Henri Person, Naviguer en couleurs, exposition au musée Regards de Provence, à Marseille du 5 octobre 2019 au 3 mai 2020

Le Musée Regards de Provence met à l’honneur le peintre Henri Person (1876-1926) par la rétrospective regroupant près de 70 oeuvres, issues des collections de la famille de l’artiste, de prêts de musées, de galeries et de collectionneurs privés.


Person Henri, Le port d’Istanbul
L'occasion de rendre hommage à l'œuvre délicate et pleine de lumière de ce grand artiste encore trop méconnu de nos jours, qui fut pourtant l'ami de Paul Signac avec qui il partagea, tout au long de sa carrière à la fois son amour de la peinture et de la navigation. La Méditerranée fût une source inépuisable d’inspirations pour cet artiste, enthousiasmé par le pointillisme et la quiétude des eaux du port de Saint-Tropez.

Henri Person, né le 23 février 1876, dans une famille bourgeoise d’Amiens, a suivi une solide formation à l’École des Beaux-arts de Paris avant de prendre un atelier dans la capitale. Lorsqu’il arrive à Saint-Tropez au début des années 1900, c’est un petit hameau de pêcheurs au charme pittoresque, qui ne jouit pas encore de la prestigieuse popularité qui lui sera ensuite attachée. Portant volontiers la vareuse parmi les pêcheurs du port, l’artiste, en faisant de Saint-Tropez son port d’ancrage, a trouvé son sujet de prédilection : la mer et l'activité humaine qu'elle suscite. Il peint de nombreuses marines qui tiendront une place majeure dans son oeuvre pleine de lumière méditerranéenne et de couleurs éclatantes.

Depuis la fin des années 1880 la côte méditerranéenne attire peintres, écrivains et poètes en quête de lumière, d'idéal et de la paix, loin de la grisaille de Paris, Normandie ou Bretagne. Cette descente dans le Sud marque un temps fort de l'histoire de l'art et fait de Saint-Tropez un haut lieu d'avant-garde. Elle initie une nouvelle phase du néo-impressionnisme qui succède à la peinture divisée de Georges Seurat. Henri Person travaille aux côtés de Paul Signac, Henri Edmond Cross ou Jean Peské. A la peinture divisée, réalisée autour de Seurat dans les années 1880-1890 succède une peinture aux touches plus larges sous l'impulsion de Signac et de Cross et qui a pour fief Saint-Tropez et le Midi. Ce second néo-impressionnisme, plus libre dans l'application des principes du divisionnisme, comprend des artistes comme Peské et Person. Celui-ci affiche une nette prédilection pour les paysages de bord de mer et l'activité qui s'y joue.

A l’occasion d’un voyage à Constantinople aux côtés de Signac en 1907, le jeune artiste avait adopté la technique du divisionnisme. Cependant, Person, qui n’a rien d’un théoricien, interprète cette technique avec une grande liberté, l’adaptant à son caractère, à son propre sens de l’harmonie colorée, développant une poétique de la couleur plutôt qu’une logique de la couleur, suggérant plus le paysage qu’il ne le représente.

Sur la toile, la touche, vibrante et fragmentée, s’étire peu à peu et l’orientation variable des touches au sein d’une même composition lui confère un puissant dynamisme. Ce dynamisme est parfois contredit par la palette, qui dans certaines peintures, tend à effacer le sujet comme pour le mettre à distance, dans un rendu atmosphérique cher aux impressionnistes.

Person et Signac, retrouvent dans le foisonnement des couleurs d’Orient, la lumière du Midi. Les années 1907- 1909 voient en effet la pratique de plus en plus assidue par Person du divisionnisme. Le cotoiement régulier de Signac mais aussi l’influence de la mosaïque byzantine admirée à Istanbul ne sont pas sans jouer un rôle dans l’adoption de cette pratique. C'est à juste titre que l’on compare la fragmentation de la touche des peintres divisionnistes à la fragmentation créée par les tesselles dans la mosaïque. L’idée d’aller observer les mosaïques à Ravenne n’était d’ailleurs pas étrangère aux deux amis.

Pour autant, un tableau comme La Place de Lices à Saint-Tropez (col. Fondation Regards de Provence) révèle sa connaissance de la théorie optique de couleurs. Dans cette composition aux couleurs vives et franches, l'ombre jaune orangé de l'arbre, au premier plan, sur le sol bleuté – sa complémentarité – offre un contraste saisissant en plus de produire un écho chromatique au paysage de l'arrière-plan.

« Avec Henri Person, le néo-impressionnisme semble avoir atteint une intensité d’expression, une solidité, une cohésion, que jusqu’à présent il avait cherchées sans les atteindre, quels qu’aient été les efforts des Seurat, des Pissaro, des Signac. La méthode était fortement établie, la réalisation manquait : l’œil d’Henri Person la réalise. A la théorie savamment édifiée par les néo-impressionnistes, il apporte sa contribution de sensibilité. (…) En vérité, la technique néo-impressionniste entre les mains d’un artiste comme Person, c’est un vibrant instrument, infiniment mélodieux » Pierre Tournier, Chroniques d'art, Pan : revue libre, janvier - Février 1913.

Henri Person est un peintre de paysages, essentiellement de marines mais il aime représenter les arbres qui bordent la côte. Il y signifie ainsi son amour et son enracinement pour le Midi, choisissant fréquemment de représenter des pins parasols qui en sont l'élément le plus caractéristique. Souvent ses œuvres réunissent les différents éléments naturels : la terre, la mer et le ciel, parfois contrebalancés par une présence humaine qu'elle soit symbolisée par la voile d'un bateau ou la silhouette lointaine d'un village.

Mais Henri Person dévoile aussi toute son habileté à l’aquarelle, dont il adopte la pratique systématiquement depuis sa descente dans le Midi. Sa spontanéité y respire joyeusement, ainsi que son profond amour de la mer, des bateaux. Au travers de fugaces impressions colorées, de cadrages parfois hérités du japonisme et de grandes plages blanches de papier ménagées par une technique à la fois précise et volontairement hâtive, il dévoile une puissante maîtrise. A l'instar de Signac qui renonce à peindre sur le motif vers 1895, il commence à privilégier l'exécution de ses tableaux à l'atelier. L'aquarelle qu'il pratique toujours sur le motif joue donc le rôle de médiateur entre l'observation sensible de la nature et l'élaboration rigoureuse à l'atelier. Les notes rapides de paysages et marines sont rendus avec une remarquable économie de moyens, ce qui dénote une maîtrise fine de la répartition de la couleur sur le papier. Il commença par faire des croquis rapides rehaussés de quelques touches d’aquarelle bien simples, étudiant son trait, l’améliorant en lui donnant de la variété et du ton, évitant les angles, cherchant les courbes et arabesques ! Voiliers et tartanes sont à l’honneur mais c'est aussi le clapotis de l’eau que Person traduit dans de fines aquarelles, les jeux et les reflets qui se jouent à sa surface ou bien encore la calme immobilité des pins sous le soleil d’une chaude après-midi d’été.

En plus de constituer le motif idéal de ses œuvres, Saint-Tropez va devenir le lieu de son engagement en faveur de la peinture vivante. Le témoignage le plus important de son attachement à sa ville d’adoption est en effet la création de l’un des premiers musées français consacrés à l’art vivant. Le « Museon Tropelen » est né en 1921 afin d’héberger des œuvres, collectées par Person, qui sollicite les peintures de ses amis pour donner à la ville une œuvre de leur production. Paul Signac, Pierre Bonnard, Charles Camoin, Albert Marquet, Louis Valtat… ainsi que d’autres artistes ayant pris l’habitude de séjourner à Saint-Tropez répondent favorablement à cette demande et les collections vont s’enrichir en quelques années d’une trentaine d’oeuvres.

A la fin de la guerre Person retourne à Saint-Tropez et s'y installe durablement avec sa femme et leur fille. Cette période marque aussi l'abandon progressif de sa technique divisionniste. Il continue parfois à utiliser une touche vibrante, pour la représentation du ciel notamment, mais il revient à une touche plus libre et plus étirée. Il évolue vers ce que l'on pourrait qualifier un fauvisme modéré. Sa touche est plus dynamique et les couleurs toujours aussi vives. La nouveauté de sa peinture tient aussi à l'introduction du blanc dans sa palette. Il apporte une fraîcheur inédite à ses tableaux. Comme Henri Manguin, Charles Camoin et Albert Marquet qu'il côtoie, Person revient à un réalisme plus conventionnel et traditionnel, participant ainsi d'une certaine manière au retour à l'ordre qui touche le monde artistique de l'époque, dans un contexte de crise morale d'après-guerre. En ce sens, le petit village de Saint-Tropez constitue pour lui un îlot de bonheur, hors du temps.

L'œuvre de Henri Person est avant tout lumière. Cette lumière, c'est celle du Midi qu'il découvre au tournant du siècle et qu'il ne quitte plus. Au contact du soleil méditerranéen, les couleurs exaltées prennent une intensité nouvelle : elles vibrent dans ses tableaux et scintillent dans ses aquarelles sous une touche preste et synthétique. C'est le bonheur de sa vision qu'il transpose, sans cesse renouvelée par l'émerveillement que suscite le spectacle de la nature.

Tout au long de sa vie, Person construit son œuvre sur les thèmes qui lui furent chers : les bateaux, la mer, les arbres qui la bordent et les petits villages du littoral méditerranéen. Il a également laissé quelques natures mortes, plus rares dans son œuvre. Il est possible qu'elles aient été réalisées pendant la guerre, moment où les ports n'étaient plus accessibles.

S’étant tenu, par choix, éloigné de la capitale, les mondanités et les honneurs lui important peu, Person paya sans doute la douceur de vivre tropézienne dont il profita par la tardive reconnaissance de son art et de son talent, bien qu’il exposât dans les plus grandes galeries parisiennes de son temps et à l’occasion des principaux Salons de la capitale, son travail étant régulièrement remarqué et salué par les critiques.
Si le décès prématuré d’Henri Person en 1926 met fin aux débuts prometteurs de ce musée, Georges Grammont, industriel et collectionneur, donnera un nouvel élan à l’ambitieux dessein, qui deviendra le musée de l’Annonciade que l’on connaît aujourd’hui.




Informations pratiques et Visites
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Billet expositions temporaires : Plein Tarif : 6,50€. Tarifs réduits: 5,50€ - 4,70€ - 2,00€.
Billet couplé expositions temporaires & scénographie permanente : Plein Tarif : 8,50€. Tarifs réduits 7,50€, 6,50€ Visites commentées hors groupe : tarif d’entrée + 6€ /pers. (hors groupe), le mardi et samedi à 15h sur réservation. Visites commentées pour groupe : tarif d’entrée + 6€ /pers., tous les jours sur réservation.
Visite commentée gratuite hors groupe le samedi à 10h30, hors droit d’entrée sur réservation (6 à 25 personnes).

Inscription sur réservation au info@museeregardsdeprovence.com ou au 04 96 17 40 40
Musée Regards de Provence
Allée Regards de Provence
13002 Marseille




Pierre Aimar
Mis en ligne le Samedi 21 Septembre 2019 à 16:32 | Lu 483 fois
Pierre Aimar
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