Carmen, de Bizet, aux arènes de Nîmes, les 9 et 11 août 2012

Carmen. L’histoire d’un amour véritable ou l’histoire de l’orgueil dans laquelle la prétendue liberté d’une femme se confronte à la faiblesse d’un homme agissant sous l’apparence de l’être excessivement masculin ?
Dans le décor grandiose des arènes antiques.


Les Arènes Lyriques, un nouveau festival estival dans le Sud. Pourquoi ?
La tradition lyrique dans la région est forte. Nîmes proposait il y a près de 22 ans un festival lyrique qui a connu son heure de gloire en présentant, dans les Arènes, des spectacles de grande qualité, avec des artistes renommés, provoquant un fort engouement du public. Il s’agit pour nous de renouer avec cette tradition, cette magie, et pour cette première édition, il était symbolique de proposer Carmen et de rendre ainsi hommage à la ville et à ses habitants. A Nîmes, la tradition tauromachique et hispanisante reste intacte. C’est toute la ville qui fêtera Carmen.
De plus, le Sud de la France est la région la plus dynamique dans le domaine lyrique, avec les festivals d’Orange, d’Aix ou celui de Radio France Montpellier…

Quelles seront les particularités de ce festival ?
Réintroduire le lyrique dans les Arènes ne signifie pas forcément y présenter des oeuvres attendues comme Aïda ou Nabucco.
Nous avons envie de surprendre en choisissant des opéras moins convenus à cause d’une moindre popularité de l’oeuvre avec une distribution d’exception.
Pour la seconde édition, en 2013, nous proposerons Otello de Verdi avec, dans le rôle-titre, Roberto Alagna pour qui ce sera une prise de rôle.

Pourquoi les Arènes ?
On a souvent envie d’y programmer des ouvrages dont l’époque ou dont l’aspect «péplum» conviendraient. Je ne veux pas tomber dans ces clichés. Pour moi les Arènes sont un lieu d’ouverture et d’accueil, à la fois pour les concerts et les versions scéniques.
Le challenge, en partie grâce aux technologies actuelles, est de travailler sur des façons différentes d’utiliser la scène, les décors et d’aller au-delà, de ne pas rester dans un certain réalisme. Il faut que l’on puisse transcender le lieu et faire en sorte de permette aux artistes - chef d’orchestre, metteur en scène et solistes - de s’exprimer avec une vraie créativité.
Il ne s’agit pas de subir ce lieu magnifique, mais imposant, mais de jouer avec lui tout en le respectant.
Pour cette mise en scène le dispositif sera frontal, pas circulaire à la façon des corridas. Pour la narration, il est nécessaire d’adopter un angle unique qui permette à tout le monde de suivre le récit du metteur en scène et des interprètes, de goûter les émotions. Le plateau débordera sur les gradins jusqu’à 1/3 à peu près des Arènes, la fosse d’orchestre sera devant la scène avec la possibilité, lorsque la technique et la sécurité le permettront, de pouvoir descendre et utiliser le cirque en bas pour déployer, lors de certaines scènes, les effectifs du choeur, de la figuration tout autour de l’enceinte des Arènes.
Les technologies, aujourd’hui, permettent d’ouvrir des espaces et d’oublier le support sur lequel est projetée l’image. C’est assez magique, on peut ainsi reconstituer toutes les matières. On peut être visionnaire et créateur avec la projection en 3D et j’inciterai les artistes à s’exprimer avec ces outils.
L’acoustique des Arènes est bonne, mais il n’y a pas de mur de fond et lorsqu’il y a des masses importantes, il est nécessaire de maintenir un équilibre.
La sonorisation s’impose mais pas l’amplification, il faut trouver l’équilibre entre les masses afin de créer une grande homogénéité et donner une qualité d’ensemble à la fois aux artistes et au public.
Après trois années de programmation lyrique dans les Arènes (Carmina Burana, Le Requiem de Verdi, concert Roberto Alagna), nous avons pu faire une expertise fine de l’acoustique du lieu.

Quels sont vos choix pour les interprètes et l’orchestre ?
J’avais besoin d’un chanteur-metteur en scène afin de me rapprocher de la nouvelle de Mérimée.
Chez Mérimée l’histoire est racontée par Don José, emprisonné dans l’attente de son exécution. Il revoit tous les protagonistes et raconte, de façon très subjective, dans un long flash back ce qu’il lui et leur est advenu.
José Cura est un interprète idéal. Il a une vision complète de ce qu’est un ouvrage lyrique, car il est non seulement un des plus grands ténors se produisant sur les scènes internationales mais également chef d’orchestre et metteur en scène. Il a un tempérament fort, méridional, qui se rapproche du Don José de la nouvelle. En fonction de son projet dramaturgique, à la fois très lyrique et cinématographique, nous avons rassemblé autour de lui une famille d’artistes.
Le personnage de Don José en cellule racontant l’action, (l’ouvrage sera séquencé avec ce retour au présent théâtral puis à l’action lyrique), il y aura des interactions entre les deux univers lyrique et théâtral. Don José acteur observera comme dans un souvenir Don José chanteur.
Il fallait face à eux une Carmen qui soit cinématographique, jeune, dynamique et ce sera Nino Surguladze, jeune mezzo-soprano et actrice géorgienne, grande artiste à la fois primée dans le domaine lyrique et dans celui du cinéma. Elle a chanté Carmen sur de nombreuses scènes internationales mais ne s’est jamais encore produite en France, et je suis heureux de la présenter au public français. Le reste de la distribution s’est imposé avec Ludovic Tézier (Escamillo), l’un des plus grands barytons français, Nathalie Manfrino (Micaëla) soprano lyrique qui mène une carrière tambour battant. Nous voulions une distribution comprenant des artistes français et étrangers, des artistes confirmés comme ceux cités ou encore ceux qui viendront soutenir la création de ce festival dans des rôles secondaires, comme Nicolas Rivenq ou Luca Lombardo et de jeunes chanteurs débutants, de la nouvelle génération très prometteuse, comme Julie Fuchs.
Il nous paraissait indispensable pour cette première édition, pour ce retour du lyrique dans les Arènes de choisir un orchestre implanté dans le Sud. Nous avons choisi l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé, pour cette occasion, par la jeune chef d’orchestre canadienne Keri-Lynn Wilson.
Face à la vision scénique et à l’interprétation vocale que j’imagine assez masculine de la part de José Cura, la touche féminine qu’apportera Keri-Lynn Wilson à la direction d’orchestre complètera idéalement le tableau de cette Carmen. Comme dans la nouvelle nous assisterons, de façon symbolique, à la juxtaposition de forces souvent antagonistes : la féminité affirmée face à l’extrême virilité masculine, amenant au cocktail explosif de Mérimée.

Que sera la Carmen de Nîmes ?
La version proposée sera plus proche de celle de Mérimée, même si la Carmen «de Bizet/ Meillhac et Halévy» est très présente.
Cette version sera plus concise sans oublier, pour autant, les musiques festives et les traditions de la musique de Bizet.
Il s’agit de concentrer l’action sur les deux protagonistes. Dans cette confrontation amoureuse avec Don José, Carmen lutte pour la liberté, la sienne mais surtout pour celle de son peuple gitan, qui porte en lui une culture, des traditions.
Bizet l’expose très bien dans le IIème acte : la thématique de la liberté du peuple gitan nomade est magnifiquement mise en musique et souligne l’importance de ce combat.
La mort sacrificielle de Carmen n’est pas à mon avis simplement l’accomplissement tragique d’une destinée, celle d’une femme libérée, d’une féministe provocatrice mais celle du libre choix d’affirmer, non seulement, son indépendance personnelle mais également celle de tout un peuple. «Elle n’appartiendra à personne» et s’offre en sacrifice, comme un exemple.
Don José lui subit. Mais il n’est pas le militaire naïf et sans expérience. S’il s’enrôle dans l’armée, c’est pour payer une dette, un double crime commis dans sa région, la Navarre. C’est un homme dangereux, introverti, prêt à exploser, un homme des montagnes, un solitaire. C’est ce que veux retrouver José Cura. La rencontre de ces deux tempéraments extrêmes et diamétralement opposés qui crée la tragédie : la rencontre de la liberté absolue, une quasi inconscience de se confronter à un homme dangereux dont les névroses sont cachées mais présentes, c’est ce qui crée l’explosion.

Nîmes aux couleurs de Carmen ?
Pour chaque édition nous aimerions mettre en place une thématique et collaborer avec les divers acteurs culturels de la ville, les diverses institutions et associations locales, afin de créer une dynamique et une atmosphère de fête autour de l’oeuvre présentée, (un peu comme on le fait à Salzbourg, de façon récurrente, autour de Mozart).
Il était important pour nous de débuter par cette oeuvre qui est le symbole des Arènes. Durant de très nombreuses années il était donné une mini représentation de Carmen à la fin de chaque corrida et les représentations scéniques de Carmen étaient interrompues pour donner une mini corrida. Il ne s’agira pas aujourd’hui de faire l’apologie de la corrida à travers l’opéra, mais Carmen et la corrida sont très intimement liées dans la tradition nîmoise. Les retrouvailles de ces cultures festives seront un grand événement pour toute la région.

Autour de cette première édition qu’allez-vous proposer ?
> Le jeudi 2 août aura lieu un paséo - Dans le monde de la tauromachie, on désigne par paseo (de l’espagnol : promenade) le défilé en ouverture d’une corrida - avec cavalcades, parades, animations équestres entre la Maison Carrée et les Arènes (dans le cadre des Jeudis de Nîmes).
> Avril à Août Carmen à Nîmes, une exposition dans les coursives des Arènes (avec les Archives de la Ville et Cultures Espaces, gestionnaire des Arènes). En juin cette exposition sera visible dans la gare de Nîmes.
> Un concours est proposé à l’Ecole des Beaux Arts de Nîmes afin de faire vivre la ville aux couleurs de Carmen.
David Alagna. Propos recueillis, novembre 2011

Pratique

Carmen, Opéra en quatre actes de Georges Bizet, sur un livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d’après la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée.

Keri-Lynn Wilson > Direction Musicale
José Cura > Mise en scène & décors
Fernando Ruiz Fabio > Costumes

Avec :
Nino Surguladze > Carmen
José Cura > Don José
Ludovic Tézier > Escamillo
avec l’aimable autorisation des Chorégies d’Orange
Nathalie Manfrino > Micaëla
Thomas Dear > Zuniga
Julie Fuchs > Frasquita
Carine Séchaye > Mercédès
Luca Lombardo > Le Remendado
Marc Scoffoni > Le Dancaïre
Nicolas Rivenq > Moralès
Le Narrateur > ND

Orchestre Philharmonique de Marseille
Choeur National d’Ukraine «LA DUMKA»

David Alagna > Directeur artistique
Martin Dorai > Directeur de production
Benoit Probst > Directeur Technique
Antony Duclos > Régisseur général
Didier Momper > Coordination des Arènes
Philippe Engel > Réalisation audio
Sylvia Colazuol > Assistante à la mise en scène

Les Arènes de Nîmes
Les 9 et 11 août 2012 à 21h30
> Prix des places : 225 €, 155 €, 85 €, 55 €, 38 €, 28 €

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 12 Mars 2012 à 21:53 | Lu 2031 fois
Pierre Aimar
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