Dans les arcanes meurtrières du pouvoir
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Le Boris Godounov de Modeste Moussorgki admet, réclame même plusieurs exégèses. C'est ce qu'a bien compris Petrika Ionesco, auteur Protée (il signe décors, costumes, mise en scène) de la production importée de Wallonie et présentée ce mois-ci à l'Opéra de Marseille.
Dans ce microcosme boisé, enrichi aux flamboyantes icônes dorées dignes d'un luxueux brocanteur moscovite, l'homme est un loup pour l'homme, les intrigues de palais s'imbriquent et le peuple assiste, impuissant, à ces parties phagocytaires d'échecs.
Tout ce qu'il peut faire c'est se lamenter... Car il se lamente, en bonne et due forme, choeur Maison et Maîtrise des Bouches-du Rhône s'en donnant à... coeur joie et sont tout bonnement parfaits !
Grâce aussi aux astucieux décors pleins de chausse-trappes mécaniques et politiques, voilà un spectacle d'une richesse foisonnante comme l'oeuvre elle-même, à la logique implacable car multipliant très habilement les références, tel un parallèle avec Don Carlos, autre souverain écartelé. Petrika Ionesco a le sens du théâtre, des éclairages surprenants, des revirements dramatiques inattendus.
Seuls semblent heureux, car marginaux, l'Hôtesse, très " vamp des steppes " et le duo paillard et itinérant Varlaam/Missail.
Alexei Tikhomirov accède au pouvoir suprême et chante Boris. Dans la lignée des plus grands titulaires du rôle depuis la création, doté en plus d'un physique avantageux, car plus jeune et plus séduisant, la basse russe crée un Tsar dont les angoisses, les colères et les hallucinations restent dans la bonne tradition théâtrale, mais n'en possédant pas moins un réel pouvoir communicatif. Son timbre généreux et sombre dans le médium et le grave éclate dans des aigus d'une puissance toute stalinienne.
Cette basse noble, on la retrouve chez Nicolas Courjal qui campe un Pimène épique et monacal. Jean-Pierre Furlan, au chant soigné, expressif, lui donne la réplique et se proclame Tsar-usurpateur avec l'éclat , l'entrain et la conviction inébranlable qui siéent à un jeune ambitieux.
Parmi les nombreux rôles secondaires, des habitués de la Maison, donc du sérieux, du solide, et une révélation : Christophe Berry , au timbre pur, aux intonations poignantes, qui donne toute sa dimension sublime à plainte prophétique de l'Innocent.
Satisfecit global donc pour tous. L'acrobatique Hôtesse de Marie-Ange Todorovitch, balaie tout sur son passage comme une tornade de neige sur la Place Rouge, le Chouisky un rien anémique de Luca Lombardo tire habilement son épingle du jeu, dans tous les sens du mot, l'inénarrable duo de vagabonds Zhang/Larcher s'amuse, nous amuse.
La silhouette imposante de Jean-Marie Delpas d'une puissance quasi impertinente ou celles fines et graciles de Ludivine Gombert et Caroline Meng achèvent de nous séduire.
Autre atout de la soirée et non des moindres : la version initiale de 1869, basée sur la révision du musicologue Michael Rot, qui voit l'Acte Polonais passer à la trappe, sans donc la romance Dimitri/Marina.
Ainsi débarrassée des ajouts, fioritures et autres ornementations apportées par le génial Rimsky-Korsakov, en sept tableaux, la partition nous est rendue dans toute sa splendeur originelle car plus âpre, plus sombre, plus condensée, plus abrupte également.
Paolo Arrivabeni, fondant orchestre et choeurs en une parfaite symbiose (même s'il prend quelques libertés avec les tempi) reste un chef d'une efficacité magistrale. En privilégiant le rythme et le relief dramatique d'une écriture incroyablement variée, son Boris retrouve cette grandeur épique souvent gommée par d'autres.
Christian Colombeau
Dans ce microcosme boisé, enrichi aux flamboyantes icônes dorées dignes d'un luxueux brocanteur moscovite, l'homme est un loup pour l'homme, les intrigues de palais s'imbriquent et le peuple assiste, impuissant, à ces parties phagocytaires d'échecs.
Tout ce qu'il peut faire c'est se lamenter... Car il se lamente, en bonne et due forme, choeur Maison et Maîtrise des Bouches-du Rhône s'en donnant à... coeur joie et sont tout bonnement parfaits !
Grâce aussi aux astucieux décors pleins de chausse-trappes mécaniques et politiques, voilà un spectacle d'une richesse foisonnante comme l'oeuvre elle-même, à la logique implacable car multipliant très habilement les références, tel un parallèle avec Don Carlos, autre souverain écartelé. Petrika Ionesco a le sens du théâtre, des éclairages surprenants, des revirements dramatiques inattendus.
Seuls semblent heureux, car marginaux, l'Hôtesse, très " vamp des steppes " et le duo paillard et itinérant Varlaam/Missail.
Alexei Tikhomirov accède au pouvoir suprême et chante Boris. Dans la lignée des plus grands titulaires du rôle depuis la création, doté en plus d'un physique avantageux, car plus jeune et plus séduisant, la basse russe crée un Tsar dont les angoisses, les colères et les hallucinations restent dans la bonne tradition théâtrale, mais n'en possédant pas moins un réel pouvoir communicatif. Son timbre généreux et sombre dans le médium et le grave éclate dans des aigus d'une puissance toute stalinienne.
Cette basse noble, on la retrouve chez Nicolas Courjal qui campe un Pimène épique et monacal. Jean-Pierre Furlan, au chant soigné, expressif, lui donne la réplique et se proclame Tsar-usurpateur avec l'éclat , l'entrain et la conviction inébranlable qui siéent à un jeune ambitieux.
Parmi les nombreux rôles secondaires, des habitués de la Maison, donc du sérieux, du solide, et une révélation : Christophe Berry , au timbre pur, aux intonations poignantes, qui donne toute sa dimension sublime à plainte prophétique de l'Innocent.
Satisfecit global donc pour tous. L'acrobatique Hôtesse de Marie-Ange Todorovitch, balaie tout sur son passage comme une tornade de neige sur la Place Rouge, le Chouisky un rien anémique de Luca Lombardo tire habilement son épingle du jeu, dans tous les sens du mot, l'inénarrable duo de vagabonds Zhang/Larcher s'amuse, nous amuse.
La silhouette imposante de Jean-Marie Delpas d'une puissance quasi impertinente ou celles fines et graciles de Ludivine Gombert et Caroline Meng achèvent de nous séduire.
Autre atout de la soirée et non des moindres : la version initiale de 1869, basée sur la révision du musicologue Michael Rot, qui voit l'Acte Polonais passer à la trappe, sans donc la romance Dimitri/Marina.
Ainsi débarrassée des ajouts, fioritures et autres ornementations apportées par le génial Rimsky-Korsakov, en sept tableaux, la partition nous est rendue dans toute sa splendeur originelle car plus âpre, plus sombre, plus condensée, plus abrupte également.
Paolo Arrivabeni, fondant orchestre et choeurs en une parfaite symbiose (même s'il prend quelques libertés avec les tempi) reste un chef d'une efficacité magistrale. En privilégiant le rythme et le relief dramatique d'une écriture incroyablement variée, son Boris retrouve cette grandeur épique souvent gommée par d'autres.
Christian Colombeau