Un spectacle exemplaire à voir et revoir
© D. Jaussein
Mais " Onéguine " est aussi une oeuvre mystère : pourquoi le héros refuse-t-il l'amour de la belle Tatiana ? Par scrupules ? Pourquoi pousse-t-il à bout son meilleur ami Lensky, au point d'obliger celui-ci à le provoquer en duel ? Et pourquoi enfin, des années plus tard, change-t-il complètement d'attitude et essaie-t-il de reconquérir Tatiana, mariée à un noble vieillard ?
Certes, la musique dit beaucoup de choses, mais elle ne dit pas tout. Sentimentale, émouvante, elle cerne admirablement l'atmosphère du drame et rend bien compte de l'irrépressible mélancolie des héros.
Le texte, lui, ne délivre rien mais permet d'avancer à tâtons... Car qui aurait osé, à part Tchaïkovsky, parler de l'amour homosexuel ? En réalité, Onéguine n'aime que son ami et il le tue par désespoir, pour essayer de se libérer, de devenir un homme comme les autres, pour tragiquement échouer...
Onéguine n'est et ne sera jamais rien, il est la nullité même, le vide sidéral en pantalon, jusqu'au jour où par stupidité, par légèreté ou égoïsme, il commet ce crime. Geste qui le " constitue " peut-être, mais à quel prix...
Refusant l'anecdote et le recours au folklore tapageur, Alain Garichot (le spectacle importé de l'Opéra National de Lorraine, repris par Angers-Nantes n'accuse pas ses vingt ans d'âge) nous ouvre un grandiose livre d'images pour une mise en scène intelligente, d'une précision exemplaire, rigoureuse et cohérente, qui, dans sa simplicité offre une lecture qui parvient à caractériser de belle manière les protagonistes.
Toutefois, pour ce chef-d'œuvre du romantisme russe où la réalité dépasse la fiction, il faut un trio de choc.
Marie-Adeline Henry domina sans peine le plateau par un chant frémissant aux infinies nuances et une adéquation totale à un personnage qui semble la consumer entièrement. Profondément romantique, son interprétation de Tatiana est attachante, non seulement par un phrasé et un legato rares, mais aussi par une ligne de chant simple, vraie, pétrie d'émotion et de simplicité.
La belle soprano trouve en outre dans l'Onéguine d'Andrei Zhilikhovsky une digne réplique. Le rôle-titre est cerné avec justesse : un dandy orgueilleux, égocentrique sans être antipathique. Sa voix s'étant chauffée, le baryton moldave donna à la difficile scène finale une grandiose intensité.
Le ténor moscovite Igor Morozov reste trop souvent à la surface des choses avec un Lensky certes de style, mais qui ne suggère qu'imparfaitement la fragilité et la gaucherie du jeune poète. La voix, au médium parfois inaudible, se libère, il est vrai, dans des aigus fort bien assurés.
La fougue et la fraîcheur juvénile d'Olga conviennent tout particulièrement à Julie Robard-Gendre, tandis que Thomas Morris cabotine à la perfection dans le rôle épisodique de Monsieur Triquet.
Belle participation des autres protagonistes : Karine Ohanyan en Nourrice, Doris Lamprecht en Madame Larine très chic, très classe...
Oleg Tsibulko, impressionnant Grémine au timbre de bronze apporte à son air unique, lui aussi, une réelle émotion, un réel trouble.
Le compositeur disait de sa musique qu'elle " n'a ni éclat, ni splendeur "... Au pupitre de l'Orchestre Philharmonique de Nice et des choeurs, Daniel Kawka monte le contraire et qu'il s'agit bien là d'une partition riche en couleurs et que l'éclat et la splendeur existent, mais sans être extérieurs.
Sa direction alliant brio et fougue sait également insuffler lyrisme et retenue aux passages les plus intimistes. Un must !
Christian Colombeau
Certes, la musique dit beaucoup de choses, mais elle ne dit pas tout. Sentimentale, émouvante, elle cerne admirablement l'atmosphère du drame et rend bien compte de l'irrépressible mélancolie des héros.
Le texte, lui, ne délivre rien mais permet d'avancer à tâtons... Car qui aurait osé, à part Tchaïkovsky, parler de l'amour homosexuel ? En réalité, Onéguine n'aime que son ami et il le tue par désespoir, pour essayer de se libérer, de devenir un homme comme les autres, pour tragiquement échouer...
Onéguine n'est et ne sera jamais rien, il est la nullité même, le vide sidéral en pantalon, jusqu'au jour où par stupidité, par légèreté ou égoïsme, il commet ce crime. Geste qui le " constitue " peut-être, mais à quel prix...
Refusant l'anecdote et le recours au folklore tapageur, Alain Garichot (le spectacle importé de l'Opéra National de Lorraine, repris par Angers-Nantes n'accuse pas ses vingt ans d'âge) nous ouvre un grandiose livre d'images pour une mise en scène intelligente, d'une précision exemplaire, rigoureuse et cohérente, qui, dans sa simplicité offre une lecture qui parvient à caractériser de belle manière les protagonistes.
Toutefois, pour ce chef-d'œuvre du romantisme russe où la réalité dépasse la fiction, il faut un trio de choc.
Marie-Adeline Henry domina sans peine le plateau par un chant frémissant aux infinies nuances et une adéquation totale à un personnage qui semble la consumer entièrement. Profondément romantique, son interprétation de Tatiana est attachante, non seulement par un phrasé et un legato rares, mais aussi par une ligne de chant simple, vraie, pétrie d'émotion et de simplicité.
La belle soprano trouve en outre dans l'Onéguine d'Andrei Zhilikhovsky une digne réplique. Le rôle-titre est cerné avec justesse : un dandy orgueilleux, égocentrique sans être antipathique. Sa voix s'étant chauffée, le baryton moldave donna à la difficile scène finale une grandiose intensité.
Le ténor moscovite Igor Morozov reste trop souvent à la surface des choses avec un Lensky certes de style, mais qui ne suggère qu'imparfaitement la fragilité et la gaucherie du jeune poète. La voix, au médium parfois inaudible, se libère, il est vrai, dans des aigus fort bien assurés.
La fougue et la fraîcheur juvénile d'Olga conviennent tout particulièrement à Julie Robard-Gendre, tandis que Thomas Morris cabotine à la perfection dans le rôle épisodique de Monsieur Triquet.
Belle participation des autres protagonistes : Karine Ohanyan en Nourrice, Doris Lamprecht en Madame Larine très chic, très classe...
Oleg Tsibulko, impressionnant Grémine au timbre de bronze apporte à son air unique, lui aussi, une réelle émotion, un réel trouble.
Le compositeur disait de sa musique qu'elle " n'a ni éclat, ni splendeur "... Au pupitre de l'Orchestre Philharmonique de Nice et des choeurs, Daniel Kawka monte le contraire et qu'il s'agit bien là d'une partition riche en couleurs et que l'éclat et la splendeur existent, mais sans être extérieurs.
Sa direction alliant brio et fougue sait également insuffler lyrisme et retenue aux passages les plus intimistes. Un must !
Christian Colombeau