Démocratie culturelle et culture pour tous : Réflexions sur les « espaces culturels » franciliens, leurs conditions d’émergence et de développement

Démocratie culturelle et culture pour tous : Réflexions sur les « espaces culturels » franciliens, leurs conditions d’émergence et de développement. Un rapport du Conseil Economique et Social d'Ile de France.


Les grandes mutations industrielles ont laissé derrière elles nombre de friches industrielles, devenues au fil du temps des espaces vides, silencieux ou squattés. L’aventure des "Artfactories" commença il y a près de 25 ans, lorsqu’une génération d’artistes et d’acteurs, en rupture plus ou moins claire avec les canons de la "démocratisation culturelle" officielle et ses circuits traditionnels colonisèrent, au vrai sens du terme, ces lieux désertés et cherchèrent à leur donner une nouvelle vie, aidés très fréquemment par des circuits amateurs, en quête eux aussi de nouvelles expériences.
La caractéristique commune de ces « friches culturelles » a été l’établissement de liens étroits avec les publics et habitants des quartiers des territoires proches où ces expériences émergeaient. Ces « nouveaux territoires de l’Art », selon l’expression de l’Institut des Villes, ont été conçus d’une part comme un véritable vivier du spectacle vivant (cirque, théâtre, danse, art plastique, mime, musique, etc.) où transversalité et pluridisciplinarités sont la règle et d’autre part comme relais essentiel à une diffusion de la création artistique au sein des populations. Dans ces lieux, l’acte artistique se pose autrement que par le seul biais de sa diffusion mais plutôt comme le lieu de production d’œuvres et lieu de leur diffusion et de leur consommation.
En résumé, la dynamique de ces lieux où a été renouvelée l’approche de l’art, est guidée par 3 grandes lignes directrices : un objet non lucratif, assis sur leur statut associatif ; une implantation territoriale dont témoigne le tissage recherché avec les publics (ateliers, résidences d’artistes, collectifs d’artistes) ; la recherche de multidisciplinarité dans les manifestations artistiques de laquelle il est attendu invention et innovation.
Le rapport du CESR vise à donner un "coup de phare" de ces « nouvelles approches culturelles », les références auxquelles elles se rapportent, et enfin la façon dont elles sont reçues par les collectivités auprès desquelles elles sollicitent appui et reconnaissance pour leur maintien sinon leur survie.

19 lieux regroupés au sein du réseau Actes-IF
En Île-de-France, certains de ces lieux intermédiaires (Mains d’œuvres à Saint-Ouen, Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine, Collectif 12 à Mantes-la-Jolie, L’Atelier du Plateau, dans le XIXème arrondissement) se sont réunis dans le réseau Actes-IF. Dans ces 19 lieux ainsi regroupés sont réalisés et présentés des projets hors normes qui ne trouvent pas leur place dans les modalités habituelles, qu’elles soient institutionnelles ou commerciales. En accompagnant et en programmant des artistes émergents et/ou des projets "à risques", ces espaces favorisent innovation et renouvellement artistiques.

La production
En 2005, 980 propositions artistiques ont vu le jour soit 54 en moyenne par lieu. Ces propositions se répartissaient sur 2 606 dates soit 145 en moyenne par lieu, les arts vivants occupant plus de 2/3 de ces dates. 192 000 spectateurs ont bénéficié de ces spectacles soit une moyenne de 10 060 par lieu, avec une fréquentation plus importante pour les spectacles musicaux. Actes-IF a accompagné la création de 176 projets artistiques en mettant à disposition des locaux, en aidant au montage administratif et technique et, plus rarement, en s’impliquant dans la création et les apports financiers.

Des montages financiers divers et éclectiques
Constitués en Association de Loi 1901 ou en SARL, ces lieux reposent sur une économie plurielle réunissant des fonds publics, des ressources propres et sur une économie non monétaire de l’échange et du bénévolat. Les solutions de production se trouvent confrontées à la mise en place de montages financiers divers et éclectiques dont des subventions de fonctionnement. Des financements complémentaires venant du "social", de l’Europe ou d’autres organismes publics leurs sont indispensables. En 2005, les ressources de ces structures représentaient 6 705 K€ dont près de 40% en ressources propres (2 910,6 K€) et le reste en fonds publics (3 794 K€) au titre de l’activité artistique, territoriale et des aides à l’emploi.

Emploi : des effectifs réduits mais très productifs
Ces lieux emploient notamment nombre d’intermittents, de personnes payées sous forme d’honoraires, de stagiaires et bénévoles. Hors des équipes de fonctionnement, 937 intermittents avaient été répertoriés (dont 769 artistes, 4 419 cachets, 168 techniciens, 2 605 journées).
La précarité de l’emploi est importante. 75 % des personnes relèvent du régime général dont 42% rétribués grâce aux aides à l’emploi, le dernier quart étant des intermittents du spectacle.
Le nombre de CDD et de CDDU (intermittents) augmente parallèlement et dans une plus grande proportion que le nombre d’équivalent temps plein, ce qui signifie de plus en plus de temps partiels. Un gros tiers des emplois relevant du régime général sont des emplois aidés, emplois jeunes, progressivement remplacés par les emplois tremplins régionaux (200 en Île-de-France) mais aussi Contrat d’Accompagnement à l’Embauche, Contrat Emploi Solidarité, Contrat Emploi Consolidé, Contrat en Insertion, etc. Enfin le tiers des personnes sont sur des contrats à durée déterminée, et si on intègre les intermittents (CDDU, pour CDD d’usage), plus de la moitié des personnes présentes dans ces lieux le sont sur des modes courts ou précaires.

L’indispensable soutien régional et le rôle d’ARCADI
Pour perdurer et se développer mais aussi faire face au désengagement de l’Etat, ces structures culturelles ont eu besoin du soutien des collectivités. Avec la décentralisation, les régions se sont dotées de programmes de soutien à la création et à la diffusion artistique. Afin de mieux cerner ce secteur, les Régions ont entrepris de faire évoluer leur établissement public de coopération culturelle (EPCC). C’est dans cet esprit qu’œuvre la Région Île-de-France avec ARCADI (organisme appelé à intervenir en soutien à la création et la diffusion des œuvres pour les artistes et/ou compagnies), doté d’un budget significatif, d’un nouveau directeur et d’un cahier des charges. Associé à l’Observatoire des Politiques Culturelles, ARCADI a pris sa part dans la mise en œuvre d’une enquête visant à un état des lieux de l’existant (au-delà du réseau Actes-IF), des modalités d’intervention et d’accompagnement de la vie artistique engagées par les collectivités.
En 2009, la Région Île-de-France a consacré un budget de 58 M€ de crédits de paiement à sa politique culturelle dont 58 % pour le spectacle vivant. Le second volet de son soutien au spectacle vivant, se trouve dans les conventions de permanence artistique et culturelle (200 signées depuis 2005) qui permettent un soutien de longue durée aux porteurs de projets. 10,5 M€ ont été réservés sur cette ligne budgétaire par la Région Île-de-France

La culture source d’aménagement du territoire et de cohésion sociale
Pour le CESR, sans tomber dans l’angélisme, les projets analysés montrent qu’il existe une intention territoriale qui fait du projet culturel un outil de proximité, inscrit dans l’animation d’une ville ou d’un quartier, favorisant l’accès à la culture du plus grand nombre, la sauvegarde d’un bâtiment, la lutte contre la spéculation immobilière, etc.

Aller vers une meilleure connaissance du spectacle vivant
Le CESR souhaite la mise en œuvre d’un dispositif d’observation dans lequel une actualisation régulière et continue des informations concernant ce secteur soit réellement opérationnelle. Cette initiative suppose une collaboration entre les collectivités territoriales, les professionnels et l’Etat notamment pour identifier les déclinaisons régionales de la politique nationale.

Aider à la professionnalisation du spectacle vivant
Enfin, le CESR estime souhaitable l’accompagnement des porteurs de projets pour les préparer ou les aider à la fonction d’entrepreneur dans ses différentes variantes (responsabilité économique et sociale, forme et durée des contrats, etc.) afin de les aider à mieux affronter les différents écueils.

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pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 9 Octobre 2009 à 20:33 | Lu 900 fois
pierre aimar
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