Freaks. Marionnettes de comptoir, Cie Les Rémouleurs. A Mérindol, Cavaillon, Joucas et à la Gare de Coustellet, du 7 au 10 novembre

« Ce n'est pas tout d'être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux » Jules Renard


Inspirée de la nouvelle de Tod Robbins Spur et de son œuvre siamoise au cinéma, Freaks de Tod Browning, cette pièce de comptoir nous parle d'un cirque où l'on exhibe des phénomènes de foire : nains, homme tronc, sœurs siamoises, têtes d’épingle, femme à barbe… Et si ces êtres différents interpellaient notre normalité, nous renvoyaient à une autre monstruosité, la nôtre ?

Ce cirque est le miroir grossissant de notre monde. Deux populations sont face à face : les hommes et les femmes dont l’apparence répond à la norme, à la grâce du moment, et les « freaks», êtres difformes, disgracieux, handicapés ou attardés mentaux, qui n'ont parfois d'autre différence avec nous que leur taille... Réceptacle des sentiments extrêmes - répulsion, terreur, pitié - le monstre fascine autant qu'il effraie, rassure autant qu'il angoisse. Son étrangeté physique nous réconcilie avec notre corps, si différent du sien, son malheur sculpte le bonheur à même notre chair…
Mais pourquoi servir ce spectacle sur le zinc du bistrot du coin ? Parce qu’il faut faire revenir le théâtre là où les gens vivent. Parce que ces lieux ont une théâtralité naturelle, que l’on y rencontre un public de hasard, authentique, vivant, impoli, sans concession ni faux-semblant, mais toujours bouleversant.

Pourquoi jouer dans des bars ? Inscrire le théâtre là où les gens vivent

Quoi que l’on en dise, et malgré les nombreuses tentatives pour élargir le public des théâtres, ceux-ci restent des lieux très élitistes, dont le public se renouvelle peu. Le bistrot du coin, le bar pmu, sont des lieux de rencontre, où l’on parle, échange, et confronte des points de vue. On y croise toutes sortes de personnes, les travailleurs du petit matin qui viennent y prendre leur café, les gens du quartier, les habitués qui s’y retrouvent quotidiennement pour discuter, les jeunes qui restent souvent devant la porte et vont y acheter leurs cigarettes, les petits vieux qui y font leur partie de loto, ou simplement observent les allées et venues, les étudiants qui viennent boire une bière… J’aime tout particulièrement les bars de coin de rue, sans apparat, où se forge une clientèle d’habitués. Il est d’usage dans le milieu théâtral d’appeler ce public le non public. Il s’agit pour moi, bien au contraire, du vrai public, un public impoli, sincère, traversé par des peurs et des colères.

A travers mon spectacle, Ginette Guirolle, marionnette de bar créé en 1996 et en tournée jusqu’en 2010, j’ai pu découvrir à quel point ces lieux possèdent une théâtralité naturelle, et combien leur public est en attente de théâtre, même si les à priori sur le Théâtre, y sont tenaces là plus qu’ailleurs, là comme ailleurs. Le rapport au public, âpre, sans concession ni faux-semblant, y est souvent bouleversant et je garde en mémoire de nombreuses discussions prolongées, après le spectacle, avec des gens du public se trouvant là par hasard et profondément remués.

Les représentations

Mérindol
bar de l’Ambroisie
jeudi 7 novembre à 20h30
Cavaillon
bar Toppin
vendredi 8 novembre à 21h
+ le même jour, projection du film Freaks de Tod Browning au cinéma le Fémina à 18h30
Joucas
café des Commandeurs
samedi 9 novembre à 19h
Gare de Coustellet
dimanche 10 novembre à 10h30

durée : 1 heure dont 10 minutes d’entracte
billetterie facultative ou 8 € / 6 € / 3 €
Billetterie en ligne sur theatredecavaillon.com
ou 04 90 78 64 64 du lundi au vendredi de 11h à 18h

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 24 Octobre 2013 à 13:26 | Lu 346 fois
Pierre Aimar
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