Espagne - Valencia, toutes voiles dehors

La fièvre de la construction s’est emparée de Valencia. Une forte poussée qui provoque des accès d’ego très forts. «Valencia, la ville la plus vivante du monde», «Le vent en poupe, toutes voiles dehors», les slogans volontaristes fleurissent sur les affiches, drapeaux, prospectus, dépliants.


Valencia, le vent en poupe

Le Museo de las Ciencias. © Alberto Martinez
La fièvre de la construction s’est emparée de Valencia. Une forte poussée qui provoque des accès d’ego très forts. «Valencia, la ville la plus vivante du monde», «Le vent en poupe, toutes voiles dehors», les slogans volontaristes fleurissent sur les affiches, drapeaux, prospectus, dépliants. Pour qui a connu la ville, il y a une quinzaine d’années, il est certain qu’une révolution urbaine s’est produite et qu’elle se poursuit de plus belle.
Le nouveau fleuron architectural est sans conteste l’opéra, en cours d’achèvement, dont le dôme en forme de bivalve est maintenant le repère obligé du paysage urbain contemporain. D’une hauteur vertigineuse, sa blancheur et sa forme si particulière sont en passe de devenir tout à la fois un symbole de la modernité de la ville, une signature visuelle puissante, un cairn pour l’automobiliste perdu. Car se perdre dans Valencia est d’une facilité déconcertante. La ville est si étendue qu’on ne fait plus le rapport entre ce que l’on lit sur une carte et la réalité des très longues (et très larges) avenues. D’où l’importance de posséder une automobile « moderne » équipée d’une assistance à la conduite par GPS. Il n’y a qu’à suivre les indications de l’écran, ce qui permet d’arriver à l’adresse voulue tout en profitant des beaux coups d’œil qui surgissent de-ci, de là.

Hors de la ville ancienne, ce n’est pas la zone

Habituellement, la plupart des villes offrent des centres anciens remarquables et des périphéries navrantes d’indigence architecturale, quand ce ne sont pas des zones d’habitations à caractère social négligées, voire abandonnées à leur triste sort de « banlieues ». A Valencia, comme dans la plupart des villes d’Espagne, on constate que les constructions de ces vingt dernières années sont de qualité nettement supérieure à ce que l’on connaît en France. Cela tient au fait que l’Espagne n’a pas pris le train du XXe siècle, du moins cette vague d’urbanisation qui a déferlé en France après la Deuxième guerre mondiale. L’Espagne, étouffée et sclérosée pendant toute la période franquiste, s’est subitement réveillée à l’orée des années quatre-vingt pour se lancer dans la modernisation de son réseau routier et de ses villes qui a transformé de façon stupéfiante le pays tout entier. Disparues les routes étroites, tortueuses, défoncées et mal entretenues ; préservés, restaurés, mis en valeur les centres anciens ; décuplées, aérées, arborées, soignées les nouvelles aires d’habitation qui ceinturent les centres anciens ; tracées, multipliées, dédoublées les autoroutes urbaines qui permettent soit d’éviter les villes, soit de les contourner ; l’Espagne du nid de poule a disparu, a été complètement gommée pour laisser place à un pays placé sous le signe de la rationalité, de la modernité, tout en privilégiant l’esthétique de l’espace public.
Les erreurs commises par les architectes en France lors des Trente Glorieuses (c’est hélas leur nom) ont permis aux Espagnols de soigneusement éviter les mêmes dérives. La qualité des immeubles de base chez les Ibères modernes est sans comparaison avec les habitations à loyer modéré du pays qui se flatte d’avoir été modelé par le Baron Haussmann. Valencia, en vingt ans, a accompli sa révolution. Elle a bénéficié de l’expérience de ses voisins ultra pyrénéens et de la chance d’être située dans une région plate. La ville a pu s’étendre facilement à l’intérieur des terres.

Détourner un rivière capricieuse, l’enfance de l’art

La place de la cathédrale © Alberto Martinez
Plus récemment, elle s’est attaquée à urbaniser la rivière torrentueuse qui la traverse. Le cours d’eau a été prié de s’écouler ailleurs ce qui a dégagé un foncier de trois à quatre cents mètres de large sur quatre kilomètres de long. Sagesse
Ces 160 hectares n’ont pas été la proie des bétonneurs mais dévolus à des urbanistes qui ont aménagé des parcs, des bassins, des fontaines, des promenades qui longent le Palau Musical, mènent au nouvel opéra, à la cité des sciences et des arts, au musée océanographique. Ces bâtiments, résolument contemporains, ont trouvé large place dans l’ancien lit du Turia. Cette rivière qui avait la fâcheuse habitude d’être soit à sec, soit débordante lors des pluies d’automne ou de printemps, était une vaste zone morte et sans attrait. L’aménagement de cette immense étendue au cœur de la ville s’est fait récemment et se poursuit à bon rythme actuellement. Un nouveau quartier, résolument moderne, relie la ville ancienne, aux ruelles étroites et tortueuses, à la ville plus récente qui s’étale au-delà de l’ancienne rivière.
La transition s’effectue ainsi naturellement et au cœur de ce nouveau quartier, les architectes ont fait assaut d’audace pour créer une ville idéale de notre temps.
L’agglomération dans son ensemble n’échappe pas à une urbanisation qui fait grande place à l’espace. Les nouvelles avenues sont larges et les autoroutes prennent naissance à la limite même de la ville ancienne. Le réseau routier est abondant, permet aussi bien de traverser l’agglomération que de la contourner.

Plus de 1,5 millions d’habitants

Cette urbanisation en cours abrite plus de 1,5 millions d’habitants et reflète bien le dynamisme économique de Valencia. La traditionnelle agriculture a toujours sa place dans cette plaine dont le réseau d’irrigation a été initié par les Grecs il y a plus de 2000 ans.
La palette industrielle et technologique compte des fleurons mondiaux. Le circuit automobile est le rendez-vous obligé de la plupart des écuries de formule 1 qui s’y entraînent à l’intersaison. La voile donne ses lettres de noblesse absolue à Valencia : l’America’s cup s’y déroulera grâce à la Suisse, détentrice du titre.
La culture occupe une large place. Le Palais de la musique propose une programmation internationale de tout premier plan. Le Museo de las Ciencias à l’architecture impressionnante est un lieu de rencontres et de congrès très couru.
L’Instituto Valenciano de Arte Moderno (IVAM) abrite la donation Julio Gonzalez, sculpteur majeur de l’art abstrait du XXe siècle.
Un musée océanographique très complet permet une découverte de la faune de toutes les mers, chaudes ou froides.
Enfin, le Parque Natural de L'Albufera de Valencia est le témoin d’un écosystème qui, par miracle, a été sauvé du continuel grignotage industriel et urbain.
Pierre Aimar

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pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 18 Janvier 2008 à 23:02 | Lu 1225 fois
pierre aimar
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