaçant qui est au centre d’une des scènes les plus drôles du théâtre de Shakespeare : Malvolio.
« J’ai toujours eu envie de mettre en scène une comédie de Shakespeare. Généralement, en France, on monte plutôt ses grandes tragédies. Si La Nuit des rois me plaît tant, c’est parce qu’elle raconte de façon magnifique la quête de l’identité. C’est un thème passionnant. Durant toute la pièce, une jeune fille lutte contre l’idée de la mort de son frère jumeau. Sans même s’en rendre compte, elle part ainsi à la recherche d’elle-même. Dans cette pièce, Shakespeare tisse les fils de la farce et de l’amour de façon noble et lumineuse, de façon particulièrement délicate. »
Jean-Louis Benoît

Distribution

De William Shakespeare
Traduction Jean-Michel Déprats
Mise en scène Jean-Louis Benoit
Collaboration artistique Karen Rencurel
Scénographie Jean Haas
Costumes Marie Sartoux
Lumières Jean-Pascal Pracht
Maquillage et Perruques Cécile Kretschmar
Son Jérémie Tison
Chorégraphie Lionel Hoche
Assistante à la mise en scène Keti Irubetagoyena.
Avec :
Nathalie Richard Viola
Dominique Valadié Feste
Ninon Brétécher Olivia
Jean-Pol Dubois Malvolio
Arnaud Décarsin Orsino
Jean-Claude Leguay Sir Toby
Jean-Marc Bihour Sir Andrew
Luc Tremblais Maria
Dominique Compagnon Fabien
Laurent Montel Le Capitaine / Antonio
Guillaume Clausse Sébastien
et Juliette Augert, Claire Calvi, Pauline Méreuze

Théâtre de Privas
Place André Malraux
07000 Privas
Tél. 04 75 64 62 00
Fax. 04 75 64 35 10

pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 29 Janvier 2010 à 23:46 | Lu 2517 fois
pierre aimar
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