Une photographie à mille lieues de la scène « plasticienne » contemporaine
Matti Saanio, Boat boy
Organisée en partenariat avec le Musée Finlandais de la Photographie d’Helsinki, celle-ci est l’occasion de présenter au public français une facette moins connue de l’histoire de la photographie européenne ; une photographie en noir et blanc essentiellement documentaire, entre recherche formelle et humanisme ; une photographie à mille lieues de la scène « plasticienne » contemporaine.
L’exposition souligne également l’importance des photo clubs amateurs et de la presse de reportage dans le développement de la photographie finlandaise après-guerre et jusque dans les années 70
A l’instar de nombreux pays, la photographie n’a été considérée en Finlande en tant que champ artistique à part entière que récemment. Si aujourd’hui une génération de jeunes artistes fait la renommée du pays sur le plan international – telle Elina Brotherus qui fut accueillie en résidence en 1999 au musée Nicéphore Niépce et y bénéficia en 2006 d’une vaste exposition -, la photographie finlandaise reste plus qu’ailleurs redevable des milieux amateurs ayant revendiqué le caractère artistique de leurs travaux.
Comme beaucoup en Europe, la Finlande sort exsangue de la Seconde Guerre mondiale. Les clubs de photographie, seuls lieux à offrir un enseignement technique et à organiser des expositions associées à des concours, reprennent peu à peu leur activité d’avant guerre, en dépit de la pénurie de matériel. C’est là l’une des caractéristiques majeures de l’histoire de la photographie finlandaise qui s’est constituée autour de l’alliance entre professionnels et amateurs, se perfectionnant et exposant ensemble.
Ces rassemblements de photographes se situent toutefois bien loin du champ purement artistique. Ils permettent à beaucoup, en se confrontant aux photographes de studio professionnels, d’assouvir ce qui est alors considéré presque exclusivement comme un passe-temps. Ils offrent l’opportunité à chacun de présenter ses travaux individuels, notamment lors de concours internes. L’excellence des preneurs de vue se mesure alors à l’aune des récompenses et autres trophées. Ces clubs occuperont une place primordiale jusqu’aux années 60, mettant en avant une photographie normative et à l’image du pays. On y exalte les thèmes traditionnels : jeune filles sages en fichus, jeux d’enfants, paysages aux accents symboliques, épurés de tout détail superflu. La référence est clairement le pictorialisme.
L’exposition souligne également l’importance des photo clubs amateurs et de la presse de reportage dans le développement de la photographie finlandaise après-guerre et jusque dans les années 70
A l’instar de nombreux pays, la photographie n’a été considérée en Finlande en tant que champ artistique à part entière que récemment. Si aujourd’hui une génération de jeunes artistes fait la renommée du pays sur le plan international – telle Elina Brotherus qui fut accueillie en résidence en 1999 au musée Nicéphore Niépce et y bénéficia en 2006 d’une vaste exposition -, la photographie finlandaise reste plus qu’ailleurs redevable des milieux amateurs ayant revendiqué le caractère artistique de leurs travaux.
Comme beaucoup en Europe, la Finlande sort exsangue de la Seconde Guerre mondiale. Les clubs de photographie, seuls lieux à offrir un enseignement technique et à organiser des expositions associées à des concours, reprennent peu à peu leur activité d’avant guerre, en dépit de la pénurie de matériel. C’est là l’une des caractéristiques majeures de l’histoire de la photographie finlandaise qui s’est constituée autour de l’alliance entre professionnels et amateurs, se perfectionnant et exposant ensemble.
Ces rassemblements de photographes se situent toutefois bien loin du champ purement artistique. Ils permettent à beaucoup, en se confrontant aux photographes de studio professionnels, d’assouvir ce qui est alors considéré presque exclusivement comme un passe-temps. Ils offrent l’opportunité à chacun de présenter ses travaux individuels, notamment lors de concours internes. L’excellence des preneurs de vue se mesure alors à l’aune des récompenses et autres trophées. Ces clubs occuperont une place primordiale jusqu’aux années 60, mettant en avant une photographie normative et à l’image du pays. On y exalte les thèmes traditionnels : jeune filles sages en fichus, jeux d’enfants, paysages aux accents symboliques, épurés de tout détail superflu. La référence est clairement le pictorialisme.
La vague humaniste submerge la création finlandaise
Plus que le sujet, c’est la lumière qui prime alors, une lumière traitée à la manière d’un phénomène métaphysique grâce à des contrastes appuyés. Il se dégage de ces images une atmosphère mélancolique, méditative, évocatrice de l’introversion naturelle des Finlandais. « La vie, la gracieuse légèreté du rythme, soutenues par la richesse des tonalités chez les photographes méridionaux sont inconnues du Finlandais qui ne recherche qu’une calme harmonie » (Santeri Levas, 1946).
Une photographie concentrée avant tout sur le traitement du médium, et dont de jeunes photographes tels que Mikko Savolainen ou Ismo Hölttö vont vouloir se libérer dès 1966 en donnant à leur travaux une veine plus documentaire et réaliste.
Une évolution majeure se fait déjà sentir dès les années 50 au contact des photographes étrangers, suédois et surtout allemands, des publications éditées à l’occasion de leurs expositions et de la rare presse disponible sur le sujet.
Les expérimentations abstraite et pleines d’introspection de la Photographie subjective (Subjektive Fotografie), dont les tenants revendiquent par ailleurs le statut d’auteur à part entière, révolutionnent le paysage photographique finlandais. L’image demeure toutefois épurée, donnant à voir l’essentiel en éliminant la surabondance de détails grâce aux filtres ou à la réduction du contraste au moment du tirage. La composition, les noirs et blancs intenses sont alors les maîtres mots pour nombre de photographes.
Les années 60 voient quant à elles la vague humaniste submerger la création finlandaise. L’exposition The Family of Man est présentée en Finlande en 1959, quatre ans après sa création par Edward Steichen. Regroupant plus de cinq cents photographies dites de « reportage » réalisées par deux cent soixante-treize photographes de toutes nationalités, son propos se construit autour d’une croyance profonde dans les valeurs universelles et positives de l’humanité. Elle met en avant les thèmes quotidiens et communs à tous les peuples : naissance, enfance, travail, amour, mort…Son impact sur le public et sur les photographes finlandais est immense. Avec elle commence la popularisation véritable de la photographie dans le pays.
Le caractère humaniste et narratif des images qui en découlent n’en reste pas moins assujetti la plupart du temps à des compositions assez classiques. Les sujets traitent de l’histoire sociale et rurale du pays; les photographes, désormais fortement associés aux journalistes en cette période d’essor de la presse de reportage, vont à la rencontre des populations éloignées de la capitale, des familles laissées pour compte et des minorités paupérisées (cf Mustalaisraportti, série sur les Tziganes par Mikko Savolainen en 1967-1971) ; ils témoignent de la reconstruction économique et industrielle de la Finlande, pays parmi les plus rapides en Europe à s’urbaniser ; ils suivent les importants mouvements de populations qui accompagnent ces grands changements. Dans les années 70, Ben Kaila et Risto Vuorimies documentent ainsi l’émigration de travailleurs finlandais en Suède (Siirtosuomalaisia). Les photographes parcourent les contrées voisines de Carélie, d’Islande ou de Pologne, pour y faire le portrait d’une population où toute trace d’osmose entre l’homme et la nature, recherchée quelques décennies auparavant, est désormais gommée au profit d’une authenticité sans fard. Dans le même temps Jorma Puranen explore la Laponie pour y rencontrer le peuple Saamis (Marf leu’dd).
Le propos photographique se radicalise. L’image s’épure toujours plus (Penti Sammallahti) et les sujets affirment définitivement, grâce au noir et blanc, la vision mélancolique et sombre d’un paysage et d’un peuple original.
photo : Matti Saanio, Boat boy, années 1960 (coll. Musée finlandais de la photographie, Helsinki)
Une photographie concentrée avant tout sur le traitement du médium, et dont de jeunes photographes tels que Mikko Savolainen ou Ismo Hölttö vont vouloir se libérer dès 1966 en donnant à leur travaux une veine plus documentaire et réaliste.
Une évolution majeure se fait déjà sentir dès les années 50 au contact des photographes étrangers, suédois et surtout allemands, des publications éditées à l’occasion de leurs expositions et de la rare presse disponible sur le sujet.
Les expérimentations abstraite et pleines d’introspection de la Photographie subjective (Subjektive Fotografie), dont les tenants revendiquent par ailleurs le statut d’auteur à part entière, révolutionnent le paysage photographique finlandais. L’image demeure toutefois épurée, donnant à voir l’essentiel en éliminant la surabondance de détails grâce aux filtres ou à la réduction du contraste au moment du tirage. La composition, les noirs et blancs intenses sont alors les maîtres mots pour nombre de photographes.
Les années 60 voient quant à elles la vague humaniste submerger la création finlandaise. L’exposition The Family of Man est présentée en Finlande en 1959, quatre ans après sa création par Edward Steichen. Regroupant plus de cinq cents photographies dites de « reportage » réalisées par deux cent soixante-treize photographes de toutes nationalités, son propos se construit autour d’une croyance profonde dans les valeurs universelles et positives de l’humanité. Elle met en avant les thèmes quotidiens et communs à tous les peuples : naissance, enfance, travail, amour, mort…Son impact sur le public et sur les photographes finlandais est immense. Avec elle commence la popularisation véritable de la photographie dans le pays.
Le caractère humaniste et narratif des images qui en découlent n’en reste pas moins assujetti la plupart du temps à des compositions assez classiques. Les sujets traitent de l’histoire sociale et rurale du pays; les photographes, désormais fortement associés aux journalistes en cette période d’essor de la presse de reportage, vont à la rencontre des populations éloignées de la capitale, des familles laissées pour compte et des minorités paupérisées (cf Mustalaisraportti, série sur les Tziganes par Mikko Savolainen en 1967-1971) ; ils témoignent de la reconstruction économique et industrielle de la Finlande, pays parmi les plus rapides en Europe à s’urbaniser ; ils suivent les importants mouvements de populations qui accompagnent ces grands changements. Dans les années 70, Ben Kaila et Risto Vuorimies documentent ainsi l’émigration de travailleurs finlandais en Suède (Siirtosuomalaisia). Les photographes parcourent les contrées voisines de Carélie, d’Islande ou de Pologne, pour y faire le portrait d’une population où toute trace d’osmose entre l’homme et la nature, recherchée quelques décennies auparavant, est désormais gommée au profit d’une authenticité sans fard. Dans le même temps Jorma Puranen explore la Laponie pour y rencontrer le peuple Saamis (Marf leu’dd).
Le propos photographique se radicalise. L’image s’épure toujours plus (Penti Sammallahti) et les sujets affirment définitivement, grâce au noir et blanc, la vision mélancolique et sombre d’un paysage et d’un peuple original.
photo : Matti Saanio, Boat boy, années 1960 (coll. Musée finlandais de la photographie, Helsinki)