Aix-en-Provence, Musée Cantini : Manessier en Provence. Jusqu'au 28 septembre

C'est l'une des plus brillantes périodes d'Alfred Manessier(1911-1993),celle de 1958-1959,la période dite "provençale",qui est exposée cet été au Musée Cantini,avec un ensemble de peintures abstraites,lavis,croquis,réalisés par le peintre à la suite du choc esthétique éprouvé face aux paysages du Haut-Var,dans les environs de Moissac-Bellevue et d'Aups.


On a comparé l'art de Manessier à celui de Messiaen

       Ces toiles,"produit d'une espèce d'hypnose éveillée établie entre le paysage et soi après une somme considérable de dessins et une longue journée de marche dans un paysage",selon les termes mêmes du peintre,évoquent,pour la plupart des cartes aériennes ou géologiques,et donnent l'impression de révéler l'organisation interne ou la structure des sites fréquentés,à partir d'une palette de coloris d'une extraordinaire variété: bleu outremer,vert émeraude,violet cobalt clair,cinabre,ocre jaune,rouge de Venise,cendre verte,noir d'ivoire,jaune Naples,blanc argent et zinc,l'ensemble circulant à la surface du tableau selon une combinaison rythmique de traits et de courbes dans un flux d'energie qui répond aux formes spatiales des collines,gorges,lits de torrents ou sentiers.
       En procédant ainsi, Manessier s'écarte du pittoresque, de l'imitation servile des choses, il exalte plutôt la splendeur des eaux,des sols,des végétaux,et en même temps,il suscite,face à la réalité naturelle,un monde réel aussi dense qu'elle,régi par la Peinture.Demandant au tableau abstrait de devenir l'expression d'une atmosphère spirituelle à partir de l'affrontement des couleurs,il cherche,en quelque sorte à recréer un ordre mystique du monde,par allusion,qui trouvera d'ailleurs son expression la plus intense dans les verrières de l'Eglise Saint-Pierre de Trinquetaille,en Arles.
        On a comparé l'art de Manessier à celui de Messiaen,en musique,mais cette peinture qui s'inscrit historiquement à l'époque où des écrivains s'expriment dans l'écriture du Nouveau Roman,montre aussi ,de façon tout à fait surprenante si le regard veut bien interpréter le pouvoir mystérieux des formes et des couleurs,des mouvements intérieurs,des remous,des tropismes éprouvés devant des paysages qui avaient sollicité l'attention des figuratifs impressionnistes et cubistes.A ce titre,cette exposition,née d'une conversation de Marie-Paule Vial(directrice des Musées de Marseille) avec Christian Briend(conservateur au Musée National d'Art Moderne),nous révèle une intéressante correspondance entre les arts contemporains. Philippe Oualid

pierre aimar
Mis en ligne le Mercredi 6 Aout 2008 à 07:44 | Lu 523 fois
pierre aimar
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