20 au 31 janvier, Madame de Sade de Yukio Mishima, mise en scène Jacques Vincey, au TNP, Villeurbanne

Six femmes réunies par trois fois en dix-huit ans pour évoquer l’absent, le monstre, le maître: Donatien
Alphonse François, Marquis de Sade.
Le «divin marquis» apparaît en filigrane des affrontements passionnés de ces femmes captives de leurs fantasmes et de leurs éthiques contradictoires.
Il est le spectre effrayant et fascinant qui rôde et les obsède.


Madame de Sade de Yukio Mishima, mise en scène Jacques Vincey
Petit Théâtre du TNP du 20 au 31 janvier 2010
Avec
Hélène Alexandridis, Alain Catillaz, Marilú Marini, Isabelle Mazin,
Myrto Procopiou, Julia Vidit
Contribution artistique Paillette ; travail vocal et assistanat à la mise en scène Emmanuelle Zoll
scénographie Sallahdyn Khatir ; lumière Marie-Christine Soma
musique et son Frédéric Minière, Alexandre Meyer ; costumes Claire Risterucci
maquillage et perruques Cécile Kretschmar ; carcassiers Alicia Maistre, Soux
régie général Serge Richard ; construction du décor La Manufacture

Production Compagnie Sirènes (Direction de production Emmanuel Magis)
Coproduction Centre dramatique Thionville–Lorraine, Comédie de Picardie, Théâtre Vidy–
Lausanne, Théâtre de la Ville – Paris, Scène nationale d’Aubusson, Théâtre du Beauvaisis.
Avec le soutien de la DRAC Île-de-France ; ministère de la Culture et de la Communication ;
Nouveau Théâtre de Montreuil - Centre dramatique national.
Remerciements au Studio-Théâtre de Vitry
Durée du spectacle : 2h15 sans entracte

Madame de Sade est une pièce de femmes

Six femmes réunies par trois fois en dix-huit ans pour évoquer l’absent, le monstre, le maître: Donatien
Alphonse François, Marquis de Sade.
Le «divin marquis» apparaît en filigrane des affrontements passionnés de ces femmes captives de
leurs fantasmes et de leurs éthiques contradictoires.
Il est le spectre effrayant et fascinant qui rôde et les obsède.
Madame de Sade se dévoue corps et âme à son mari emprisonné, mais lorsqu’il sera enfin libéré, au
lendemain de la Révolution Française, elle décidera brutalement de ne plus le revoir et de demander le divorce.
C’est sur cette énigme que repose la pièce.
Autour d’elle, Madame de Montreuil, sa mère, usera de tous les moyens à sa disposition pour maintenir
en prison cet homme que ses valeurs et sa morale réprouvent.
Anne, sa petite soeur, sera la maîtresse de Sade, et sa délatrice.
Madame de Saint-Fond, la courtisane, épuisera ses forces et sa raison dans la débauche.
Madame de Simiane, l’amie d’enfance, préfèrera se réfugier dans la religion.
Charlotte, enfin, assistera aux affrontements de «ces dames» avec le recul conféré par son statut de
domestique.
La pièce se déroule entre 1772 et 1790.
L’Histoire est en marche. Des hommes et des femmes se battent contre les valeurs morales, sociales
et politiques d’un monde qui s’écroule.
A l’intérieur du salon de Madame de Montreuil, des femmes se débattent avec l’ombre d’un homme qui
repousse toujours plus loin les bornes de la liberté individuelle et franchit allègrement les frontières
de ce qui est humainement concevable.
Face aux abîmes qui s’ouvrent devant elles, chacune se défend comme elle peut en fonction de sa situation, de ses moyens et de ce qu’elle croit être «la» vérité.
C’est dans sa chair meurtrie et son âme bafouée que Madame de Sade trouve la force d’une dévotion
déraisonnable: «si mon mari est un monstre de vice, il faudra que je devienne pour lui un monstre de
fidélité.»
C’est sur la fragilité de ces femmes que se bâtissent leurs convictions inaltérables.
Confrontés à leurs limites, les personnages accèdent au statut de figures.
J’ai usé de chocs de concepts pour donner forme au drame et j’ai fait parader les sentiments en habit
de raison. Mishima parle de la précision mathématique avec laquelle il fait évoluer les caractères
autour de Mme de Sade. Cette précision exalte la violence des enjeux et des situations. Ces femmes
incarnent des idées qui s’affrontent : elles sont prosaïques et sublimes, triviales et lyriques. Loin de
s’annuler, ces registres de jeu s’additionnent et donnent une profondeur aux personnages.
Dans sa forme, la pièce est à la croisée du théâtre japonais traditionnel et du théâtre français du xviiie
siècle.
Les protagonistes du drame semblent animés par des forces qui les dépassent, comme des marionnettes,
des figurines de porcelaine qui évolueraient sur un échiquier à la manière de l’évolution et de
la révolution des planètes. Néanmoins, leur rapport à la parole et la perversité de leurs relations n’est
pas sans rappeler le théâtre de Marivaux ou Les liaisons dangereuses de Laclos : ces femmes parlent
pour exister, pour combler le vide qui les menace.

Sade «vu à travers le regard de Mishima» échappe à toute appréhension univoque ou anecdotique de
ce personnage qui hante notre imaginaire collectif.
Sade vu à travers le regard des femmes nous confronte à notre propre vertige et à la liberté insolente
de cet homme qui affirmait : « Ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des
autres ».
Ces femmes sont « plus grandes que nature ».
Comme des insectes autour d’une lampe, elles tournoient, virevoltent fiévreusement autour d’une flamme
invisible : l’absence physique du Marquis de Sade exalte sa présence virtuelle.
Il est un « fantôme vivant » qui les oblige à se hisser jusqu’à un monde intermédiaire qui est celui des
esprits, des rêves, des fantasmes...
Ces femmes doivent sublimer leur humanité pour affronter l’inconcevable.
Le langage est leur arme absolue.
Elles prennent la parole comme des guerriers prendraient une place forte.
Elles se constituent des forteresses de convictions pour résister à une réalité dévastatrice.
Leurs personnages sont des tribunes d’où le verbe fuse pour tenter de donner sens au chaos qui les
menace.
Chacune se réfugie dans son « théâtre », avec ses illusions, ses codes et ses rituels.
Leurs costumes sont des « machines de guerre » : corsets et crinolines sont les carapaces précieuses
dans lesquelles elles se juchent pour affronter l’adversité.
Comme des bernard-l’hermite, elles investissent des coquillages fabuleux qui les protègent et leur
donnent forme et consistance.
Sur le plateau nu, leurs déplacements obéissent à une stratégie savante, à des règles du jeu précises
mais connues d’elles seules. Elles sont les pièces maîtresses d’un échiquier imaginaire.
Au coeur de l’arène, elles sont des créatures chimériques, des centaures qui se défient bravement.
Hors-jeu, elles redeviennent femmes ; donc fragiles, vulnérables, pitoyables parfois.
Assises sur des pliants en bord de scène, les actrices assistent au spectacle, attendent leur tour pour
investir à nouveau leur personnage et pénétrer dans le « sanctuaire ».
Le simulacre est révélé.
Le salon de Madame de Montreuil est le théâtre où se joue leur destin.
Le spectateur assiste à la métamorphose de ces femmes ordinaires en créatures extraordinaires, et
réciproquement.
Il est le témoin privilégié de ces mutations spectaculaires.
Il est voyeur et complice d’un jeu dangereux qui « s’invente » sous ses yeux.
Jacques Vincey

Informations pratiques

Le Petit Théâtre du TNP
Situé derrière le TNP, rue Louis-Becker à Villeurbanne, 04 78 03 30 30
Calendrier des représentations
Janvier : mercredi 20, jeudi 21, vendredi 22, samedi 23, mardi 26, mercredi 27, jeudi 28, vendredi 29 à 20 h 00, dimanche 24, dimanche 31 à 16 h 00
Location ouverte. Prix des places : 23 € plein tarif ; 18 € tarif abonné et tarif groupe
(10 personnes minimum) ; 13 € tarif réduit (moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, bénéficiaires
de la CMU, professionnels du spectacle).
Renseignements et location 04 78 03 30 00 et www.tnp-villeurbanne.com
Accès au Petit théâtre du †
TCL Métro ligne A, arrêt Gratte-Ciel.
Bus ligne C3, arrêt Paul-Verlaine ; Bus ligne 38 et 69, arrêt Mairie de Villeurbanne.
En voiture prendre le cours Émile-Zola jusqu’aux Gratte-Ciel, suivre la direction Hôtel de Ville.
Le TNP est en face de l’Hôtel de Ville.
Par le périphérique, sortir à Villeurbanne Cusset / Gratte-Ciel.

pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 8 Janvier 2010 à 02:17 | Lu 1454 fois
pierre aimar
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