3 mai au 14 juin 2010, La Fondation SOS Talents de Michel Sogny sponsor du concours de piano la Reine Elisabeth

Il y aurait beaucoup à dire sur ce concours, notamment le mode de sélection initial qui apparait des plus illogiques : chaque juré restitue, après chaque épreuve sa "fiche" à l'huissier avant même d'avoir auditionné la totalité des candidats. Le juré n'a aucune vision d'ensemble et le discernement indispensable à une telle compétition.
(Il ne pourra revenir sur sa décision puisqu'il n'y a pas de synthèse prévue à l'issue de la première épreuve.)

Ainsi, on constate, lors de la proclamation des demi-finalistes que les jurés se sont réveillés sur la fin de la semaine (sans doute frileux au déb...

Il y aurait beaucoup à dire sur ce concours, notamment le mode de sélection initial qui apparait des plus illogiques : chaque juré restitue, après chaque épreuve sa "fiche" à l'huissier avant même d'avoir auditionné la totalité des candidats. Le juré n'a aucune vision d'ensemble et le discernement indispensable à une telle compétition.
(Il ne pourra revenir sur sa décision puisqu'il n'y a pas de synthèse prévue à l'issue de la première épreuve.)

Ainsi, on constate, lors de la proclamation des demi-finalistes que les jurés se sont réveillés sur la fin de la semaine (sans doute frileux au début des épreuves, se réservant pour la suite...), devant remplir leur quota : en effet les jeudi et vendredi retiennent une majorité de candidats tandis que ceux du début de semaine et ceux du samedi sont laissés pour compte (ou oubliés) !
Ceci pourrait expliquer les résultats d'accès à cette demi-finale pour le moins surprenants.

Certains candidats sont à leur place, d'autre, vraiment pas... Cela décrédibilise la valeur et la renommée du concours.

Comment le jury a-t-il pu laisser passer un artiste comme Antoine de Grolée
?!
Est-ce parce qu'il a été auditionné en début de semaine (le 4 mai) et "qu'on" attendait le reste ? (63 candidats, c'est lourd et, le programme est chargé. On a vu le jury parfois un peu las et nettement moins attentif.)

Ce jeune homme a été époustouflant : très musical, habité, expressif, narratif, plein de nuances et de virtuosité.

L'oubli du jury m'a franchement dépité.

Antoine de Grolée, c'est monsieur "100 000 nuances" !!! (les "100 000 notes", il les a dépassées depuis apparemment bien longtemps !)

Le piano a chanté ce 4 mai, brillant de vivacité et d'intentions (malgré un instrument médiocre, remplacé le vendredi 7 mai - c'est dire que les candidats de fin de semaine se sont trouvés nettement avantagés).
Le jeune Antoine est un des rares à m'avoir ému et, le seul à m'avoir fait pleuré !

Il s'est surpassé, a osé prendre des risques quand tant d'autres font du "propre", du "technique"... Mais, quel ennui !

Antoine de Grolée recrée la musique, la comprend, la ressens, la vit et fait preuve d'une grande maîtrise, même en plein premier tour (on imagine la gestion du stress due, parfois, aux conditions de répétitions juste avant l'épreuve, loin d'être optimum).

Qu'est-ce qu'interpréter : c'est analyser, comprendre, restituer et... enrichir !

C'est là que ce jeune homme doué d'une belle présence, d'une vélocité et d'une vitalité incroyables, fait toute la différence. Rien n'est formaté. Il repousse les limites, sait nous étonner.
Il nous transporte, nous mène dans l'univers du compositeur, restitue le climat de l'oeuvre, y ajoute sa sensibilité à fleur de peau et ses choix personnels.

Je reproche vraiment aux concours actuels de ne pas servir la musique, de privilégier le formatage au détriment de la créativité (outre le mode de sélection absurde décrit plus haut).

La musique est un art et non une usine à robots. Les notes n'ont pas le même poids !

Je ne comprends pas que soient retenus des pianistes jouant en majorité d'une manière similaire : disciplinée et aseptisée. (Au diable les bons élèves ! Nous attendons une jeune génération d'artistes !)
D'une oeuvre à l'autre, ils appliquent le même jeu, standardisé.
Comprennent-ils ce qu'ils sont sensés interpréter ?

Ils savent tous jouer du piano mais, ils sont trop souvent enfermés dans la technique qui elle, doit être également au service de la musique afin de permettre de multiples nuances et non une systématisation du jeu pianistique.

Après la technique (qui doit être dépassée), place à la musicalité et à la créativité.

Antoine de Grolée est un artiste à part entière et il l'a démontré : chaque oeuvre interprétée l'a été de façon magistrale, avec générosité, une immense sensibilité. Il a été capable de recréer un univers particulier, bien différent et un jeu adapté.

Le jury ne lui a pas donné la possibilité de nous montrer et nous faire encore partager, lors des épreuves suivantes, la richesse infinie de son talent.

Qu'à cela ne tienne ! Antoine de Grolée fera son chemin par lui-même tant il enrichit chaque oeuvre de par ses choix d'interprétation, la subtilité de son jeu et sa vélocité. (D'autres comme lui, ont effectué une carrière éblouissante bien qu'ayant été "remerciés" au concours Reine Elisabeth)

Chez Antoine de Grolée, chaque note est pensée, chaque nuance est pesée...
Penchez vous sur "son" Bach : un bijou de lumière et d'inventivité.
Laissez-vous tenir en haleine par son Listz, sa palette de jeu est d'une richesse infinie.
Devenez funambule, restez sur le fil avec Bartok.
Prenez le temps d'entrer avec lui dans l'univers de Chopin et laissez-vous porter par le lyrisme de ce jeune interprète. Tout est fouillé.
Il y a chez lui de la fougue, de la passion, de la sensualité, tant d'émotion qui circulent. Il ne lâche jamais l'oeuvre, la sert jusqu'au bout, dans ses moindres détails.
Des qualités indispensables qui se perdent dans cette mode au clonage désespérante.

J'ai longuement écouté les autres candidats. Entre Antoine de Grolée et eux, il n'y a pas photo ! Il est exceptionnel.
Quelques Russes sont capables de restituer cette poésie et cette musicalité évoquée plus haut (comme Evgeni Bozhanov dont le tempérament est similaire).
Ils sont encore en lice. A suivre donc...

J'ai suivi les concertos de Mozart durant toute la semaine.

Pauvre Mozart !
Ces oeuvres pleines de lyrisme m'ont parues, la plupart du temps, comme délavées, décolorées tant l'interprétation est vide de sens, d'inspiration.
Les candidats jouent comme s'ils avaient peur de se prendre les pieds dans le tapis ! Ont-ils compris ce génie, sa personnalité, son oeuvre ?

Je fredonne en même temps et m'aperçois qu'eux non !
Là où ils devraient lier, tout est haché, égrené sagement sans passion.
Là où on attend un beau ralentendo ou un pianissimo, ça passe au même rythme, sans nuances, comme le reste, mécaniquement. Et je déroule, et je déroule...

Au diable les bons élèves !
La musique mérite que l'on prenne des risques, que l'on se donne a fond pour elle. Le musicien est à son service.

Allez, une note d'humour avant de vous quitter : la vieille dame au premier
rang dort a poings fermés, bouche ouverte, ça en dit long !!!

Je terminerai par : « L'Art naît de rigueur, vit de lutte et meurt de liberté ». André Gide.

Mesdames et Messieurs les jurés, je vous invite à la méditer !