Exposition de Gérald Incandela du 4 novembre au 26 décembre 2015 à la Galerie Atelier 28, Lyon

Les photographies de Gérald Incandela, pour peu que nous les nommions « photographies », sont l’expression d’un art de la frontière, entre négatif et positif, entre fragilité et force du geste, entre l’appareil et la main de l’artiste. En résonnance avec la Biennale d'Art Contemporain de Lyon 2015


Au commencement, rien ne prédestinait pourtant Gérald Incandela à se tourner vers la photographie. Originaire de Tunisie, il consacre ses études à la philosophie et à l’histoire de l’art. La suite est un enchainement singulier : alors qu’il se rend à Londres au début des années 1970, Gerald Incandela intègre rapidement les cercles artistiques underground les plus en vogue outre-Manche, au sein desquels il développe petit à petit sa pratique artistique. Ces mêmes années marquent notamment sa rencontre déterminante avec le grand collectionneur américain Samuel Wagstaff, passioné de photographie depuis qu’il y a été initié par Robert Mapplethorpe dont il partage la vie et soutient activement le travail. Wagstaff ne manque pas non plus, chaque année, de se rendre dans la capitale britannique pour assister aux ventes de photographies chez Christie’s et Sotheby’s. C’est lors d’un de ces voyages qu’il découvre le travail de Gerald Incandela, par l’intermédiaire de l’ancien compagnon de ce dernier, le réalisateur Derek Jarman. Tout de suite le collectionneur sera conquis, aussi bien par les tirages encore balbutiants du jeune photographe, que par sa personnalité. Une relation privilégiée s’instaure entre les deux hommes et Wagstaff presse Incandela de venir s’installer aux Etas-Unis afin de lancer sa carrière, ce qu’il fera quelques années plus tard. C’est aussi Wagstaff qui le présentera aux grands galeristes de l’époque, comme le londonien Robert Fraser, un proche des Beatles et des Rolling Stones, qui a soutenu des artistes tels que Jean Dubuffet, Yoko Ono, Jean-Michel Basquiat, etc.
Aux côtés de ces personnalités symptomatiques d’un milieu à fleur de peau où les excès son nombreux, Gérald Incandela affirme son goût pour la provocation - “I like to provoke, to make people think ”. Mais, paradoxalement, il cherche aussi à prendre le contre pieds de son époque. Entre art de la provocation et douceur, il trace une frontière poreuse qui rend son travail inclassable. Alors que Mapplethorpe exhibe par exemple les corps nus de ses modèles masculins, met en avant leur plasticité nette, Incandela choisit un traitement plus pudique, travaille à un rendu délicat dans lequel la matérialité des corps est une affaire de nuances. Les contrastes noirs et blancs très graphiques sur lesquels jouent Mapplethorpe laissent place chez Incandela à des impressions comme surannées, des noirs et blancs dilués, passés, et parfois même à des reflets pastels. Il aime superposer les images, créer de fausses continuités et flouter les vrais contours. De ses effets esthétiques se dégage une étonnante sérénité, un flottement poétique. L’art de la frontière dans toute sa complexité.
Cela, Gérald Incandela le doit en partie à sa technique unique : par l’utilisation exclusive de produits chimique – révélateur et fixatif – appliqués au pinceau, il anime ses compositions. Il introduit pendant le procédé, la lumière du jour pour oxyder le papier et obtenir ainsi une palette organique maitrisé. Incandela dépeint et revient sur ses sujets pour en transporter sa compréhension intuitive et son exploration visuelle. L’abstraction pénètre le réel. Se plaçant à cheval entre la photographie et le dessin, il détourne ainsi les médiums et les moyens d’expression traditionnels pour imposer une hybridité personnelle.
L’intervention de l’artiste joue en définitive sur la frontière temporelle : passé et présent s’entremêlent dans la chambre noire de Gérald Incandela. Il nous laisse croire, en tant que spectateur, à la possibilité de modifier un événement passé, figé dans l’image photographique. Le « ça a été » barthien est bousculé. On ne sait plus vraiment ce qui a été, ce qui est devenu. A l’arrivée, des « compositions », plus que des « photographies », qui offrent de nous faire perdre nos repères, de nous laisser aller à la contemplation. Ses corps, ses paysages, ses natures mortes, n’ont pas d’âge. En recadrant ses sujets, Gérald Incandela décontextualise, propose une autre temporalité, celle de l’œuvre en elle-même.

Aujourd’hui, les œuvres de Gérald Incandela sont présentes dans de nombreuses collections publiques aux USA dont les plus connues sont le Metropolitan Museum of art de NY, le MOMA, NY, le Getty Museum of Art de Los Angeles. N’ayant pas exposé à Lyon depuis des années, sa venue à la Galerie Atelier 28 est une occasion inédite pour le public lyonnais et français de découvrir son travail.

Pratique

Galerie Atelier 28
28 rue Burdeau
69001 LYON

+33 4.78.28.07.72
Ouvert du mercredi au samedi
de 14h30 à 19h30

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 29 Septembre 2015 à 14:11 | Lu 185 fois
Pierre Aimar
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