Découverte de l’enceinte du Haut Empire de Narbonne et d’entrepôts dans le quartier du port urbain antique. 22/3/24

Depuis août 2023, l’Inrap réalise une fouille préventive sur une surface de 3000 m2 en périphérie du centre historique de Narbonne.


Cette opération, prescrite par le Service régional de l’archéologie (Drac Occitanie) en amont de la construction d’une résidence séniors par Vinci Immobilier et le Groupe SM, met au jour un quartier antique voué au stockage et au commerce de marchandises entre le Ier siècle avant J.-C. et le IVe siècle de notre ère. Outre des entrepôts, la fouille a surtout livré un tronçon de l’enceinte de la Colonia Narbo Martius datant du Haut Empire.

Une découverte majeure : l’enceinte du Haut Empire
En l’absence de remparts certains historiens faisaient de Narbonne au Haut Empire une ville ouverte. Les archéologues de l’Inrap n’envisageaient donc nullement sa présence en ce lieu. Ils en ont pourtant dégagé un important tronçon, de 30 mètres de long : la courtine (mur d’enceinte) et une tour, largement épierrées. Cette dernière présente un mode de construction original, peut-être destiné à assurer une meilleure stabilité à l’édifice : une tour ronde aux fondations carrées. Les dimensions de l’ensemble (diamètre de la tour, épaisseur des murs) sont aux normes du Haut Empire et se rapprochent d’enceintes d’autres Cités comme Orange, Lyon, Autun… Sa datation précise reste encore à affiner mais elle aurait été construite dans les dernières décennies du Ier siècle avant notre ère.

Un quartier d’entrepôts lié au commerce portuaire
La fouille se déploie dans un quartier excentré de la ville antique, urbanisé vers 50 de notre ère, soit plus d’un siècle et demi après la fondation de la Colonia Narbo Martius en -118. Il est composé de plusieurs îlots urbains, scandés par trois rues et une ruelle, dotés de canalisations assurant l’évacuation des eaux pluviales et usées, certaines se recoupant. Le quartier a subi plusieurs réaménagements durant sa phase d’occupation (du milieu du Ier siècle jusque dans le courant du IIIe puis –après une phase d’abandon – aux IVe et Ve siècles).
Ce secteur de la ville était dédié à une activité de stockage et de commerce de marchandises. Trois à quatre entrepôts ont été partiellement dégagés sur ce chantier, espaces de stockage probablement administrés par différents commerçants. L’un des bâtiments se distingue des autres : il permettait d’entreposer des marchandises, au rez-de-chaussée, sur un sol assaini par un système de vide sanitaire en amphores recyclées. L’étage devait quant à lui servir de bureau ou d’habitat comme en témoignent les fragments de sols en béton et de mosaïques ainsi que les parois en briques de terre crue recouvertes d’enduits peints retrouvés effondrés à la suite d’un incendie.

Un peu plus loin, un second entrepôt parait détruit par le même phénomène. Les bâtiments reconstruits semblent liés à d’autres activités. Ainsi, une pièce aux murs particulièrement bien conservés, sur près de 80 cm d’élévation, est décorée d’enduits peints. Leur motif imite des plaques de marbre tandis que le plafond était décoré d’entrelacs végétaux sur fond blanc. Cet ensemble va être déposé par des restaurateurs et intégrera, après études, les collections du musée Narbo Via grâce à une convention de dépôt liant l’État et l’EPCC Narbo Via.

Ces découvertes sont à rattacher au port urbain de Narbo Martius, implanté le long du bras antique de l’Aude. Celui-ci constitue, avec l’avant-port maritime dont les vestiges ont été observés en plusieurs points (Île Saint-Martin à Gruissan, Mandirac, La Nautique), un système portuaire complexe dont l’importance est attestée notamment dans les textes et les inscriptions antiques. Cette fouille contribue à la problématique de recherche sur l’identification du tracé antique du fleuve, dont le cours a été en partie artificialisé lors de la canalisation de la Robine au XVIIIe siècle.

Vue générale de la fouille lors de la tranche 1 © Antoine Farge, Inrap

Conservés sur 80 cm de haut, les murs sont décorés de fresques imitant le marbre. © Flore Giraud, Inrap

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 25 Mars 2024 à 19:41 | Lu 287 fois
Pierre Aimar
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