Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand, mise en scène Georges Lavaudant, théâtre la Criée, Marseille, du 15 au 18 janvier, par Philippe Oualid

Réécriture de la comédie héroïque de cape et d'épée, du drame romantique et du mélodrame populaire, Cyrano de Bergerac, qui joue ouvertement du pastiche et du clin d'oeil, est un bricolage dramaturgique qui connut en 1897 un immense succès.


Sans se soucier de l'identité historique du vrai Cyrano, Edmond Rostand en fait un mythe qui rappelle celui de Ruy Blas dans une intrigue invraisemblable. Cadet de Gascogne affligé d'un long nez, Cyrano aime en secret sa cousine Roxane, mais celle-ci le prie d'aider Christian de Neuvillette dont la beauté physique l'a conquise. Cyrano se fait alors le plus fidèle ami de Christian et lui dicte le langage précieux de la passion qui enchante Roxane. Tout le drame est fondé sur ce quiproquo romantique jusqu'à ce que Roxane reconnaisse enfin, dans le couvent où elle s'est retirée après la mort de Christian au siège d'Arras, l'amour de Cyrano. . .

Il y a de la facilité, de la banalité même, et surtout beaucoup de clinquant dans l'art de Rostand. Mais le poète dramaturge possède une virtuosité verbale qui s'exerce avec un prestige égal dans les morceaux de bravoure et les couplets de tendresse. Il demeure à cet égard un auteur de prédilection pour les jeunes spectateurs sensibles à l'attrait des phrases sonores et des passions généreuses.

La nouvelle mise en scène que propose Georges Lavaudant, dans un décor de Jean-Pierre Vergier, constitué d'un bosquet de cyprès qui ressemble au Palais du Facteur Cheval, au milieu d'un enclos délimité par des haies factices verdoyantes, est tout à fait intéressante. Dans une version habilement raccourcie, dépourvue de ses nombreux figurants, elle sollicite l'imagination du spectateur dans l'esprit du théâtre shakespearien, et mêle à un univers de bal costumé, style Louis XIII et Belle Epoque, musique de western et chanteuse beuglante sur phonographe, dans de belles lumières fantasmatiques.

Patrick Pineau, grand acteur déclamateur, incarne un Cyrano coupé des réalités, des compromissions du monde, monopolisant toute l'attention avec son sens du panache. Héros malheureux traversé de complexes, rebelle à toute raison, il est l'incarnation même de l'esprit français dans son exagération calculée. Marie Kauffmann (Roxane)passe d'un amour pour les apparences à un amour épuré des contingences du corps, d'un style de poétesse éthérée à une figure maternelle sublimée, avec une distinction rare. Frédéric Borie (Christian), voué à la platitude et au silence, devient plus intéressant lorsque Cyrano lui insuffle la vie après la scène du balcon.

Enfin voici après plus d'un siècle de représentations fidèles aux didascalies d'Edmond Rostand, une mise en scène nouvelle s'autorisant poliment une relecture de Cyrano de Bergerac dans une optique légèrement parodique qui ne nuit en rien au charme désuet du spectacle.
Philippe Oualid

Cyrano de Bergerac, d'Edmond Rostand
Mise en scène de Georges Lavaudant
Théâtre de La Criée, Marseille, du 15 au 18 Janvier 2014

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 17 Janvier 2014 à 00:54 | Lu 259 fois
Pierre Aimar
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