Pierre Cambon les représente à jamais rêvées, comme si une fois approchées par l’appareil photographique, elles devenaient les éternelles, celles de toujours, les enjôleuses à la nudité familière que l’on aimerait voir s’incarner suave- ment sous la douceur d’une lampe. Diaphanes et fragiles, elles ne font qu’apparaître, corps laiteux qui se fondent aux étoffes. Elles sont ces “pâles beautés” à la subtile et vénéneuse candeur qui hantaient Baudelaire. Elles sont aussi ces héroïnes de la Belle Époque, tragédiennes soudain déshabillées, trio complice prenant la pose, ou courtisanes sensuelles égarées dans le salon d’une Sarah Bernard. Ajoutons Shakespeare et le “Songe d’une nuit d’été”, un faune pourrait surgir, Puck invité à prendre le thé. C’est dire la richesse d’évocation que nous o re un artiste formidablement inspiré. La très grande originalité de Pierre Cambon tient d’abord au risque qu’il prend avec les corps de ses modèles. Un risque, car il les aime, comme une chair trop capiteuse qui l’attire, le captive, face à face hypnotisant dont il ne connait jamais l’issue. Il obéit à ce qui le capte, point aveugle, mystère absolu qui relance le dé de son désir. Lascivité sublime...là est l’enjeu, là est l’angoisse: ne pas céder au cliché, jamais. Les sirènes sont très proches, elles ont du velours dans les yeux, elles ouvrent leurs bras, leur sexe, leurs lèvres, elles gisent, abandonnées. Madame rêve....Pierre Cambon résiste, ce rêve là n’est pas le sien, juste une matière fascinante qu’il va porter du côté d’une éternité. Eros est à ce prix, un voile, une arabesque, une esquisse magnifique, un flirt avec l’indécence ciselé par le désir.