Under the Moon, 2000 Edition 12/20 40 x 40 cm © Roger Ballen / Courtesy Galerie Karsten Greve
A partir de « ses déclarations visuelles » aux accents mystérieux, issues des séries Shadow Chamber et Boarding House, on peut y percevoir une lueur. Pour contourner la citation de Jean Cocteau : « Le cinéma, c’est l’écriture moderne dont l’encre est la lumière », ses indicibles photographies à l’écriture atemporelle, se réinventent sous l’œil et la mise en scène, derrière le rideau, en quelque sorte. Elles fondent l’histoire mouvementée de notre monde, sous la lumière d’un feu, hypothétique.
Plongeon dans l’univers intrigant du photographe, l’un des plus influents de ce début du XXIe siècle, qui propose également, une installation/exposition inédite The House of the Ballenesque, dans le cadre des Rencontres de la photographie d’Arles, cet été.
En maître, il nous donne à voir un monde fracassé où des corps et des morceaux de poupée, des lapins, accrochés au mur submergent le regardeur dans un état d’interrogations, d’abord hébété, puis captivé, parfois séduit. Ses photographies sont considérées comme énigmatiques, mystérieuses ou fantaisistes, sans volonté de provoquer de sa part. Elles instaureraient plutôt une sorte de petit caillou qui ferait trébucher, pour mieux rebondir. Un moment d’arrêt impose un état de conscience qui surprend le visiteur. Il semblerait que Roger Ballen cherche à s’adresser ici au regard plus qu’à la simple vision, en l’obligeant à la contemplation de The chamber of enigma, par exemple. En méditation devant les tirages, on bascule dans une dimension métaphorique car le photographe entend explorer la psyché.
Jonché d’animaux de basse-cour, représentés, souvent empaillés, dans leur relation avec l’homme, l’espace de résidence transitoire traduit la confrontation du savoir, face à différents obstacles dont le refoulement et le démenti. Détailler les lieux d’une expérience qui n’est pas secondaire, permet la levée du chaos. Les fenêtres subjectives de l’auteur ne sont pas faites pour satisfaire nos egos. Entouré de ses dessins rupestres, l’ancien géologue impose de ne pas fermer les yeux : c’est le prix à payer d’être l’acteur désinhibé, désireux d’en apprendre davantage. Une fois que nous avons montré patte blanche, l’amateur curieux sera confronté à sa volonté de savoir (acquis qui portent, j’ose espérer, au-delà de la valeur didactique) pour échapper au sentiment de honte : face à nos contradictions, celui d’oublier de protéger chaque être vivant.
Du coup, l’effet en suspend se joue au sein même de la fascination et captation, de l’étrangeté de la photographie où la perte de réalisme – dessin/objet – se glisse dans une sorte de condensation de matériaux hétérogènes, comme des nounours, accessoires, boîtes, fleurs, tableaux noirs griffonnés…
Le photographe met à l’épreuve l’image existante pour instruire une autre per- ception du monde. La remise en question du regard, dans une société, envahie par les images, opère à travers des dispositifs qui suscitent la pulsion du témoin. La perception des photographies de Roger Ballen incite à transformer le passeur, laissant place, comparable à la caverne, à l’expression de sa pensée, qui peut être suivie de sa volonté d’agir, selon l’intensité de l’étincelle perçue.
Nathalie Gallon, 2017
Plongeon dans l’univers intrigant du photographe, l’un des plus influents de ce début du XXIe siècle, qui propose également, une installation/exposition inédite The House of the Ballenesque, dans le cadre des Rencontres de la photographie d’Arles, cet été.
En maître, il nous donne à voir un monde fracassé où des corps et des morceaux de poupée, des lapins, accrochés au mur submergent le regardeur dans un état d’interrogations, d’abord hébété, puis captivé, parfois séduit. Ses photographies sont considérées comme énigmatiques, mystérieuses ou fantaisistes, sans volonté de provoquer de sa part. Elles instaureraient plutôt une sorte de petit caillou qui ferait trébucher, pour mieux rebondir. Un moment d’arrêt impose un état de conscience qui surprend le visiteur. Il semblerait que Roger Ballen cherche à s’adresser ici au regard plus qu’à la simple vision, en l’obligeant à la contemplation de The chamber of enigma, par exemple. En méditation devant les tirages, on bascule dans une dimension métaphorique car le photographe entend explorer la psyché.
Jonché d’animaux de basse-cour, représentés, souvent empaillés, dans leur relation avec l’homme, l’espace de résidence transitoire traduit la confrontation du savoir, face à différents obstacles dont le refoulement et le démenti. Détailler les lieux d’une expérience qui n’est pas secondaire, permet la levée du chaos. Les fenêtres subjectives de l’auteur ne sont pas faites pour satisfaire nos egos. Entouré de ses dessins rupestres, l’ancien géologue impose de ne pas fermer les yeux : c’est le prix à payer d’être l’acteur désinhibé, désireux d’en apprendre davantage. Une fois que nous avons montré patte blanche, l’amateur curieux sera confronté à sa volonté de savoir (acquis qui portent, j’ose espérer, au-delà de la valeur didactique) pour échapper au sentiment de honte : face à nos contradictions, celui d’oublier de protéger chaque être vivant.
Du coup, l’effet en suspend se joue au sein même de la fascination et captation, de l’étrangeté de la photographie où la perte de réalisme – dessin/objet – se glisse dans une sorte de condensation de matériaux hétérogènes, comme des nounours, accessoires, boîtes, fleurs, tableaux noirs griffonnés…
Le photographe met à l’épreuve l’image existante pour instruire une autre per- ception du monde. La remise en question du regard, dans une société, envahie par les images, opère à travers des dispositifs qui suscitent la pulsion du témoin. La perception des photographies de Roger Ballen incite à transformer le passeur, laissant place, comparable à la caverne, à l’expression de sa pensée, qui peut être suivie de sa volonté d’agir, selon l’intensité de l’étincelle perçue.
Nathalie Gallon, 2017