Agnès Graziano entre en scène, robe de tulle blanc corsetée de satin crème, juvénile, fraîche à la façon d’Alice, qui va jouer des merveilles du clavier.
D’abord, chut les cigales !
Les deux sonates de Scarlatti, sortes de mise en doigté, s’opposent, l’une vive et rapide, l’autre plus posée et grave. Elle les livre au public avec grâce et fragilité,dans une légèreté à l’image de sa blondeur opulente et bouclée, avec tendresse. Puis vient Chopin, le Nocturne opus 48 qu’elle abord avec douceur avant de laisser la musique gronder. La première ballade opus 23 se fait tour à tour émouvante et violente ; et l’on admire qu’Agnès Graziano traduise Chopin avec une si exceptionnelle délicatesse du haut de ses 24 ans. Visiblement elle s’amuse à jouer du piano, sans doute chantonne-t-elle, elle sourit et accompagne de la tête en petits mouvements les phrases les plus dansantes.
Avec la Fantaisie Impromptu opus 56, vient la violence presque la haine. La façade du château se barre de bandes verticales dorées encadrées de tons changeants alors que pour la 2e Ballade elle se bosselle en reliefs sur lesquels ondoient les reflets d’eau venus d’un bassin tout proche. Et l’on frémit de plaisir à l’idée de sentir la musique aussi proche s’intégrer par nos différents sens.
En seconde partie, un Rêve d’amour bien peu sentimental, mais tout en grâce, avant la sombre évocation de la Vallée d’Obermann, composé par Liszt à l’occasion d’une visite faite en Suisse par le compositeur et Marie d’Agout ; la musique se fait terne, parfois au bord du désespoir et l’on s’étonne qu’une vallée même suisse, puisse inspirer telle musique.. L’œuvre paraît alors étonnamment moderne : on espère en vain que va naître un vrai thème qui va chanter ou dire quelque chose de fort. Qu’était-elle cette vallée d’Obermann, hormis un thème romantique, pour que Liszt s’y intéressât autant ? Une œuvre romantique qui a obsédé le compositeur, qui en a réalisé trois versions, évoquant tour à tour dépression et joie extatique, à la façon de perceptions sous l’effet de drogue.
Les Jeux d’eaux de la Villa d’Este tombent ensuite en mille gouttes, bondissent et rejaillissent en cascades ; impossible de ne pas être trempé car on retrouve chez Liszt beaucoup de notes pour dire peu de choses qui se répètent souvent. Méphisto-valse apporte un point final à ce concert, par l’évocation excitante et démoniaque du mythe de Faust. Musique moderne une fois encore, qui semble celle d’un film noir
Agnès Graziano a montré au travers de ces trois compositeurs sa force d’expression, sa délicatesse et sa maîtrise de l’art du piano, art difficile qui demande parfois une grande vigueur, au travers de la jeunesse de Scarlatti comme dans la violence souvent sombre de Liszt.
Question à Thérèse Français : comment choisissez-vous chaque année vos interprètes, car enfin ce festival atteint sa 11e année, et le choix ne doit pas être simple ? Le festival de La Roque d’Anthéron se tient d’abord écouter mes interprètes plusieurs fois, je les rencontre, j’écoute leurs disques . En ce qui concerne Agnès Graziano, je la connaissais depuis longtemps, elle était jeune et j’attendais… Et puis elle a demandé à venir jouer à Liszt en Provence. Cela a été facile.
Jacqueline Aimar
Retrouvez cet article dans Sortir ici et ailleurs n°26 en le téléchargeant gratuitement
D’abord, chut les cigales !
Les deux sonates de Scarlatti, sortes de mise en doigté, s’opposent, l’une vive et rapide, l’autre plus posée et grave. Elle les livre au public avec grâce et fragilité,dans une légèreté à l’image de sa blondeur opulente et bouclée, avec tendresse. Puis vient Chopin, le Nocturne opus 48 qu’elle abord avec douceur avant de laisser la musique gronder. La première ballade opus 23 se fait tour à tour émouvante et violente ; et l’on admire qu’Agnès Graziano traduise Chopin avec une si exceptionnelle délicatesse du haut de ses 24 ans. Visiblement elle s’amuse à jouer du piano, sans doute chantonne-t-elle, elle sourit et accompagne de la tête en petits mouvements les phrases les plus dansantes.
Avec la Fantaisie Impromptu opus 56, vient la violence presque la haine. La façade du château se barre de bandes verticales dorées encadrées de tons changeants alors que pour la 2e Ballade elle se bosselle en reliefs sur lesquels ondoient les reflets d’eau venus d’un bassin tout proche. Et l’on frémit de plaisir à l’idée de sentir la musique aussi proche s’intégrer par nos différents sens.
En seconde partie, un Rêve d’amour bien peu sentimental, mais tout en grâce, avant la sombre évocation de la Vallée d’Obermann, composé par Liszt à l’occasion d’une visite faite en Suisse par le compositeur et Marie d’Agout ; la musique se fait terne, parfois au bord du désespoir et l’on s’étonne qu’une vallée même suisse, puisse inspirer telle musique.. L’œuvre paraît alors étonnamment moderne : on espère en vain que va naître un vrai thème qui va chanter ou dire quelque chose de fort. Qu’était-elle cette vallée d’Obermann, hormis un thème romantique, pour que Liszt s’y intéressât autant ? Une œuvre romantique qui a obsédé le compositeur, qui en a réalisé trois versions, évoquant tour à tour dépression et joie extatique, à la façon de perceptions sous l’effet de drogue.
Les Jeux d’eaux de la Villa d’Este tombent ensuite en mille gouttes, bondissent et rejaillissent en cascades ; impossible de ne pas être trempé car on retrouve chez Liszt beaucoup de notes pour dire peu de choses qui se répètent souvent. Méphisto-valse apporte un point final à ce concert, par l’évocation excitante et démoniaque du mythe de Faust. Musique moderne une fois encore, qui semble celle d’un film noir
Agnès Graziano a montré au travers de ces trois compositeurs sa force d’expression, sa délicatesse et sa maîtrise de l’art du piano, art difficile qui demande parfois une grande vigueur, au travers de la jeunesse de Scarlatti comme dans la violence souvent sombre de Liszt.
Question à Thérèse Français : comment choisissez-vous chaque année vos interprètes, car enfin ce festival atteint sa 11e année, et le choix ne doit pas être simple ? Le festival de La Roque d’Anthéron se tient d’abord écouter mes interprètes plusieurs fois, je les rencontre, j’écoute leurs disques . En ce qui concerne Agnès Graziano, je la connaissais depuis longtemps, elle était jeune et j’attendais… Et puis elle a demandé à venir jouer à Liszt en Provence. Cela a été facile.
Jacqueline Aimar
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