Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas
Romeo et Juliette © DR
Présenté en coproduction avec l’Opéra de Monte-Carlo, le Romeo et Juliette du Père Gounod a attiré, on pouvait s’en douter, tous les fan-clubs internationaux du très médiatique Andrea Bocelli. Une prise de rôle précédée d’un battage publicitaire (presque) sans précédent dans le Landernau lyrique, avec aux commandes le talentueux Jean-Louis Grinda.
On retrouvait donc avec ce dernier une mise en scène rigoureuse, intelligente (un duel qui ne ressemble pas à une foire d’empoigne), profonde (les hésitations de Juliette avant de prendre le narcotique), romantique même, dans un tableau final à la sincère et tragique émotion.
Les costumes luxueux de Carolla Volles et les astucieux décors d’Eric Chevalier permettent de rapides changements de tableaux, assurant ainsi une belle continuité au drame véronais. Le tout dans des lumières envoûtantes de Roberto Venturi.
Dans la fosse, Fabio Luisi crée une formidable surprise et nous fait aimer d’emblée cette longue et pas toujours très heureuse partition. Menée avec brio et finesse, tour à tour oppressante et déliée, violente ou nocturne, torturée ou apaisée, le chef la dirige, osons le mot, avec une grande subtilité et nous prouve, encore une fois - lui, un italien ! - que la musique de Gounod est prenante quand elle est bien respectée. Grâce ou à cause du génois, le spectateur se trouve littéralement intégré au cœur du drame, appelé comme témoin.
Les Chœurs du Carlo Felice sont au diapason de la vision du chef.
Belle, découverte que la solaire Maité Alberola. Mettez dans un ordinateur les voix de ses plus illustres consœurs dans ce rôle-titre (Guiot, Esposito, Micheau… and Co), malaxez, mixez, agitez, saupoudrez d’un aigu radieux, d’une surprenante agilité dans le lyrisme, d’une rare intuition dramatique, et voilà une Juliette sensible, blessée mais forte de sa vérité et de son amour.
Une fois qu’elle aura amélioré son français et sa diction trop souvent brouillonne… voilà une soprano à réentendre au plus vite dans le même ouvrage.
Le reste du plateau, empêtré hélas dans un français cosmopolite, arborait les voix les plus jeunes, vivifiantes, insolentes, jamais entendues dans cet ouvrage.
Satisfecit global donc pour les six clefs de fa avec mention particulière pour le Tybalt claironnant de Blagoj Nacoski.
Et notre ténor vedette ? Vergogna ! La grippe était passée par là ! Privé de ses moyens, perclus de douleur, sous antibiotiques, fiévreux, comme sous hypnose, Andrea Bocelli sauva tant bien que mal le spectacle, divisa une salle bondée à l’extrême et rafla la mise haut la main.
D’accord avec vous, la voix est ce qu’elle est… On aime ou on n’aime pas les incursions de ce ténor – que les mauvaises langues diront de variété – dans le domaine purement lyrique…
Saluons toutefois le courage et le métier de cet artiste dont le cruel handicap ne se « voit » finalement que peu. Bien guidé par le metteur en scène, une aide délicate de ses partenaires, une fougue et une palette de nuances délicates, une gaucherie sympathique rendent sa prestation touchante et sincère.
Si le premier acte passa totalement inaperçu, son grand air, le duo d’amour et la scène finale à l’émouvante sobriété font chavirer les cœurs. Avec en prime un bon point chez ce bosseur incroyable : une diction plus châtiée que chez ses confrères.
Bien sûr Don José et Werther sont passés par là dirons certains… L’exploit est assez surprenant pour être souligné.
Christian Colombeau
On retrouvait donc avec ce dernier une mise en scène rigoureuse, intelligente (un duel qui ne ressemble pas à une foire d’empoigne), profonde (les hésitations de Juliette avant de prendre le narcotique), romantique même, dans un tableau final à la sincère et tragique émotion.
Les costumes luxueux de Carolla Volles et les astucieux décors d’Eric Chevalier permettent de rapides changements de tableaux, assurant ainsi une belle continuité au drame véronais. Le tout dans des lumières envoûtantes de Roberto Venturi.
Dans la fosse, Fabio Luisi crée une formidable surprise et nous fait aimer d’emblée cette longue et pas toujours très heureuse partition. Menée avec brio et finesse, tour à tour oppressante et déliée, violente ou nocturne, torturée ou apaisée, le chef la dirige, osons le mot, avec une grande subtilité et nous prouve, encore une fois - lui, un italien ! - que la musique de Gounod est prenante quand elle est bien respectée. Grâce ou à cause du génois, le spectateur se trouve littéralement intégré au cœur du drame, appelé comme témoin.
Les Chœurs du Carlo Felice sont au diapason de la vision du chef.
Belle, découverte que la solaire Maité Alberola. Mettez dans un ordinateur les voix de ses plus illustres consœurs dans ce rôle-titre (Guiot, Esposito, Micheau… and Co), malaxez, mixez, agitez, saupoudrez d’un aigu radieux, d’une surprenante agilité dans le lyrisme, d’une rare intuition dramatique, et voilà une Juliette sensible, blessée mais forte de sa vérité et de son amour.
Une fois qu’elle aura amélioré son français et sa diction trop souvent brouillonne… voilà une soprano à réentendre au plus vite dans le même ouvrage.
Le reste du plateau, empêtré hélas dans un français cosmopolite, arborait les voix les plus jeunes, vivifiantes, insolentes, jamais entendues dans cet ouvrage.
Satisfecit global donc pour les six clefs de fa avec mention particulière pour le Tybalt claironnant de Blagoj Nacoski.
Et notre ténor vedette ? Vergogna ! La grippe était passée par là ! Privé de ses moyens, perclus de douleur, sous antibiotiques, fiévreux, comme sous hypnose, Andrea Bocelli sauva tant bien que mal le spectacle, divisa une salle bondée à l’extrême et rafla la mise haut la main.
D’accord avec vous, la voix est ce qu’elle est… On aime ou on n’aime pas les incursions de ce ténor – que les mauvaises langues diront de variété – dans le domaine purement lyrique…
Saluons toutefois le courage et le métier de cet artiste dont le cruel handicap ne se « voit » finalement que peu. Bien guidé par le metteur en scène, une aide délicate de ses partenaires, une fougue et une palette de nuances délicates, une gaucherie sympathique rendent sa prestation touchante et sincère.
Si le premier acte passa totalement inaperçu, son grand air, le duo d’amour et la scène finale à l’émouvante sobriété font chavirer les cœurs. Avec en prime un bon point chez ce bosseur incroyable : une diction plus châtiée que chez ses confrères.
Bien sûr Don José et Werther sont passés par là dirons certains… L’exploit est assez surprenant pour être souligné.
Christian Colombeau