M ANGE R ©ADAGP - Christine Ferrer
Elle est l’Atelière – jolie définition qu’elle a adoptée – dans la maison où sa vie personnelle et sa vie d’artiste réunies font corps en emplissant tout l’espace. Elle brode des mots, des verbes surtout : attendre, s’épauler, traverser… Des mots matière qui passent par ses mains. Elle coud ensemble des bouts d’histoires, vieilles photos de famille, documents originaux d’état-civil issus de sa vie intime et d’autres bribes de vie, étrangères, inconnues. C’est là qu’elle cherche, dans les profondeurs d’une intimité universelle. Du côté d’une humanité en lien.
Tout a commencé dans l’échange de courriers, d’objets-messages, gages d’affection, sur le mode du dialogue fertile. Distance et rapprochement : un art du balancement. Elle introduit des signes, comme le signe de croix. Un + à double sens qui nous place sur le tranchant des mots, à la lisière où les choses basculent, entre trop plein et disparition. Sur ce fil-là, elle poursuit sa trajectoire. Elle dessine sur des cartes géographiques des « corps tremblants », silhouettes aléatoires reliant entre eux des lieux réduits à des points. Elle épingle des corps souffrants, comme celui du Christ, brode dans l’espace, à l’aide de branchages, de fils barbelés ou lumineux, des « corps absents », série de robes aériennes, dont certaines placées sous cloche comme des reliques. Des compositions sur le thème du vide et de l’absence, avec comme ingrédient principal la lumière, matériau impalpable. L’artiste interroge ainsi le corps et la distance, l’absence et la présence, entre incarnation et représentation. Elle questionne aussi l’impossible distance entre le corps et la souffrance, où s’inscrivent en filigrane les traces d’une enfance douloureuse.
Sur le fil de ce questionnement, Christine Ferrer, artiste funambule, invite le visiteur à la suivre. C’est tout le sens de l’exposition qui s’ouvre au Centre d’art Campredon, installé dans un hôtel particulier du XVIIIème siècle, au cœur du vieux l’Isle-sur-la-Sorgue, petite Venise comtadine très active, capitale des antiquaires, des chineurs et amateurs d’art éclairés. Mise en lumière d’une plasticienne, cette exposition plonge dans la pénombre l’intérieur de l’hôtel particulier. Faire disparaître le décor pour mieux laisser émerger les œuvres, tout à leur rayonnement intérieur, tel est le parti pris par Stéphanie Hugues, scénographe et commissaire de l’exposition. Un fil de lumière fait signe au visiteur, depuis la façade, dessinant en très grand l’un des « corps tremblants » qui peuplent l’œuvre de l’artiste. Une création réalisée en partenariat avec Linum et Blachère Illumination. Au sol, dans la cour intérieure de l’hôtel Campredon, cinquante paires d’embauchoirs à chaussures, pieds sans corps, dansent. Ce bal immobile - un tango qui relie l’artiste à l’Amérique latine, sa deuxième patrie– renvoie à d’autres œuvres exposées à l’intérieur, dont la Ronde de Matisse réinterprétée en fil de lumière, pièce maîtresse des « corps tremblants », et la série des « corps hérités », à base de chaussons de danse épinglés comme des papillons.
Les verbes, qu’affectionne l’artiste fileuse de mots, accompagnent le visiteur. On commence par « attendre ». Presque une injonction brodée sur un grillage. La série des « corps patients » compose une partition intime où l’histoire personnelle, douleur et douceur mêlées, se recompose au cadran de l’horloge féminine, s’accroche au miroir, et se prend aux fils d’un canapé tissé en toile d’araignée. Une galerie de petites robes sous cloche –reliques issues de quels corps disparu ?– fait cortège au « grand corps absent », composé de branchages morts, légers comme une sylphide enfuie. Le « corps exposé » de la robe LM rejoint ce cortège, à la fois poétique et déchirant. La cérémonie intime se poursuit avec l’installation « Cenar », la Cène revisitée, et la série des « corps sacrés ». Elle s’ouvre en fin de parcours sur des correspondances, avec Marie-Josée Mondzain, philosophe, Anna Massoni, fille de l’artiste, avec de jeunes malentendants, des détenus. Et la série « De l’animal », bestiaire sculpté par Nine Geslin à partir de matières brodées, tatouées ou « graffitées » par Christine Ferrer.
Carina Istre
Tout a commencé dans l’échange de courriers, d’objets-messages, gages d’affection, sur le mode du dialogue fertile. Distance et rapprochement : un art du balancement. Elle introduit des signes, comme le signe de croix. Un + à double sens qui nous place sur le tranchant des mots, à la lisière où les choses basculent, entre trop plein et disparition. Sur ce fil-là, elle poursuit sa trajectoire. Elle dessine sur des cartes géographiques des « corps tremblants », silhouettes aléatoires reliant entre eux des lieux réduits à des points. Elle épingle des corps souffrants, comme celui du Christ, brode dans l’espace, à l’aide de branchages, de fils barbelés ou lumineux, des « corps absents », série de robes aériennes, dont certaines placées sous cloche comme des reliques. Des compositions sur le thème du vide et de l’absence, avec comme ingrédient principal la lumière, matériau impalpable. L’artiste interroge ainsi le corps et la distance, l’absence et la présence, entre incarnation et représentation. Elle questionne aussi l’impossible distance entre le corps et la souffrance, où s’inscrivent en filigrane les traces d’une enfance douloureuse.
Sur le fil de ce questionnement, Christine Ferrer, artiste funambule, invite le visiteur à la suivre. C’est tout le sens de l’exposition qui s’ouvre au Centre d’art Campredon, installé dans un hôtel particulier du XVIIIème siècle, au cœur du vieux l’Isle-sur-la-Sorgue, petite Venise comtadine très active, capitale des antiquaires, des chineurs et amateurs d’art éclairés. Mise en lumière d’une plasticienne, cette exposition plonge dans la pénombre l’intérieur de l’hôtel particulier. Faire disparaître le décor pour mieux laisser émerger les œuvres, tout à leur rayonnement intérieur, tel est le parti pris par Stéphanie Hugues, scénographe et commissaire de l’exposition. Un fil de lumière fait signe au visiteur, depuis la façade, dessinant en très grand l’un des « corps tremblants » qui peuplent l’œuvre de l’artiste. Une création réalisée en partenariat avec Linum et Blachère Illumination. Au sol, dans la cour intérieure de l’hôtel Campredon, cinquante paires d’embauchoirs à chaussures, pieds sans corps, dansent. Ce bal immobile - un tango qui relie l’artiste à l’Amérique latine, sa deuxième patrie– renvoie à d’autres œuvres exposées à l’intérieur, dont la Ronde de Matisse réinterprétée en fil de lumière, pièce maîtresse des « corps tremblants », et la série des « corps hérités », à base de chaussons de danse épinglés comme des papillons.
Les verbes, qu’affectionne l’artiste fileuse de mots, accompagnent le visiteur. On commence par « attendre ». Presque une injonction brodée sur un grillage. La série des « corps patients » compose une partition intime où l’histoire personnelle, douleur et douceur mêlées, se recompose au cadran de l’horloge féminine, s’accroche au miroir, et se prend aux fils d’un canapé tissé en toile d’araignée. Une galerie de petites robes sous cloche –reliques issues de quels corps disparu ?– fait cortège au « grand corps absent », composé de branchages morts, légers comme une sylphide enfuie. Le « corps exposé » de la robe LM rejoint ce cortège, à la fois poétique et déchirant. La cérémonie intime se poursuit avec l’installation « Cenar », la Cène revisitée, et la série des « corps sacrés ». Elle s’ouvre en fin de parcours sur des correspondances, avec Marie-Josée Mondzain, philosophe, Anna Massoni, fille de l’artiste, avec de jeunes malentendants, des détenus. Et la série « De l’animal », bestiaire sculpté par Nine Geslin à partir de matières brodées, tatouées ou « graffitées » par Christine Ferrer.
Carina Istre
Pratique
CAMPREDON Centre d'art
20, rue du Docteur Tallet
84800 L’Isle-sur-la-Sorgue – France
Du mardi au samedi, de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30.
20, rue du Docteur Tallet
84800 L’Isle-sur-la-Sorgue – France
Du mardi au samedi, de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30.