Gala des danseurs étoiles de Saint Petersbourg à l'Opéra de Marseille, le 20 novembre 2013, par Philippe Oualid

Pour la première fois depuis sa création, il y a dix-neuf ans, le Festival Russe du Théâtre Toursky a programmé, dans le cadre d'un accord de coopération culturelle avec la Ville de Saint Petersbourg, un gala des danseurs étoiles des théâtres Mariinsky et Mikhaïlovsky, pour une soirée exceptionnelle à l'Opéra de Marseille.


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En composant ce programme, Vladimir Shklyarov, directeur artistique, déclarait avoir choisi des numéros dans lesquels chaque artiste peut exprimer son talent au plus haut niveau. On a donc assisté aux plus brillantes performances de danse académique qui se puissent concevoir aujourd'hui, dans des extraits du répertoire classique ou des compositions contemporaines, réalisées par des danseurs étoiles issus de la prestigieuse Académie du Ballet Russe Vaganova.

La soirée débute avec la Leçon de danse, barre et milieu, de Cecchetti à La Pavlova, chorégraphie de John Neumeier sur la musique de Tchaïkovski, au cours de laquelle les principaux mouvements : plié, dégagé, battement, attitude, arabesque, sont exécutés avec vénération par Uliana Lopatkina sous le regard attentif de Youri Smekalov. S'en suit l'Adagio de Spartacus, de Khatchaturian, chorégraphié par Kovtoun pour Irina Peren et Marat Shemiounov (du théâtre Mikhaïlovsky), un merveilleux pas de deux où le danseur qui a endossé le costume du général romain Crassus réalise de prodigieux portés de sa partenaire qui glisse comme un serpent le long de ses flancs. Deux merveilleux solistes du théâtre Mikhaïlovsky, Oxana Bondareva et Victor Lebedev, prennent la relève dans le Grand Pas Classique d'Auber pour des pirouettes sur pointes et des manèges qui forcent l'admiration. Ils sont supplantés par Maria Shirinkina et Vladimir Shklyarov, du Mariinsky, dans le grand pas de deux du Corsaire, pur joyau de technique académique chorégraphié en 1899 par Marius Petipa sur la musique de Ricardo Drigo. Cette pièce, détachée du Ballet, qui s'exécute en adage, variations et coda, fait ici l'objet de la plus haute démonstration de virtuosité qu'on puisse imaginer pour un couple de danseurs. Et la pièce de Chostakovitch, La Demoiselle et le Voyou, dansée ensuite par Svetlana Ivanova et Ilya Kouznetsov, exploite les brillantes qualités de mime de ce couple d'apaches qui maîtrise aussi à la perfection le tour aérien.

Après l'entracte, des variations néo-classiques alternant avec des compositions contemporaines mettent en valeur les brillantes individualités des danseurs. La Flamme de Paris, souche de ces ballets héroïques à caractère populaire, créé en 1932 pour célébrer le quinzième anniversaire de la Révolution d'Octobre, musique d'Assafiev, chorégraphie de Vaïnonen, brille d'un éclat tout particulier dans les sauts, les pirouettes et les manèges du couple Bondarova-Lebedev. Séparation, sur un tango de Powell et une chorégraphie de Smekalov, fait valoir, dans des éclairages contrastés, les soudaines tensions de jambes de Shirinkina et Smekalov. L'Adagio des Eaux Printanières de Rachmaninov est exécuté par Peren et Shemiunov avec un lyrisme enthousiaste dans la vélocité des étreintes passionnées. L'insolite Ballet 101 d'Eric Gautier donne à Shklyarov en danseur exécutant-exécuté, l'occasion de se produire dans la technique difficile de tous les pas de danse et enchaînements de position existants, en les énumérant gaiement. Et pour finir en beauté, Uliana Lopatkina danse les trois minutes de La Mort du Cygne dans la sublime chorégraphie de Fokine conçue pour Anna Pavlova. De dos, sur la scène vide cernée par un seul faisceau de lumière, Uliana se déplace à petits pas de bourrée sur pointes et suggère le mouvement des grandes ailes du Cygne par un merveilleux port de bras souple et lent. Moment inoubliable que cette apparition marquée par la douleur, et qui va culminer dans le spasme désespéré d'un mouvement de rébellion inutile devant la Mort.

Ce solo qui dégage une intense émotion provoque une ovation extraordinaire du public admiratif de ce style de danse propre à l'Ecole de Saint Petersbourg, et les remerciements chaleureux de Monsieur Vladimir Prokhorenko, adjoint du gouverneur de la Ville, qui déclarait ressentir au plus haut point l'honneur de voir le Mariinsky accueilli dans ce bel opéra où a travaillé Marius Petipa, le Marseillais fondateur du Ballet Russe.
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 28 Novembre 2013 à 03:09 | Lu 210 fois
Pierre Aimar
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