Henri Cartier – Bresson / Paul Strand, « Mexique 1932-1934 », Le Point du Jour, Cherbourg-Octeville, exposition du 13 mai au 2 septembre 2012

L’exposition réunit quatre-vingt-dix tirages en noir et blanc, pour la plupart d’époque. Les oeuvres de Paul Strand proviennent de collections espagnole, américaine et mexicaine. Le portfolio « Photographs of Mexico », conçu par Paul Strand en 1940 et tiré à 250 exemplaires, est présenté dans l’exposition.
Les oeuvres de Henri Cartier-Bresson, dont certaines inédites, sont issues de la collection de la Fondation Henri Cartier-Bresson.


Mexique, 1934 © Henri Cartier-Bresson / Magnum Photos / Collection Fondation HCB
Des documents liés à l’activité des deux photographes au Mexique seront présentés sous vitrine. Enfin, un extrait de Redes auquel Paul Strand a participé sera projeté en permanence dans l’exposition. Le film fera également l’objet de projections intégrales.
L’exposition a été présentée du 11 janvier au 22 avril 2012 à la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris.

Les origines

Au début des années 1930, Paul Strand et Henri Cartier-Bresson séjournent successivement au Mexique. Le premier est déjà l’un des représentants de la photographie moderne à New York, le second encore un jeune photographe ambitieux.
Le Mexique, où art et politique sont alors en débat, constitue pour tous deux une étape déterminante. En découvrant les traditions et la vie d’un peuple, chacun y expérimente une manière de voir – mobile et parfois crue chez Cartier-Bresson, plus posée chez Strand.
Outre des documents sur leur activité au Mexique, l’exposition réunit une centaine de tirages, dont quelques chefs-d’oeuvre, de ces photographes majeurs du XXe siècle.

La comparaison du travail au Mexique de Paul Strand et Henri Cartier- Bresson fait apparaître de fortes différences.

A l’automne 1932, Paul Strand (1890-1976) quitte les États-Unis et une vie personnelle en crise pour le Mexique. C’est sur une invitation de Carlos Chavez, rencontré un peu plus tôt et désormais responsable du département des Beaux-Arts au secrétariat à l’Éducation nationale, que Strand découvre ce pays dont il disait : « Je pensais au Mexique comme quelque chose de mystérieux, sombre et dangereux, inhospitalier. » Strand restera pourtant deux ans au Mexique jusqu’à son retour à New York en décembre 1934.

Le soutien de Carlos Chavez s’avère très important et permet à Strand d’exposer pour la première fois au Mexique à la Sala de Arte du secrétariat à l’Éducation publique en février 1933. Après ce premier succès, il est nommé professeur d’éducation artistique et part au printemps 1933 enquêter sur l’art et l’artisanat mexicain dans l’état du Michoacán. Fasciné par la culture indigène et la piété des habitants, il ramènera de cette mission des portraits de statues religieuses, d’hommes, de femmes et d’enfants dans les rues, de paysages et d’architecture.

Paul Strand se voit ensuite confier la réalisation d’une série de films pédagogiques. À partir de l’automne 1933, il travaille au scénario d’un moyen métrage Redes, fiction d’inspiration documentaire qui relate la lutte de pêcheurs contre l’exploitation dont ils sont victimes. Les acteurs du film sont principalement les habitants du village d’Alvarado, près de Veracruz dans le golfe du Mexique. La réalisation est complexe mais le film est finalement projeté au théâtre Juarez de Alvarado en juin 1936. à peine un an plus tard, c’est sous le titre The Wave que le public américain découvre ce film très largement influencé par le cinéma soviétique. Entre temps, le départ de Carlos Chavez, après l’élection en 1934 du nouveau gouvernement de Lazaro Cardenas, a entraîné l’abandon du projet de série de films et Strand a décidé de rentrer à New York. Il délaisse alors la photographie, pour participer à la coopérative de cinéastes militants Nykino, avant de devenir président de Frontier Film qui prend sa suite.

Paul Stand est l’un des premiers photographes auxquels le Museum of Modern Art consacre une exposition monographique en 1945. Il travaille aux États-Unis jusqu’en 1950, date à laquelle le développement du maccarthysme le conduit à s’installer en France.

Henri Cartier-Bresson (1908-2004) débarque à Mexico en juillet 1934. Il fait partie d’une mission ethnographique menée par le docteur Julio Brandan et soutenue par le musée d’Ethnographie du Trocadéro pour suivre la construction d’une grande route panaméricaine. La mission s’engage mal car les financements attendus sont remis en question par le nouveau gouvernement mexicain. La majorité des membres de l’expédition rentre alors en France. Mais Henri Cartier- Bresson décide de rester car « il éprouve un vrai coup de foudre pour ce pays ».

Cartier-Bresson parcourt le pays avec son Leica. Il fréquente poètes et artistes, se passionne pour les fresques révolutionnaires des muralistes, publie dans le journal Todo. En mars 1935, il expose au Palacio de Bellas Artes avec le photographe mexicain Manuel Alvarez Bravo. Au moment de partir, il se décrète à vie « Français du Mexique. »

Pendant son séjour, Cartier-Bresson reste en contact avec le galeriste new-yorkais Julien Levy qui l’avait déjà exposé en 1933. En avril 1935, celui-ci présente ses photographies récentes avec celles de Manuel Alvarez Bravo et de Walker Evans sous le titre « Documentary and Antigraphic photographs ». Comme Paul Strand qu’il rencontre sans doute à New York, Henri Cartier- Bresson se tourne alors vers le cinéma : « La photographie n’a jamais été pour moi qu’un des différents moyens d’expression visuelle. [... ] Je me suis donc mis, chez Paul Strand avec d’autres, à apprendre le cinéma. Je changeais d’outil. » Il s’achète une caméra 35 mm et travaille avec le groupe Nykino. à son retour en France, il devient l’assistant de Jean Renoir, auquel il a envoyé ses photographies, notamment pour La vie est à nous produit en soutien au Front populaire. À partir de 1937, il participe à des films militants en faveur des Républicains espagnols (L’Espagne vivra, Victoire de la vie et With the Abraham Lincoln Brigade in Spain).

En 1947, Henri Cartier-Bresson bénéficie à son tour d’une rétrospective au Museum of Modern Art. Cofondateur de l’agence Magnum, il réalisera par le suite de nombreux reportages à travers le monde.

La comparaison du travail au Mexique de Paul Strand et Henri Cartier- Bresson fait apparaître de fortes différences. Le premier photographie les statues comme les visages dans un temps suspendu ; le second saisit instantanément des moments de la vie ordinaire. Néanmoins, le Mexique fut pour chacun un moment clé, inaugurant une pratique cinématographique marquée par le contexte politique des années 1930. Au-delà de l’affirmation de deux « styles », cette exposition témoigne d’un même désir d’expérimentation sociale et artistique.

Pratique

Le Point du Jour
Centre d’art / éditeur
107, avenue de Paris
50100 Cherbourg-Octeville
Tél. 02 33 22 99 23
infos@lepointdujour.eu
www.lepointdujour.eu

Du mardi au vendredi de 14h à 18h
Samedi et dimanche de 11h à 19h
Entrée libre

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 25 Avril 2012 à 18:08 | Lu 960 fois
Pierre Aimar
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