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Barbara Hendricks chante Berlioz à l’Opéra de Nice, par Christian Colombeau

Emouvantes retrouvailles entre la diva et le public Niçois avec un concert Berlioz au romantisme échevelé


Barbara Hendricks © DR
Barbara Hendricks © DR
Excellente idée pour un concert entièrement consacré à Berlioz de coupler la Symphonie Fantastique avec la Cantate Herminie, deuxième tentative en 1828 du compositeur au Prix de Rome. On sait que cette cantate contient la fameuse « idée fixe » qui sert de leitmotiv et trame poétique à la Fantastique.
Sur un texte, forcément académique pour l’époque, de Pierre-Ange Vieillard (prière de ne pas rire) voici trois récitatifs, trois airs et une prière qui nous peint le portrait de la princesse d’Antioche, fortement convaincue qu’elle bravera tous les périls pour sauver son bien aimé Tancrède, ennemi de son peuple.
Comme souvent chez Berlioz, l’influence de Gluck transpire à chaque note, et le troisième air ne déparerait pas dans Les Troyens, par la véhémence de ses sentiments. Ne nous voilons pas la face : Herminie sonne franchement du côté opératique et non du côté mélodique du musicien presque lyonnais puisque né à la Côte Saint-André.
Ce n’est pas sans une certaine émotion que l’on retrouve, après une longue, très longue carrière, Barbara Hendricks.
Ne cherchons pas aujourd’hui la voix cristalline des années passées. La diva, au service du compositeur semble annoncer la thématique centrale de la symphonie à venir : "J'exhale enfin ma plainte fugitive"… L’instrument a mûri et n’a plus le naturel désarmant de ses débuts, mais le timbre désormais cuivré et chaud dans le médium convient bien à ce court triptyque lyrique qui ne met jamais mal à l’aise un aigu encore radieux. Un petit ton détaché et mélancolique, un legato irréprochable, une ligne de chant toujours séduisante achèvent de nous séduire.
Philippe Auguin déroule pour sa soprano le plus rutilant des tapis. Visiblement amoureux de cette musique, le chef titulaire de l’Orchestre niçois, aux petits oignons pour la diva américano-helvético-suédoise, reste académique en diable, mais dans le bon sens du terme, avec ça et là une atmosphère onirique, idéalisée, fantasmée, comme une envoutante invitation au voyage au cœur de l’âme humaine.
Après un « Carnaval Romain » plein de masques et de malices, endiablé et pétillant comme du meilleur Asti, la très attendue Symphonie Fantastique nous a ouvert les portes du cauchemar d’un jeune romantique qui, par désespoir amoureux, croit s'empoisonner en absorbant une dose d'opium qui le fait seulement délirer.
Voilà une page digne des meilleurs films d’épouvante allemands signés Lang ou Murnau, mêlant rêverie bucolique et autodérision sarcastique et dont Philippe Auguin semble devant nous en restaurer la pellicule couleurs, avec son dolby stéréo !
On croit tout connaître de cette partition, l’esprit révolutionnaire et visionnaire de ces épisodes de la vie d’un artiste... Le chef explore de nouveaux horizons et impose d’emblée une lecture conquérante et romantique. Les tempi sont vifs, les dynamiques marquées du sceau du fatum, les détails, encore une fois très lisibles et particulièrement soignés pour un parcours musical parfait dans la compréhension des différents épisodes. Les cuivres ne couvrent jamais le jeu intense, comme chauffé à blanc des cordes. L’épisode du Bal se moire d’accents viennois fort bien venus, la poésie inquiétante de la « Scène aux champs » conduit à une insoutenable « marche au supplice » aux convulsions parfaitement maîtrisées. « Le Songe d’une nuit de Sabbat », avec un ophicléide lugubre à souhait, comme implacable, halluciné, irréel, plein de fureur, de feu, de sang, de larmes, laisse l’auditeur en transe.
Un véritable triomphe ne pouvait que saluer cette étonnante et explosive exécution d’une partition que l’on croit connaître par cœur et qui délivre, encore et encore, depuis près de deux siècles de formidables trésors, d’inavouables secrets.
Christian Colombeau

Christian Colombeau
Mis en ligne le Samedi 20 Septembre 2014 à 09:59 | Lu 207 fois

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