Herodiade ou le triomphe de Massenet, par Andréa Guiot. Le chant français dans toute sa splendeur

Dieu qu’Andréa Guiot avait du talent en cette année 1957, un an après ses débuts à l’Opéra-Comique de Paris ! Dans un rôle qu’elle n’interpréta pas souvent, mais toujours d’une manière percutante, car chantant dans son arbre généalogique, la soprano nîmoise crève l’écran dans ce concert enregistré pour la Radio Hollandaise où, mine de rien, elle est entourée par la crème du chant français de l’époque sous la baguette experte d’Albert Wolff.


Herodiade ou le triomphe de Massenet

L’Hérodiade de Massenet est une copieuse fresque romano-palestino-biblique écrite les yeux sur l’héritage de Meyerbeer et Ambroise Thomas. La partition a les coloris des tableaux orientalistes de Delacroix et Ingres, la sensualité épaisse des péplums kitsch d’Hollywood, la séduction des biceps de Russel Crowe dans Gladiator…
Avec cette particularité d’être un opéra sur Salomé et sur une Salomé bien insolite car disciple du Prophète, elle lutte pour lui sauver la vie et se suicide quand tout est fini. On le voit. Ici l’Histoire Sainte (comme un combat intemporel entre charnel et spirituel, profane et sacré) semble singulièrement rapetissée…
Pour rendre crédible tout cela il faut des voix, encore des voix, toujours des voix.
A vingt-neuf ans Andréa Guiot aborde le rôle long et écrasant de Salomé, et se jette dans l’aventure avec l’insolence de ses considérables moyens vocaux, une ligne de chant musicale, moirée, aux inflexions soyeuses et colorées, un jusqu’au-boutisme théâtral, alors que nous somme en présence d’une version de concert, qui force l’admiration la plus inconditionnelle.
A ses côtés, le vétéran Charles Cambon campe un Tétrarque puissant, massif, solide, pas toujours très nuancé, mais le personnage s’en accommode fort bien. Mimi Aarden, d’une violence toute racinienne (on pense souvent à Hermione) avec sa voix de feu et d’ambre, tendue comme un arc, emporte tout sur son passage.
Guy Fouché enfin, mérite une réhabilitation immédiate. Un tel ténor de nos jours se paierait très très cher. Chant haut perché, diction exemplaire et ferveur de tous les instants. Très agréables Phanuel et Vitellius aussi.
La direction d’Albert Wolff (Chœurs et Orchestre de la Radio Hollandaise) se devine très vivante, privilégiant l’aspect grandiose de la partition qui triomphe ici avec ses parfums riches et entêtants. Prise de son fort honnête.
Christian Colombeau

HERODIADE (Massenet)
MALIBRAN MR 691

manricot@gmail.com
Mis en ligne le Mercredi 5 Aout 2009 à 00:00 | Lu 2474 fois
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