Daniel Petrica Ciobanu © Pierre Aimar
Avec une veste de velours bleu nuit, très habillée. Il surprend, ne parle pas du tout le français mais s’adresse au public avec aisance en anglais.
Et bouleverse aussitôt l’ordre du programme : introduit des petites pièces de Constantin Silvestri, puis de Georges Enesco compositeurs roumains, alors qu’une cigale attardée cherche à vibrer plus fort que la petite mélodie triste et parfois très chantante de Silvestri. Suit, de Georges Enesco une sonate, évocation grave des sonneries de cloches d’un monastère.
Et tout à coup plongée subite dans Moussorgski par la lente promenade au travers des Tableaux d’une exposition.
Une série de dix pièces pour piano, remarquablement évocatrices, Il vecchio castello, ou La cabane sur les pattes de poule, Baba Yaga l’inoubliable sorcière des contes russes et enfin la solennelle Porte de Kiev, au rythme presque guerrier.
Les thèmes en sont familiers à l’oreille et chantants, mais l’œuvre reste sombre, pesante, chargée de difficultés. Une œuvre qui donne la parole à la virtuosité, se chargeant au fil de la traversée de cette exposition, de difficultés, de complexifications. Daniel Ciobanu y est à l’aise et rend avec netteté la violence et la surcharge descriptive propres à Moussorgski.
La nuit est maintenant tombée sur la terrasse du Château Saint-Estève ; elle a calmé les cigales et laissé enfin apparaître le visage projeté au mur de Franz Liszt, image tutélaire du festival qui porte son nom et que nous avions attendu en vain lors du concert précédent : panne oblige.
Voilà reléguées en seconde partie les variations sur Ah vous dirais-je maman et la fraîcheur de Mozart. Oserais-je dire qu’elles y perdent de leur innocence pour devenir insolentes, irrévérencieuses presque, et presque toujours ironiques.
Brillante démonstration de ce peut faire Mozart avec un thème devenu tour à tour grand air d’opéra, puis danse galante, ou sonatine légère, et Mozart l’insolent ironise sur Mozart. Voilà la cavatine devenue menuet, fugue ou peut-être passacaille. Ou vol de bourdon. Il s’amuse tellement que parfois il nous lasse. Mais tout ça, c’est pour rire ! Daniel Ciobanu joue avec l’œuvre autant qu’il joue l’œuvre, la réinterprétant par le style, donnant au spectateur l’impression que toutes ces notes peuvent être dites autrement. Surprenant !
En final Franz Liszt et la Fantaisie appelée souvent Dante Sonata, après une lecture de Dante (assortie au tableau projeté sur le mur, en parallèle au portrait de Franz Liszt). La sonate, véritable poème symphonique pour piano en un seul mouvement, puissante, est « en descente de tritons » (l’intervalle de triton, diabolus in musica, symbolise ici l’enfer et fait exactement trois tons).
Avec Franz Liszt, on pénètre un univers dramatique, et sous la musique structurée apparaît un élan passionnel que l’interprète semble porter à bras le corps. On se demande parfois avec quoi et contre qui se battait celui qui a un moment de sa vie avait souhaité être l’abbé Liszt. Et puis voici la musique tout à coup sereine et tendre, retombant en équilibre sur un apaisement inespéré..
On a envie de dire : Dieu ce pianiste ! Dieu ce Franz Liszt, quel compositeur ! Et pour finir, une petite valse sur tout le clavier juste pour vérifier que toutes les notes sont bien encore là !
Jacqueline Aimar
Et bouleverse aussitôt l’ordre du programme : introduit des petites pièces de Constantin Silvestri, puis de Georges Enesco compositeurs roumains, alors qu’une cigale attardée cherche à vibrer plus fort que la petite mélodie triste et parfois très chantante de Silvestri. Suit, de Georges Enesco une sonate, évocation grave des sonneries de cloches d’un monastère.
Et tout à coup plongée subite dans Moussorgski par la lente promenade au travers des Tableaux d’une exposition.
Une série de dix pièces pour piano, remarquablement évocatrices, Il vecchio castello, ou La cabane sur les pattes de poule, Baba Yaga l’inoubliable sorcière des contes russes et enfin la solennelle Porte de Kiev, au rythme presque guerrier.
Les thèmes en sont familiers à l’oreille et chantants, mais l’œuvre reste sombre, pesante, chargée de difficultés. Une œuvre qui donne la parole à la virtuosité, se chargeant au fil de la traversée de cette exposition, de difficultés, de complexifications. Daniel Ciobanu y est à l’aise et rend avec netteté la violence et la surcharge descriptive propres à Moussorgski.
La nuit est maintenant tombée sur la terrasse du Château Saint-Estève ; elle a calmé les cigales et laissé enfin apparaître le visage projeté au mur de Franz Liszt, image tutélaire du festival qui porte son nom et que nous avions attendu en vain lors du concert précédent : panne oblige.
Voilà reléguées en seconde partie les variations sur Ah vous dirais-je maman et la fraîcheur de Mozart. Oserais-je dire qu’elles y perdent de leur innocence pour devenir insolentes, irrévérencieuses presque, et presque toujours ironiques.
Brillante démonstration de ce peut faire Mozart avec un thème devenu tour à tour grand air d’opéra, puis danse galante, ou sonatine légère, et Mozart l’insolent ironise sur Mozart. Voilà la cavatine devenue menuet, fugue ou peut-être passacaille. Ou vol de bourdon. Il s’amuse tellement que parfois il nous lasse. Mais tout ça, c’est pour rire ! Daniel Ciobanu joue avec l’œuvre autant qu’il joue l’œuvre, la réinterprétant par le style, donnant au spectateur l’impression que toutes ces notes peuvent être dites autrement. Surprenant !
En final Franz Liszt et la Fantaisie appelée souvent Dante Sonata, après une lecture de Dante (assortie au tableau projeté sur le mur, en parallèle au portrait de Franz Liszt). La sonate, véritable poème symphonique pour piano en un seul mouvement, puissante, est « en descente de tritons » (l’intervalle de triton, diabolus in musica, symbolise ici l’enfer et fait exactement trois tons).
Avec Franz Liszt, on pénètre un univers dramatique, et sous la musique structurée apparaît un élan passionnel que l’interprète semble porter à bras le corps. On se demande parfois avec quoi et contre qui se battait celui qui a un moment de sa vie avait souhaité être l’abbé Liszt. Et puis voici la musique tout à coup sereine et tendre, retombant en équilibre sur un apaisement inespéré..
On a envie de dire : Dieu ce pianiste ! Dieu ce Franz Liszt, quel compositeur ! Et pour finir, une petite valse sur tout le clavier juste pour vérifier que toutes les notes sont bien encore là !
Jacqueline Aimar