Amahiguere Dolo, peintures et sculptures Pays Dogon, résidence d'artiste au Théâtre Toursky, Marseille

Le Théâtre Toursky a reçu en résidence durant un mois Amahiguéré Dolo, peintre, céramiste et sculpteur malien, résidence qui s’est terminée ce Jeudi 28 juin 2019


Amahiguere Dolo
Invitée en qualité de journaliste, venir au théâtre pour le vernissage de l’exposition par cette après-midi de canicule relève de l’exploit.
Dès le grand hall d’entrée, l’attention est attirée par une magnifique sculpture en bois et des tableaux accrochés aux murs. Le regard est captivé. Pratiquement plus rien n’existe que cette sculpture et ces tableaux. Singulièrement, l’esprit essaie immédiatement de classifier le style de l’artiste. Entre art rupestre, art primitif, art tribal, tout nous porte vers l’Afrique. Impossible de ne pas entrevoir l’art des Tellem et leurs statuettes anthropomorphes. Mais ces œuvres-là sont uniques. Dolo émaille ses peintures et ses sculptures de touches classiques et d’art contemporain. Je découvre une création singulière, un art qui n’appartient qu’à lui, un savoir-faire exceptionnel.

Je rencontre Amahiguéré Dolo sous les pins séculaires de la terrasse de ce splendide théâtre Toursky. D’apparence réservée, il m’accueille en souriant. Les yeux pétillent d’intelligence sur ce visage d’ébène. Nous parlons longuement de son Mali natal, de sa peinture, de sa sculpture, de sa sortie de résidence. Sous la passion de l’artiste, je découvre un homme sage, posé, cultivé. Je l’écoute plus que ne le questionne. La parole arrive de cet homme tranquille, calme, assurée. Dans le bourdonnement de cette fin d’après-midi, les arbres forment le toit d’une case, celle des palabres. Le voyage commence.

Mali, pays riche de 5000 ans d’histoire, formidable mosaïque d’ethnies. Voici le pays Dogon aux confins du désert, ses plateaux gréseux, ses falaises, ses plaines, l’un des sites les plus fascinants de l’Afrique de l’Ouest. La paroi de la falaise de Biandagara, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, se dresse, parsemée de grottes. Voici le peuple Dogon, animiste, et sa mystérieuse connaissance de la cosmogonie, de l’univers. Voici le masque de Chi Wara, l’inventeur de l’agriculture, celui de Kanaga, commun dans la danse Dagon, … Amahiguéré Dolo fait partie de ce peuple mythique du pays dogon.

Nonh Biru
Il a sept ans. Il n’a d’yeux que pour la forge et ses sculptures. Issu de la noble famille des agriculteurs, le métier de forgeron lui est interdit. Amahiguéré n’en a cure. Son esprit, son cœur, ne répondent plus qu’à sa passion. Caché des jours durant dans une des innombrables grottes, il va sculpter, peindre et enfreindre les lois. Le conseil de famille se réunit. Il est battu mais sa force est décuplée. Il a trouvé sa voie. Il le sait. Dorénavant, à sa manière, il va, lui aussi, réunir dans ses œuvres la terre et le ciel. Les années passent. Il s’installe à 800 kilomètres de son village natal. Ici, on l’appelle forgeron. Ce n’est pas grave. Sa maison n’a pas de porte. On ne ferme pas une âme. Sous ses pieds nus, la terre ocre ; devant lui des branches qu’il est allé chercher dans la savane, au bord du fleuve. Il les regarde, elles lui parlent. Les arbres, la terre, la matière, ne l’intriguent pas. Elles font partie de la vie, de lui, des ancêtres, du pays dogon.

Dolo tire son énergie de la terre et du cosmos. La forme est là et ce n’est pas gratuit. Il la questionne, la respecte. Le dialogue s’installe. C’est un partage total avec la nature qui lui communique sa force. Avec elle, pour elle, Amahiguéré Dolo, se bat pour la paix, pour la vie. Sa peinture est faite de produits nobles que la nature lui offre : de l’ocre, de l’argile, des pigments naturels, des décoctions de feuilles, de plantes. Amahiguéré appartient au ciel et à la terre, aux bois et aux fleuves, aux roches et aux oiseaux, aux grains de millet qu’ont plantés ses ancêtres et à la forge, à la force vitale et à l’équilibre. La nature le sait et lui sourit. Dans son dialecte, me dit-il, le mot artiste n’existe pas, on dit : « Savoir-faire » : Nonh Biru. Il a le talent sacré de l’artisan. Amahiguéré Dolo est un œuvrier.

En résidence au Théâtre Toursky : « Je me suis senti chez moi. »
Avant le Toursky, il y a eu les amis. Ils sont devenus ses frères et font partie, tout naturellement de la vie de Dolo. Parmi eux, il y a Michèle et Jean-Paul Colombe. Ce sont eux qui l’ont présenté à Richard Martin. Le directeur du Théâtre Toursky et toute l’équipe l’ont accueilli à bras ouverts, mettant à sa disposition, avec les clés du théâtre, un espace de travail. Dans ce théâtre, la Culture est à demeure.
Ce soir, c’est Richard Martin qui remercie le peintre, le sculpteur, l’ami, de nous avoir ouvert les portes d’un autre savoir, d’une autre technique, de nous avoir permis de ‘Toucher les étoiles’. Juste reconnaissance ! Pour l’artiste dogon, le ciel n’a pas de mystère.

En quelques mots, Amahiguéré Dolo raconte sa résidence : « Je me suis senti chez moi, Merci. »
Jean-Paul Colombe, remerciant toute l’équipe du Toursky, dévoile un peu des techniques puis de la vie de son protégé. Personne n’ignore la situation politique au Mali où Amahiguéré Dolo est très connu. Les touristes, principaux acheteurs, ont déserté le pays. La situation est grave. Pour continuer à travailler, à vivre, l’artiste peut compter sur l’aide d’amis et de mécènes. Mais cela ne suffit pas. De telles résidences sont de formidables opportunités.
Avant que de délicieuses agapes nous réunissent autour des tables, la soirée se poursuit par la projection d’un film.

Aléas Film de Maud Girault avec Amahiguéré Dolo
Avec ce film se poursuit le voyage. La caméra de Maud Girault sublime la terre, le paysage, les rues, les visages, les corps. Au-delà du pincement au cœur –naturel- enclenchée par le début, le film navigue sur l’émotion distillée en continu par la beauté, la magnificence des images et par la portée du message. Maud Girault a compris l’Afrique et elle l’aime, c’est évident. C’est un esprit mythique ancestral qui s’incarne dans la forge. Les mains qui pétrissent l’argile en retirent la force, les pieds nus se marient à la terre ocre.

Aléas est une rencontre qui se cherche pendant plus de dix ans entre la réalisatrice et le sculpteur Amahiguéré Dolo au gré de l'argile qui se transforme, d'un deuil, du bois qui prend vie, des cortèges étudiants et des cris urbains, des besoins de partir et de l'envie d'être là. Au-delà de l’Afrique, ou peut-être bien parce que c’est l’Afrique, mère régénératrice, au-delà de l’artiste, ou peut-être parce que c’est Lui, le film de Maud Girault est un film pudique, fort, vrai, un hymne à l’amour et à la vie. Du grand art.
Danielle Dufour-Verna

Maud Girault, biographie

Née à Paris en 1986, Maud Girault vit et travaille actuellement à Bruxelles.
Elle a commencé le cinéma en faisant de la sociologie et de l'anthropologie, puis a poursuivi en intégrant l'INSAS en réalisation d'où elle sort diplômée en 2013. Depuis, elle continue à chercher, fabriquer, questionner, en indépendante et en animant des ateliers vidéos.

Filmographie
2019 Aléas (documentaire, 29mn).
Sélectionné en compétition international au Short film festival d'Oberhausen (Allemagne), nominé dans la catégorie « portrait d'un grand artiste», au festival international de documentaire et d'anthropologie de Parnu (Estonie).
2013 La proie pour l'Ombre (fiction, 16mn, INSAS).
Sélectionné au FIFF (Namur) , au FIPA (Biarritz), au FIAV (Casablanca), au I4L (Cameroun), nominé au prix cinegalite du festival « Elles tournent ». Acheté et diffusé par la RTBF (la Trois).
2012 Same Shit Different Day (documentaire, 20mn, INSAS/INIS).
Sélectionné au FIDE (Paris), à Images de justice (Rennes), à Terra Nostra (Cévennes), au festival 5/5 (la Louvière).
2011 Bonjour, vous avez deux minutes? (Pièce radiophonique,15mn, INSAS)
Diffusée sur A ouïe dire, RTBF.
2011 Dégenrer (Essai, 20mn, INSAS).
Sélectionné au festival 5/5 (la Louvière).
2009 On ne peut pas faire boire un cheval qui n’a pas soif, (85mn, Olam Productions). Sélection à Bobines sociales (Paris), les Impatientes (Paris), Quintessence (Burkina-Fasso), diffusion à l'ENS et dans de nombreuses maisons de jeunes, écoles, universités, en France et au Japon.

Amahiguéré Dolo, biographie

Amahiguéré Dolo est né au Mali à Sanga Gogoli le 16 juin 1955. Il fait des études d’arts plastiques à l’Institut National des Arts de 1976-1980. Pendant 10 ans, il travaille à Gao à la direction régionale de la Jeunesse des Sports des arts et de la culture. Il démissionne pour se consacrer à la sculpture. En 1988, il rencontre Miquel Barcelo avec lequel il collabore de nombreuses années. Il travaille principalement le bois, mais aussi l’argile, à l’occasion le fer forgé, le bronze et la pierre. Comme tout sculpteur, il dessine beaucoup ; il fait des gravures. Ces dernières années il peint beaucoup. Il vit et travaille à Ségou.

Peintures : Dolo, connu pour ses sculptures et ses céramiques s’investit dans la peinture depuis 2012.
Sur un support de papier récupéré (sacs de ciment ou de farine) il réalise ses peintures avec des pigments exclusivement naturels : kaolin, suie, indigo, minéraux … Mais s’il change de support, son inspiration reste marquée par son travail de sculpteur et de dessinateur.
Il produit actuellement des peintures sur toile, mêlant peinture acrylique et pigments.
Sculptures sur bois : Dolo est attiré par les matériaux disponibles dans la nature. Il part des journées en brousse chercher ses souches. Jamais il ne coupe un arbre mais le rencontre, le choisit puis lui offre une nouvelle vie. Son matériau a donc déjà une forme quand il en prend possession ; une forme qui n’est pas gratuite et qui lui parle, insiste l’artiste. Par un geste souvent minimal, il suit les veines ; les nœuds qu’il laisse apparents.
Ses bois s’enroulent se déroulent, se gonflent de protubérances et ouvrent des vides ou se campent en monolithe. La sculpture respecte la forme que Dieu lui a donnée, la forme originelle. Le travail ne doit pas blesser la Création.
Céramiques : La thématique de la femme est récurrente dans les céramiques de Dolo. Un hommage sans doute aux femmes qui portent traditionnellement cette technique dans la société malienne. La représentation de la femme devient un prétexte pour jouer avec les formes arrondies. « Le rond, dit Dolo, est le début de toute chose, tout sort du rond ».

Principales Expositions Individuelles
2019 : Théâtre Toursky - Marseille
2018 / 2019 : Centre d’Art de la Galerie du Causse – Villeneuve d’Aveyron
2017 : Musée “Greater Denton Arts Council”, Denton, Texas
2016 : Musée “The Menil Collection”, Houston, Texas
2015 : Musée National du Mali – Bamako
2014 : Galerie Carpe Diem, Ségou
2011 : Espal, Le Mans
2004 : L’H Siège, Valenciennes
2007, 2008 et 2013 : Galerie Luc Berthier, Paris
2004 : FIAC-Stand « Le Petit Jaunais »
2004 : Salon Art Paris, salon d’art contemporain, stand Sergiane Cauwel, (Carrousel du Louvre) Exposition thématique : « Les Mains »
2003 : Salon Art Paris, salon d’art contemporain, stand Sergiane Cauwel, (Carrousel du Louvre, Paris)
2002 : « Les Bois de foudre d’Amahiguere Dolo », les mondes Dogons, centre culturel
Abbaye de Daoulas (France)
2001 : « Sculptures, L’Afrique en création », Musée des Beaux-Arts de Tourcoing (France) - Galerie Sergiane Cauwel, Lille (France)
1999 : Chapelle Jeanne d’Arc, Centre Culturel de Thouars (France)
1998 : Galerie Fenan Cano, Barcelone (Espagne)
2002 : Abbeye de Daoulas-Bretagne

Principales Expositions de groupe
2018 et 2019 : Salon d’Art Contemporain, Ségou, Mali
2018: «PRINTS », mai 2018
2014 : International Wood Culture, Katmandou, Népal
2013 : Fête de l’humanité, Fondation Blachère, Biennale de Dubaï, Biennale de Londres (stand Galerie Amadou Chab touré)
2010 et 2012 : Galerie Aïssata Dione, Dakar, (Sénégal)
2008-2010 : Festival sur le Niger, Ségou (Mali)
2009 : Banque Africaine de Développement, Bénin
2007 : Musée de Valenciennes, Centre Culturel de Bègles, Atelier Tampon (Paris)
2006 : Château de Joinville, Centre Culturel NC2A, Bordeaux et Garage Moderne
2002 : 5e édition du Dak’Art, 10e Biennale de Dakar (Sénégal) et ArtOMI, New York
2001 : Mali Kow, Parc de la Villette à Paris, Muséum d’Histoire Naturelle à Lyon
2000 : Mairie, Angers
1998 : Centre Culturel Français de Bamako et Musée National du Mali (Bamako)
1997 : Musée National du Mali, Bamako

Collections permanentes
Musée des Beaux-Arts, Tourcoing (France)
Centre culturel de Thouars (France)
Installation permanente dans le jardin des Tuileries,
Paris (acquisition CNAC-DAP)
Collection du Ministère des affaires étrangères de la France (Ambassade du Burkina-Faso
(Ouagadougou) et de New York
Musée National du Mali, Bamako
Fondation Jean-Paul Blachère, Apt (France)
Collection Galerie Tessa Hérold (Paris)
Collection Privées : Arman, Miquel Barcelo, Bernard Picasso, André Magnin, René
Barzilay, Sergiane Cauwel, Pep’Subiro (Espagne) et autres collections privés au Mali, en
France et Espagne

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Dimanche 30 Juin 2019 à 20:22 | Lu 576 fois
Danielle Dufour-Verna
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