Aix-en-Provence, L’enfant et les sortilèges. L’esprit d'enfance et la magie des sortilèges ! par Catherine Richarté

Un bestiaire fantasmagorique dansant, vocalisant scandant, « entassé » sur la petite scène du théâtre du Jeu de Paume, au cœur d’une débauche d’objets inquiétants, dérisoires et extravagants... Et, nous sommes ébahis par le jeu, les couleurs mêlées produisant une ambiance insolite rendue tout à la fois par les décors et les costumes.


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Depuis sa création à Monte-Carlo, cette œuvre subtile, enjouée et iconoclaste n’a guère été prisée des salles lyriques. Pourtant, sa création fut d’emblée un succès, en dépit de l’accueil modéré que lui fit le public parisien de l’époque. C'est en 1925, qu'est abouti L’enfant et les sortilèges, création atypique née du projet commun des deux personnalités que sont Maurice Ravel et Colette. Cette fantaisie lyrique est la quintessence même des foyers artistiques qu’ils fréquentaient tous deux autour de Jean Cocteau et de Claude Debussy. Si Colette apporte au projet – outre une plume élégante et acérée – l’humour, la finesse et la sensibilité, Ravel, au cours de cette élaboration, développera une audacieuse métaphrase rythmique et chromatique. Sa hardiesse orchestrale l’impliquant toujours plus avant dans cette nouvelle esthétique qu’il nourrit d'influences musicales multiples (blues, jazz, musiques traditionnelles, etc.).

Au final, émerge une œuvre bien plus proche de la comédie musicale (notamment dans le numéro avec la tasse chinoise et la théière) que de l'opéra. Un enchaînement de tableaux qui mettent à mal conventions (le duo des chats qui fit scandale), contraintes, idéologies, raison et logique, et où les scènes se succèdent, brèves et très variées par leurs genres. Les apparitions allégoriques de la connaissance, la vieillesse, la peur, le conflit, la sexualité, évocations existentielles par excellence, composent alors un voyage, une initiation animiste avantageusement servie par une jeune école française de chant, qui dans son ensemble, fut plutôt brillante.
En effet, du point de vue vocal, l’Enfant (Chloé Briot – soprano) ; le rossignol, feu (Mercedes Arcuri – soprano léger) ; la princesse, chauve-souris, pastourelle (Clémence Tilquin – soprano) ; chatte, écureuil, bergère (Majdouline Zerari – mezzo sopano) ; la maman, tasse chinoise, libellule (Eve-Maud Hubeaux – mezzo soprano) ; la théière, vieillard, reinette (Valerio Contaldo – ténor) ; l’horloge, chat (Guillaume Andrieux – baryton) ; le fauteuil, chêne (Jena Gabriel Saint Martin – baryton) sont de jeunes artistes qui ont su défendre et mettre à l'honneur la délicatesse de la prosodie française et privilégier les spécificités stylistiques du chant français en parallèle à un réjouissant engagement et jeu théâtral.

Un bestiaire fantasmagorique dansant, vocalisant scandant, « entassé » sur la petite scène du théâtre du Jeu de Paume, au cœur d’une débauche d’objets inquiétants, dérisoires et extravagants... Et, nous sommes ébahis par le jeu, les couleurs mêlées produisant une ambiance insolite rendue tout à la fois par les décors (Damien Caillet-Perret) et les costumes (Anne Autran). L'éclairage à la bougie (lumières Philippe Berthomé) produit toujours un effet à la Tim Burton, jetant un voile poétique et troublant sur la scène, la rendant soudain surnaturelle. Un spectacle d’une grande liberté de créativité, pour laquelle ont été utilisés tous les matériaux et formes musicales et plastiques disponibles. Jubilatoire !
Catherine Richarté

L’enfant et les sortilèges. Fantaisie lyrique de Maurice Ravel, en deux parties pour solistes. Version de chambre. Adaptation de Didier Puntos pour Piano à quatre mains (Didier Puntos et Michalis Boliakis), flûte (Anne-Lise Teruel), violoncelle (William Imbert) sur un livret de Colette.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 11 Juillet 2012 à 22:55 | Lu 808 fois
Pierre Aimar
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