Ekaterina Chtcherbatchenco (Tatiana) et Alexei Markov (Onéguine) © Stefan Flament - Opéra de Monte-Carlo
Allons-y franco : pour qui connaît un peu son Pouchkine et surtout son Tchaikowsky, Eugène Onéguine est œuvre énigme. Pourquoi le héros refuse-t-il l’amour de Tatiana, spontanément offert avec une totale sincérité ? Par scrupules ? Pourquoi pousse-t-il à bout Lenski, son meilleur ami, au point de d’obliger celui-ci à le provoquer en duel ? Et pourquoi enfin, des années plus tard, retourne-t-il sa veste et essaie-t-il d’enlever Tatiana mariée à un vieillard ?
En réalité, Onéguine n’aime que Lenski et il le tue par désespoir, pour essayer de se libérer, de devenir un homme comme les autres, pour lamentablement échouer.
Onéguine n’est et ne sera jamais rien, le vide sidéral dans le pantalon, jusqu’au jour où par légèreté, ennui, égoïsme, stupidité il commet ce crime.
Evènement qui le « constitue « peut-être, mais à quel prix…
Dans un décor unique à la simplicité élémentaire (une clairière de bouleaux clairsemés drapés au gré de l’action) un réel climat se crée, intérieur, sensible, dramatique, romantique en diable… de ce romantisme frais (à l’image de la jeunesse des protagonistes), qui coule de source.
Les fantasmes vont et viennent entre banalité des scènes quotidiennes, bavardages courtois, confessions de pudeur, bals endiablés, souvenirs furtifs.
Pleines d’idées et de mouvements, d’instants saisis au vol, la belle mise en scène de Claire Servais - rigoureuse, cohérente, qui refuse l’anecdote ou le recours au folklore tapageur - aurait peut-être gagné à éclairer, sans fausse pudibonderie la vraie nature de l’amitié entre Onéguine et Lensky.
Voilà toutefois un Eugène Onéguine tout en élégance. S’attachant à la psychologie des personnages et à leurs sentiments, Claire Servais met en scène, de belle manière, le passage, ici cruel car sans appel, de l’adolescence à l’âge adulte.
Pour cet opéra, où la réalité dépasse la fiction, il faut un trio de choc. Jeune et beau. Pari tenu. Volons à l’essentiel. Ekaterina Chtcherbatchenka campe une Tatiana écorchée vive, belle à faire damner toutes les icônes de l’Eglise Russe de Nice, hyperlyrique en diable, rêveuse, sobre, toujours aristocrate.
Alexei Markov, à la voix idéalement musclée, au timbre prenant et chaud, incarne parfaitement cet Onéguine cynique et désabusé, familier aux russisants. Impossible également d’adresser un reproche sérieux au Lenski de Teodor Ilincai. Son adieu à la vie distillé avec mélancolie, vaillance et générosité restera un grand moment dans nos mémoires. Un ténor à suivre…
La fougue et la fraîcheur juvénile d’Olga conviennent fort bien à Ekaterina Sergueïeva, et si Monsieur Triquet en copié-collé du regretté Pavarotti cabotine à la perfection, on relèvera pour finir l’excellence des seconds rôles et la belle prestation de Paata Burchuladze, impressionnant Grémine qui en un air rafle (presque) tout.
Dirigeant dans son arbre généalogique, Dmitri Jurowski, tient compte, sans écraser son plateau, du caractère symphonique de l’ouvrage.
Ardente, vivante, colorée, sa rutilante direction cerne admirablement l’atmosphère du drame et transcende l’irrépressible mélancolie des héros.
Chœur maison soutenu par celui de Mariinsky et Orchestre Philarmonique sensationnels, en état de grâce, pour, en conclusion, une très belle matinée, un très bel opéra, un opéra autobiographique qui ressemble à la vie.
Si après Bayreuth la saison dernière, Monte-Carlo se prend maintenant pour le Bolchoï où allons-nous ?
Christian Colombeau
En réalité, Onéguine n’aime que Lenski et il le tue par désespoir, pour essayer de se libérer, de devenir un homme comme les autres, pour lamentablement échouer.
Onéguine n’est et ne sera jamais rien, le vide sidéral dans le pantalon, jusqu’au jour où par légèreté, ennui, égoïsme, stupidité il commet ce crime.
Evènement qui le « constitue « peut-être, mais à quel prix…
Dans un décor unique à la simplicité élémentaire (une clairière de bouleaux clairsemés drapés au gré de l’action) un réel climat se crée, intérieur, sensible, dramatique, romantique en diable… de ce romantisme frais (à l’image de la jeunesse des protagonistes), qui coule de source.
Les fantasmes vont et viennent entre banalité des scènes quotidiennes, bavardages courtois, confessions de pudeur, bals endiablés, souvenirs furtifs.
Pleines d’idées et de mouvements, d’instants saisis au vol, la belle mise en scène de Claire Servais - rigoureuse, cohérente, qui refuse l’anecdote ou le recours au folklore tapageur - aurait peut-être gagné à éclairer, sans fausse pudibonderie la vraie nature de l’amitié entre Onéguine et Lensky.
Voilà toutefois un Eugène Onéguine tout en élégance. S’attachant à la psychologie des personnages et à leurs sentiments, Claire Servais met en scène, de belle manière, le passage, ici cruel car sans appel, de l’adolescence à l’âge adulte.
Pour cet opéra, où la réalité dépasse la fiction, il faut un trio de choc. Jeune et beau. Pari tenu. Volons à l’essentiel. Ekaterina Chtcherbatchenka campe une Tatiana écorchée vive, belle à faire damner toutes les icônes de l’Eglise Russe de Nice, hyperlyrique en diable, rêveuse, sobre, toujours aristocrate.
Alexei Markov, à la voix idéalement musclée, au timbre prenant et chaud, incarne parfaitement cet Onéguine cynique et désabusé, familier aux russisants. Impossible également d’adresser un reproche sérieux au Lenski de Teodor Ilincai. Son adieu à la vie distillé avec mélancolie, vaillance et générosité restera un grand moment dans nos mémoires. Un ténor à suivre…
La fougue et la fraîcheur juvénile d’Olga conviennent fort bien à Ekaterina Sergueïeva, et si Monsieur Triquet en copié-collé du regretté Pavarotti cabotine à la perfection, on relèvera pour finir l’excellence des seconds rôles et la belle prestation de Paata Burchuladze, impressionnant Grémine qui en un air rafle (presque) tout.
Dirigeant dans son arbre généalogique, Dmitri Jurowski, tient compte, sans écraser son plateau, du caractère symphonique de l’ouvrage.
Ardente, vivante, colorée, sa rutilante direction cerne admirablement l’atmosphère du drame et transcende l’irrépressible mélancolie des héros.
Chœur maison soutenu par celui de Mariinsky et Orchestre Philarmonique sensationnels, en état de grâce, pour, en conclusion, une très belle matinée, un très bel opéra, un opéra autobiographique qui ressemble à la vie.
Si après Bayreuth la saison dernière, Monte-Carlo se prend maintenant pour le Bolchoï où allons-nous ?
Christian Colombeau