Mise en scène qui peut faire grincer des dents
Parfois le temps fait beaucoup à l'affaire ! Si cet « Elixir d'Amour » a été composé en quinze jours, il reste bel et bien un chef d'œuvre du genre...
Impossible de résister à cette partition qui alterne moments de pure comédie et scènes d'un pathétique à faire pleurer Margot au fond de sa chaumière.
Et Vlan, du balai ! A l'Opéra Confluence en Avignon, avec la mise en scène de Fanny Gioria, Donizetti s'invite au Luna Park.
Point de Pays Basque de fantaisie ou de bluette écolo. On modernise à tout-va, on actualise, on twiste sur certains morceaux, on sourit parfois, on rit rarement, comme un air de déjà vu...
Les costumes n'ont rien de particulier, les clins d'œil au public abondent. Dulcamara le charlatan habillé comme l'As de Pique, sort d'un Cirque, rafle tout sur son passage et la poignée de militaires, mitraillette au poing, lorgne vers « un escadron volant » plus saphique que réellement menaçant.
Pompon sur le béret : l'héroïne en fuseau de cuir, qui ressemble à s'y méprendre, non pas à la patronne de la ferme du bonheur, mais à une tenancière d'un club sado-maso... plus qu'à une vendeuse de peluches, face au ténor spécialisé dans la barbe à papa.
Pour qui aime l'œuvre, ce coup de plumeau laisse non point rêveur mais dubitatif.
C'est certes vivant, alerte, psychédélique parfois, quelques idées sont savoureuses ou irrésistibles (le photomaton vaut son pesant de cacahuètes) mais que tout cela sent le rafistolage à la petite ficelle, la facilité même, faute de vrais moyens, tout simplement.
La seconde partie, plus « costumée », proche d'un Fellini en goguette rachètera beaucoup de choses.
Fanny Gioria arrive même à tirer l’ouvrage vers l’opérette lopézienne tout en respectant, heureusement, à la note près une musique plus difficile qu’il n’y paraît. Donizetti illustrant et inaugurant de belle manière en 1832 l’esthétique de l’opéra semiseria sur un livret des plus réussis de l’incontournable Felice Romani.
Quitte à décaper, ne lésinons pas et prenons un cast juvénile !
Et là chapeau bas. Tous s'en donnent à cœur joie dans la dérision, s'amusent, et tirent leur épingle du jeu avec une rouerie certaine.
Plaisir mitigé avec le couple formé par Sahy Ratia et Maria Mudryak. Le premier chante un Nemorino scéniquement gauche et benêt à souhait, comme le veut la tradition, avec en prime une souveraineté de ligne, un souci des contrastes et du phrasé méritoires. Son air tant attendu, appliqué, un rien nasillard ne dépassera pas le niveau d'un concours d'entrée de Conservatoire.
Difficile par contre de trouver Adina plus mutine et espiègle… Maria Mudryak aborde ce rôle périlleux avec un esprit romantique de sa voix de réelle soprano lyrique, conférant au personnage une sensualité et une grâce rares.
Précédée d’un clairon plus caserne que nature, l’entrée rigolote du matamore Belcore, en tenue kaki, armé jusqu'au dent, fait grande impression. Le sympathique Philippe-Nicolas Martin, beau comme il n'est pas permis, de son timbre de bronze rond, haut placé, allie de belle manière prestance vocale et verve bouffe.
Le charlatan Dulcamara est un personnage, ridicule, grotesque parfois. Grand comme un jour sans pain, perruqué comme un clown, Sébastien Parotte le joue avec drôlerie, aplomb, charme, même si la voix et les notes lui échappent un peu à force de vouloir en faire trop.
Et les chœurs dans tout çà ? Aux côtés de l’exquise Pauline Rouillard (qui tire intelligemment son épingle du jeu avec une voix frêle mais assurée), ils ont fait preuve, encore une fois, d’une belle homogénéité, d’une certaine tenue stylistique. Presque un exploit pour tous de chanter sérieusement cet ouvrage en tee-shirts ou bermudas pas toujours avantageux pour certains.
L’autre belle surprise viendra de la fosse. Samuel Jean dirige consciencieusement, couvre parfois les voix, mais n’ignore jamais les subtilités de la partition qu’il irise de mille couleurs.
De la belle ouvrage avec un Orchestre Régional Avignon-Provence des grands soirs comme en état de grâce.
Christian Colombeau
Impossible de résister à cette partition qui alterne moments de pure comédie et scènes d'un pathétique à faire pleurer Margot au fond de sa chaumière.
Et Vlan, du balai ! A l'Opéra Confluence en Avignon, avec la mise en scène de Fanny Gioria, Donizetti s'invite au Luna Park.
Point de Pays Basque de fantaisie ou de bluette écolo. On modernise à tout-va, on actualise, on twiste sur certains morceaux, on sourit parfois, on rit rarement, comme un air de déjà vu...
Les costumes n'ont rien de particulier, les clins d'œil au public abondent. Dulcamara le charlatan habillé comme l'As de Pique, sort d'un Cirque, rafle tout sur son passage et la poignée de militaires, mitraillette au poing, lorgne vers « un escadron volant » plus saphique que réellement menaçant.
Pompon sur le béret : l'héroïne en fuseau de cuir, qui ressemble à s'y méprendre, non pas à la patronne de la ferme du bonheur, mais à une tenancière d'un club sado-maso... plus qu'à une vendeuse de peluches, face au ténor spécialisé dans la barbe à papa.
Pour qui aime l'œuvre, ce coup de plumeau laisse non point rêveur mais dubitatif.
C'est certes vivant, alerte, psychédélique parfois, quelques idées sont savoureuses ou irrésistibles (le photomaton vaut son pesant de cacahuètes) mais que tout cela sent le rafistolage à la petite ficelle, la facilité même, faute de vrais moyens, tout simplement.
La seconde partie, plus « costumée », proche d'un Fellini en goguette rachètera beaucoup de choses.
Fanny Gioria arrive même à tirer l’ouvrage vers l’opérette lopézienne tout en respectant, heureusement, à la note près une musique plus difficile qu’il n’y paraît. Donizetti illustrant et inaugurant de belle manière en 1832 l’esthétique de l’opéra semiseria sur un livret des plus réussis de l’incontournable Felice Romani.
Quitte à décaper, ne lésinons pas et prenons un cast juvénile !
Et là chapeau bas. Tous s'en donnent à cœur joie dans la dérision, s'amusent, et tirent leur épingle du jeu avec une rouerie certaine.
Plaisir mitigé avec le couple formé par Sahy Ratia et Maria Mudryak. Le premier chante un Nemorino scéniquement gauche et benêt à souhait, comme le veut la tradition, avec en prime une souveraineté de ligne, un souci des contrastes et du phrasé méritoires. Son air tant attendu, appliqué, un rien nasillard ne dépassera pas le niveau d'un concours d'entrée de Conservatoire.
Difficile par contre de trouver Adina plus mutine et espiègle… Maria Mudryak aborde ce rôle périlleux avec un esprit romantique de sa voix de réelle soprano lyrique, conférant au personnage une sensualité et une grâce rares.
Précédée d’un clairon plus caserne que nature, l’entrée rigolote du matamore Belcore, en tenue kaki, armé jusqu'au dent, fait grande impression. Le sympathique Philippe-Nicolas Martin, beau comme il n'est pas permis, de son timbre de bronze rond, haut placé, allie de belle manière prestance vocale et verve bouffe.
Le charlatan Dulcamara est un personnage, ridicule, grotesque parfois. Grand comme un jour sans pain, perruqué comme un clown, Sébastien Parotte le joue avec drôlerie, aplomb, charme, même si la voix et les notes lui échappent un peu à force de vouloir en faire trop.
Et les chœurs dans tout çà ? Aux côtés de l’exquise Pauline Rouillard (qui tire intelligemment son épingle du jeu avec une voix frêle mais assurée), ils ont fait preuve, encore une fois, d’une belle homogénéité, d’une certaine tenue stylistique. Presque un exploit pour tous de chanter sérieusement cet ouvrage en tee-shirts ou bermudas pas toujours avantageux pour certains.
L’autre belle surprise viendra de la fosse. Samuel Jean dirige consciencieusement, couvre parfois les voix, mais n’ignore jamais les subtilités de la partition qu’il irise de mille couleurs.
De la belle ouvrage avec un Orchestre Régional Avignon-Provence des grands soirs comme en état de grâce.
Christian Colombeau