Exposition « La Porte des rêves », propriété Caillebotte, Yerres (Essonne) du 7 avril au 29 juillet 2018

Du 7 avril au 29 juillet 2018, la Ferme Ornée et l’Orangerie du parc de la propriété Caillebotte ouvrent « La Porte des rêves » et accueillent une réunion exceptionnelle d’environ 160 œuvres symbolistes (peintures, sculptures, dessins, pastels, lithographies, cires, émaux), essentiellement issues d’une collection privée française.



Cet ensemble réuni avec patience et ténacité, dans un souci constant de qualité, s’attache à rassembler des œuvres qui ont marqué la fin de siècle et dont la plupart furent exposées à l’époque de leur création même et à jouer un rôle de pionnier dans la reconnaissance et l’étude du symbolisme.
Cette collection a voyagé dans onze pays et dix-sept musées. Elle n’a pas été montrée en France depuis 2000. En constante évolution, le nombre d’œuvres a considérablement augmenté depuis sa création à Bruxelles en 1999. Si certaines de ces œuvres ont figuré dans des expositions récentes, d’autres seront en revanche exposées pour la première fois.
A l’exemple de Gustave Caillebotte, peintre qui avait le goût des œuvres et avait réuni un ensemble d’une grande cohérence, la vocation de la Propriété Caillebotte est aujourd’hui d’accueillir d’autres collections et d’autres collectionneurs. « La Porte des rêves » prend ainsi tout son sens en ces lieux. Après l’impressionnisme, la Propriété Caillebotte s’ouvre à d’autres formes d’expressions pour faire découvrir au plus grand nombre l’art de la seconde moitié du XIXe siècle dans toute sa diversité.

L’exposition s’inscrit dans une tendance et un intérêt croissants pour cette période. Elle invite à découvrir les œuvres d’une cinquantaine d’artistes, peintres français ou artistes nés à l’étranger, appartenant à deux générations du symbolisme français et européen. Les artistes symbolistes n’ont jamais formé de mouvement, sont profondément individualistes et de sensibilités très variée. Ils possèdent cependant un même état d’esprit et une manière commune de penser. Cette diversité des expressions, tant thématique que plastique, se retrouve tout au long de l’exposition dont le parcours permet de découvrir les thèmes qui les rassemblent dans leur quête de sens et d’idéal.

Le Printemps de Romaine Brooks introduit l’exposition. Le tableau guide et accompagne le visiteur ; il invite à l’évasion et à laisser, pour un instant, le monde moderne derrière soi et à découvrir les œuvres de ces artistes qui donnent la priorité à l’imaginaire et au rêve.

Le monde des légendes - Salle 1

Edgar Maxence (1871-1954), Les Fleurs du lac
La première salle évoque le goût des artistes symbolistes pour les sujets traditionnels de l’art médiéval et renaissant, le retour au passé et les époques légendaires qui sont pour eux une source constante d’inspiration et de renouvellement. Dans ces univers idéalisés et plus ou moins allégoriques se mêlent figures féeriques, paysages idylliques et forêts mystérieuses, évocation des saisons ou de la musique.
Ainsi l’influence des maîtres florentins s’impose chez Armand Point avec un goût prononcé pour les physionomies botticelliennes que l’on retrouve dans des portraits où l’identité s’efface au profit d’un idéal plus désincarné.
Les sources du passé médiéval servent aussi la procession énigmatique d’Edgar Maxence. Les vêtements comme le détail des ornements participent au mystère de cette œuvre peinte à tempera et sur fond d’or, techniques anciennes redécouvertes qu’Armand Point appliquera aux arts décoratifs avec une recherche constante de perfection technique mise au service d’un idéal de beauté dont témoigne magistralement un bel émail La princesse à la licorne, exposé avec son dessin.

Les mythes et les apparitions - Salle 2

Pierre-Amédée Marcel-Beronneau, La Méduse, ca. 1906
Des arts du passé, les artistes symbolistes retiennent aussi les grands mythes revisités par Gustave Moreau, vénéré par toute cette génération d’artistes, et ses disciples. L’artiste est présent avec un grand dessin exposé pour la première fois, une étude pour Les Prétendants, immense toile sans cesse reprise et abandonnée par le peintre à la fin de sa vie.
A sa suite et dans son aura, George Desvallieres, Ary Renan et Marcel-Beronneau réinterprètent les mythes de Narcisse, Pandore et de la Méduse. Ces divinités fournissent aux artistes des images théâtralisées et monumentales qui témoignent parfaitement de l’influence de Moreau. Narcissse de George Desvallières est à cet égard exemplaire ; si la matière, la couleur et l’ambiance sont celles du Maître, Desvallières y ajoute une dramaturgie qui lui est propre et qu’on retrouve chez Marcel- Beronneau dont La Méduse aux yeux verts émerge et se découpe sur un paysage incandescent qui sert de décor à cette apparition mystérieuse, inquiétante et menaçante.
Tout aussi mystérieuses, les apparitions monumentales de Charles Sellier et Lucien Lévy-Dhurmer, avec le portrait de la princesse Soutzo, exposé pour la première fois depuis l’exposition Proust de 1971, complètent cette deuxième salle de manière tout aussi spectaculaire.

Les Égéries symbolistes - Salle 3

La salle suivante réunit des œuvres où prédomine le sujet féminin idéalisé et sans cesse revisité. Ces images oniriques qui sont aussi celles du destin seront reprises et exploitées par les surréalistes notamment et peuplent encore notre imaginaire. Alexandre Séon réalise deux œuvres phares du symbolisme, à valeur de manifeste. Alors que la chimère à la fois femme et sphinx pousse un cri de lamentation et de désespoir sur un monde qui ne rêve plus, La Pensée au regard fixe et lointain, dresse son profil d’une simplicité hiératique hérité de Puvis de Chavanne et s’impose comme un véritable monument spirituel. Un même souci d’un dessin fort et précis qui toujours fixe nettement l’idée se retrouve dans les œuvres graphiques du peintre.
Lucien Lévy-Dhurmer préfère le pastel, sa technique de prédilection qu’il pratique de manière magistrale. Cette technique frémissante et suggestive est propice à l’indétermination notamment dans les grands nus vaporeux de l’artiste où l’érotisme se voile du mystère poudreux et lumineux de la matière. Frontale, incandescente et inaccessible, son Hélène, pastel inédit de l’artiste, laisse derrière elle la ville en flamme dont elle même semble l’émanation. Ses yeux bleus fixent le spectateur et le provoquent intensément. À ce coté obscur de la femme font écho les œuvres de Fernand Khnopff sombres et mystérieuses dont les portraits évoquent les profondeurs de l’inconscient.

Le paysage idéal - Salle 4

Alphonse Osbert (1857-1939), Le Mystère de la nuit, 1897
À la recherche d’une Arcadie moderne, les symbolistes montrent un paysage qui tente de réconcilier l’Homme avec la Nature. Les paysages symbolistes sont des paysages de rêve car les artistes idéalistes ne souhaitent pas montrer ce qui est visible mais ce qui est invisible. La nature n’est pas pour eux pittoresque mais suggestive. Ils peignent donc, non pas ce que le paysage montre mais ce qu’il cache. En retissant des liens perdus avec la nature, l’homme de la fin du XIXe siècle tente de redonner sens à sa vie, de retrouver une sacralité, de légitimer par l’idéalisation de la nature une position devenue fragile et douloureuse.
Alphonse Osbert créé ainsi de véritables théâtres spirituels où ses muses se découpent sur des aplats de couleur dans un repos méditatif et rêveur.
Mais cette vision s’étend aussi au paysage urbain : les villes, et parfois même les lieux les plus insignifiants, prennent sous leur regard perçant une apparence extraordinaire. Ainsi, certains artistes voient dans le quotidien une réalité autre que celle que saisissent les yeux au premier abord et les toiles de Charles Lacoste ou de Charles Guilloux, par exemple, investissent la Seine, la banlieue ou les docks de Londres pour en extraire une magie insoupçonnée.

La Vie silencieuse - Salle 5

Les lieux déserts et les villes mortes ne pouvaient qu’attirer les symbolistes. Bruges, ville du passé où le temps semble suspendu dans un passé idéal incarne cette nostalgie. L’eau et ses reflets, le crépuscule et la solitude enveloppent ainsi la ville et les êtres dans les œuvres d’Henri Le Sidaner. Les esprits de la nuit errent comme des fantômes mélancoliques qui sont autant de pensées fugitives dans des paysages du mystère, de l’appréhension et des eaux dormantes.
La nuit, tantôt inquiétante mais aussi parfois apaisante et lénifiante, est propice à une rêverie régénérante chez Emile- René Ménard dont les grandes baigneuses, en symbiose avec les éléments, s’épanouissent dans des paysages panthéistes. Enfin Le Voile de Lucien Levy-Dhurmer, incarnation d’un personnage théâtral, inspire à l’artiste une vision poétique dont la puissance de suggestion est celle d’une icône.

Charles-Marie Dulac - Le paysage mystique - Salle 6

Charles-Marie Dulac (1865-1898), La Pinetta à Ravenne, 1897
Achevant cette partie de l’exposition consacrée au paysage, la salle suivante est dédiée à un unique artiste Charles-Marie Dulac avec un ensemble d’œuvres récemment exposé au musée d’Orsay et ici complété de deux tableaux et de deux admirables cycles gravés qui permettent de mieux comprendre la démarche de l’artiste. Esprit original, condamné par une terrible maladie, Dulac trouva refuge dans un catholicisme franciscain : chez cet artiste, on ne trouvera pourtant pas une seule scène religieuse mais uniquement une vision spirituelle de la nature. Les paysages d’Assise, de Ravenne et de Florence montrent une synthèse de la pensée et de la recherche plastique de l’artiste qui a véritablement atteint son but : peindre un paysage qui, sans trahir la nature, célèbre la divinité de l’univers et la puissance de l’intériorité mystique.

Le symbolisme noir et fantastique - Salle 7

Avec cette salle, le visiteur découvre le versant sombre et noir du symbolisme peuplé de figures étranges et de masques grimaçants qui révèlent le côté obscur de la rêverie et le goût des artistes symbolistes pour le spiritisme et les sciences occultes. Cette plongée dans le monde des pulsions de l’âme s’incarne dans des monstres et des êtres fantastiques qui sont autant de prototypes de bien des images de notre époque. C’est la nuit intérieure de l’homme chargée de significations spirituelles, de symbole de mort, de silence et de solitude, mais aussi lieu de la transcendance et moyen possible d’union avec le Divin

La descente aux enfers - Salle 8

Henry de Groux (1866-1930), Dante et Virgile aux enfers «Lucifer», ca. 1895
En lien avec la salle précédente, se déploie dans cette dernière salle le cycle inspiré de L’Enfer de Dante d’Henry de Groux qui occupera l’artiste plusieurs années avec un projet d’illustration qui sera finalement abandonné. Dans ces pastels visionnaires où l’écriture plastique traduit les pulsions et les angoisses de l’artiste, l’aspect synthétique de ces compositions esquissées à grands traits, la liberté de la composition et de la couleur, le traitement du pastel par gestes larges et par masses chromatiques contribuent à la dramatisation de ces scènes apocalyptiques. A ces œuvres, répondent deux sculptures de Boleslas Biegas, dont un important bronze Chopin, œuvre monumentale où l’on retrouve l’exaltation des pastels d’Henry de Groux.

Vers l’idéal - L’Orangerie

Victor Rousseau, 1865-1954, Cantique d’Amour, 1896
L’exposition s’achève dans l’Orangerie du parc de la Propriété Caillebotte. Des œuvres monumentales s’y déploient autour du thème majeur du symbolisme, la poursuite de l’idéal. Le destin de l’artiste s’incarne chez Carlos Schwabe dans l’envol du poète entraîné par sa muse, figures émergeant du magma vers un monde supérieur, celui d’un idéal symbolisé par un anneau inatteignable.
Cette fusion spirituelle et mystique est autant celle du couple qu’on retrouve dans Cantique d’Amour, un grand plâtre de Victor Rousseau exposé pour la première fois depuis sa création en 1896.
Tandis que c’est en elle-même que La Sagesse de Boleslas Biegas, seul marbre connu de l’artiste poursuit cette quête. Elle se dresse telle une apparition ; ses yeux vides et voilés regardent vers l’intérieur, avec les yeux de l’âme.

Pratique

Centre d’art et d’exposition Ferme Ornée et Orangerie
10 rue de Concy
91330 Yerres
du mardi au dimanche de 14h à 18h30
Maison Caillebotte
24 mars - 5 novembre : mardi au dimanche et jours fériés de 14h à 18h30
6 novembre - 24 mars : samedi, dimanche et jours fériés de 14h à 18h30
Parc Caillebotte
Ouvert tous les jours, horaires en fonction des saisons octobre - mars de 9h à 18h30
avril - mai de 9h à 20h30 juin - juillet de 9h à 21h
août - septembre de 9h à 20h

Pierre Aimar
Mis en ligne le Dimanche 29 Avril 2018 à 19:30 | Lu 1185 fois
Pierre Aimar
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