6 juillet au 22 août, Tartuffe de Molière au Château de Grignan (Drôme) dans le cadre des Fêtes nocturnes. Jacqueline Aimar

On dîne ce soir au château, là sur la terrasse où se dresse la table. Une table essentielle et importante, centre de l’action qui se déroule sous les yeux du spectateur. Dans ce décor façon grand siècle, tout semble vrai et naturel. Ne reste que la famille à convaincre . Car il s’agit bien de cela.


Tartuffe de Molière au Château de Grignan (Drôme) dans le cadre des Fêtes nocturnes

La scène se passe de nos jours dans une famille française aux prises avec un individu décidé à la soumettre à un ordre moral répressif. Il a déjà fait la conquête du père de famille et de la vieille dévote de grand mère Madame Pernelle et voudrait régenter les mœurs et bien évidemment les biens de cette famille.
Si l’auteur dans son siècle avait choisi de voir en Tartuffe la critique du rigorisme et des mœurs hypocrites en religion…avait-il pensé secte ? Inquisition ?
« Il agit secrètement au nom d’une institution, d’une organisation ou d’une secte dont nous devinons seulement l’existence. » Il s’agit en fait de la célèbre compagnie du Saint Sacrement qui par la Cabale des dévôts a tout fait pour interdire la pièce de Molière.
C’est ainsi que la mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman renouvelle l’intérêt et réactualise l’angle de vue sur la pièce.

« Cela se passe ici et maintenant même si on devine que cela eut lieu en d’autres temps et que cela se passe aussi de nos jours ailleurs et dans bien des pays. »
Et voilà le joli – vilain personnage d’hypocrite, de Tartuffe en somme voulu par Molière, projeté dans l’actualité mondiale et ses drames de l’usurpation, et des plus graves atteintes à la liberté. Voilà Molière résolument de son temps et du nôtre, même si demeure en filigrane le mini scandale du « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » qui a fait ricaner des générations d’élèves et volontiers choqué en son temps. Dont Louis Jouvet affirme qu’aucune déclaration dans aucune scène de théâtre n’est aussi suave aussi charmante, que celle de Tartuffe pour Elmire.
Pis encore, avec Tartuffe, Molière passe au vitriol du rire tous les ravages des intégrismes religieux, de la terreur et de la séduction qui les accompagnent ; de l’hypocrisie à laquelle ils mènent consciemment ou non les peuples et les sujets qui le pratiquent ou en sont les victimes. « Comme nous le voyons toujours aujourd’hui dans les pays où il s’est emparé du pouvoir, le fanatisme et sa machine de répression contre les libertés individuelles et singulièrement contre les femmes, sont l’envers d’une frustration fondamentale». Attirance d’Orgon envers Tartuffe, désir irrépressible de Tartuffe pour Elmire et violent ressentiment de Madame Pernelle contre la jeunesse et l’amour.
Mais comme à l’ordinaire chez les servantes de Molière, Dorine est là, lucide, et ses mots forts et drôles pèsent à charge contre l’obsession d’Orgon et de Tartuffe.

La pièce est interprétée par la compagnie Pandora, fondée en 1976 par Brigitte Jaquess-Wajeman, metteur en scène, et François Regnault écrivain et philosophe, qui reste fidèle aux œuvres classiques particulièrement autour de Corneille et crée bon nombre de pièces contemporaines tout en entretenant une activité pédagogique régulière.
Jacqueline Aimar

Du 6 juillet au 22 août, 04 75 91 83 65 sauf le lundi.
Situer le château de Grignan sur la carte

pierre aimar
Mis en ligne le Mercredi 13 Mai 2009 à 20:33 | Lu 4519 fois
pierre aimar
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