Madamicella, c’est mademoiselle, le mot corse est joli et souriant, et ces mademoiselles qui chantent ce soir à Saint Jean de Muzols, portent la chaleur âpre de leur pays, ses parfums de terre chaude et d’espaces libres donnant sur la mer bleue.
Ce que d’autres chœurs d’hommes avant elles ont déjà chanté, I Muvrini ou A Fileta, et qu’elles apportent, elles quatre, en tant que femmes, dans un pays où les femmes ont peiné à prendre leur place.
A côté d’elles, un autre groupe de quatre aussi, Aria è Terra, des hommes. Tous sont en noir, la couleur qu’on porte dans ce pays pourtant si lumineux.
Elles sont quatre voix puissantes qui, en demi cercle s’imbriquent l’une dans l’autre, donnant des harmonies profondes et souvent graves ; eux s’avancent du fond de l’église, voix plus graves encore ; c’est lent et recueilli, pour ces chants populaires qui étonnent souvent par leur profonde tristesse. Et l’on s’interroge pour savoir comment un tel pays de lumière peut être aussi celui d’une telle tristesse grave …
Avec Ponte Novu, elles sont là devant nous, droites et concentrées sur les notes qu’elles portent en elles, qu’il ne faut ni changer ni fausser et on imagine alors comme il est difficile, quand on est si proche l’une de l’autre de produire la bonne note, de donner sa partition à soi, sans subir les sons voisins. Voilà ce que sont les polyphonies corses, ce miracle de voix posées et juxtaposées au service d’un chant particulier à chacun et chacune, et qui lui est propre. Même si l’on retrouve parfois dans certains chants Sardes ou Siciliens, cette âpreté venue des bois, de la terre rocailleuse et de la lumière ardente et sans doute aussi d’une vie difficile.
Après quelques airs populaires, un remarquable Tecco, chant traditionnel corse, viennent des chants religieux qui constituent presque l’ensemble d’une messe. A remarquer, un Tantum ergo sacramentum, œuvre ancienne empruntée à la musique franciscaine, puis Kyrie, Agnus Dei…
Par une mise en scène très organisée, les positions des chanteurs, leur déplacement s’animent en mouvements donnant des sensations diverses au travers de modulations souvent ferventes, au caractère poignant. Certaines entrées en scène, en particulier chez les femmes, font penser aux mélopées des chants berbères anciens et replacent cette musique particulière au chœur des musiques du bassin méditerranéen.
Avec le groupe Aria è Terra, plus classique, quatre hommes aux voix profondes - trois d’une même famille -, étroitement complices et dont les mains s’animent de gestes qui lient et qui cherchent à expliquer ce qu’hélas nous ne comprenons pas. Après s’être opposés les hommes et les femmes se retrouvent et s‘unissent au cours des chants pour donner de puissants mouvements musicaux pleins d’ampleur.
La troisième partie est consacrée à la musique corse contemporaine ; des chants arrangés par Jean-Claude Aquaviva du groupe A Filetta, qui explore le chant polyphonique, rejoint par Nadine Rossello, chef de chœur de Rifà i Passi et des Madamicella ; c’est ainsi que se boucle la boucle au sein de ces groupes de chanteurs - et chanteuses corses -, qui ont enfin cessé de se tenir dans l’ombre des foyers où les maintenait une tradition d’un autre temps.
Une époque à oublier vite pour que s’épanouisse librement la richesse de cette musique.
Jacqueline Aimar
Ce que d’autres chœurs d’hommes avant elles ont déjà chanté, I Muvrini ou A Fileta, et qu’elles apportent, elles quatre, en tant que femmes, dans un pays où les femmes ont peiné à prendre leur place.
A côté d’elles, un autre groupe de quatre aussi, Aria è Terra, des hommes. Tous sont en noir, la couleur qu’on porte dans ce pays pourtant si lumineux.
Elles sont quatre voix puissantes qui, en demi cercle s’imbriquent l’une dans l’autre, donnant des harmonies profondes et souvent graves ; eux s’avancent du fond de l’église, voix plus graves encore ; c’est lent et recueilli, pour ces chants populaires qui étonnent souvent par leur profonde tristesse. Et l’on s’interroge pour savoir comment un tel pays de lumière peut être aussi celui d’une telle tristesse grave …
Avec Ponte Novu, elles sont là devant nous, droites et concentrées sur les notes qu’elles portent en elles, qu’il ne faut ni changer ni fausser et on imagine alors comme il est difficile, quand on est si proche l’une de l’autre de produire la bonne note, de donner sa partition à soi, sans subir les sons voisins. Voilà ce que sont les polyphonies corses, ce miracle de voix posées et juxtaposées au service d’un chant particulier à chacun et chacune, et qui lui est propre. Même si l’on retrouve parfois dans certains chants Sardes ou Siciliens, cette âpreté venue des bois, de la terre rocailleuse et de la lumière ardente et sans doute aussi d’une vie difficile.
Après quelques airs populaires, un remarquable Tecco, chant traditionnel corse, viennent des chants religieux qui constituent presque l’ensemble d’une messe. A remarquer, un Tantum ergo sacramentum, œuvre ancienne empruntée à la musique franciscaine, puis Kyrie, Agnus Dei…
Par une mise en scène très organisée, les positions des chanteurs, leur déplacement s’animent en mouvements donnant des sensations diverses au travers de modulations souvent ferventes, au caractère poignant. Certaines entrées en scène, en particulier chez les femmes, font penser aux mélopées des chants berbères anciens et replacent cette musique particulière au chœur des musiques du bassin méditerranéen.
Avec le groupe Aria è Terra, plus classique, quatre hommes aux voix profondes - trois d’une même famille -, étroitement complices et dont les mains s’animent de gestes qui lient et qui cherchent à expliquer ce qu’hélas nous ne comprenons pas. Après s’être opposés les hommes et les femmes se retrouvent et s‘unissent au cours des chants pour donner de puissants mouvements musicaux pleins d’ampleur.
La troisième partie est consacrée à la musique corse contemporaine ; des chants arrangés par Jean-Claude Aquaviva du groupe A Filetta, qui explore le chant polyphonique, rejoint par Nadine Rossello, chef de chœur de Rifà i Passi et des Madamicella ; c’est ainsi que se boucle la boucle au sein de ces groupes de chanteurs - et chanteuses corses -, qui ont enfin cessé de se tenir dans l’ombre des foyers où les maintenait une tradition d’un autre temps.
Une époque à oublier vite pour que s’épanouisse librement la richesse de cette musique.
Jacqueline Aimar
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