Il diluvio universale au Festival d'Ambronay 2010 ©Bertrand Pichène
Entouré de Keyvan Chemirani, de Cappella Mediterranea et du Chœur de chambre de Namur, Leonardo García Alarcón convoque les forces les plus primitives de la nature, la peur et l'instinct de survie, le ciel et la terre, la pitié et la colère, les hommes et les entités célestes. Un déluge de sensations nous engloutit, et le baroque gagne ainsi de nouveau la bataille des émotions. Cette œuvre est donnée pour la première fois à Lyon.
La carrière de Leonardo García Alarcón a bénéficié dix ans durant d'un accompagnement par le Centre culturel de rencontre d'Ambronay, dont le maestro argentin est aujourd'hui artiste associé.
La carrière de Leonardo García Alarcón a bénéficié dix ans durant d'un accompagnement par le Centre culturel de rencontre d'Ambronay, dont le maestro argentin est aujourd'hui artiste associé.
Note d’intention artistique
Lors d’une répétition à Palerme, le 18 juillet 2002, un ténor du chœur « Antonio il Verso » appelé Vincenzo Di Betta, m’a tendu une partition qui, disait-il, pouvait certainement m’intéresser. Un « Dialogo » écrit en 1682 par Michelangelo Falvetti, compositeur calabrais et maître de chapelle au Duomo de Palerme et plus tard de Messine.
Dès la première lecture je fus surpris par l’œuvre. Il ne me semblait pas être devant un oratorio ou un drame sacré classique. J’avais dans mes mains une partition oubliée depuis trois siècles mais d’une originalité sans pareille dans l’histoire de l’oratorio italien.
Le livret, écrit par Vincenzo Giattini, a permis à Falvetti d’exploiter le drame avec un génie très rare dans les œuvres de cette époque.
Cette œuvre est une sorte de « catalogue » des émotions humaines et des genres musicaux en vogue alors. Dès les premières notes, Il diluvio universale suscite une forte « captatio benevolentia », notamment à l’instant où la « Justice Divine » fait une violente apparition en demandant à l’orchestre de cesser de jouer. Selon ses mots, le jugement de Dieu est arrêté et il faut convoquer les forces de l’univers pour châtier la race humaine de ses trop nombreux péchés. La pitié que Dieu a toujours eue pour l’Humanité semble épuisée, l’homme n’écoute plus sa parole :une purification est nécessaire. Les quatre « Éléments » font leur apparition et demandent à leur tour de participer à cette purification avec toutes leurs armes. Laforce « animale » de la musique écrite par Falvetti pour personnifier « l’Eau », « la Terre », « le Feu » et « l’Air » nous montre à quel point le drame est présent dès les premières mesures. On assiste à l’horreur des entités autonomes, des forces de la nature qui n’ont aucun signe de pitié et qui ne font qu’accomplir un ordre. L’horreur s’installe grâce à une écriture d’une virtuosité inégalée. « Les Éléments »et la «Justice Divine» appliquent les théories de Claudio Monteverdi au sujet de la« colère en musique ». Mais pour la première fois dans l’histoire de la musique, ce style appelé « concitato » est appliqué à cinq personnages qui chantent en même temps des mélodies différentes. Regarder la partition à ce moment est un réel plaisir et, à ma connaissance, il n’en n’existe pas d’autres exemples au XVIIe siècle : tout est noir sur la partition, les doubles croches coulent comme l’eau et l’annonce de la destruction est irréfutable.
Ensuite, le tableau change subitement et l’on assiste à une scène de la vie quotidienne de Noé et Rad, sa femme. L’influence de l’opéra vénitien est évidente dans l’écriture des « duetti » des époux, d’une religiosité profonde et également d’une grande sensualité.
La suite de l’histoire, tout le monde la connaît. Les techniques utilisées par le compositeur pour décrire les moments de souffrance et de mort de l’humanité qui périt sous l’eau sont remarquables. Falvetti utilise le contrepoint d’église à cinq voix mais dans un style madrigalesque d’une grande modernité, dans la tradition de Sigismondo d’India, un autre grand musicien sicilien. Le chœur pleure et gémit en poussant des cris, les paroles commencent à manquer et, parfois, on chante seulement le début des mots sans prononcer les dernières syllabes, quand les vagues submergent la tête des hommes et des femmes sous la mer. Falvetti n’hésite pas à écrire un grand « lamento » pour chœur à cinq voix, une autre nouveauté qui place l’œuvre encore une fois sous un angle différent et unique entre ses contemporaines.
Les techniques de la monodie accompagnée sont utilisées pour une écriture contrapuntique, procédé que seul Monteverdi avait utilisé auparavant en transformant son célèbre « Lamento d’Arianna » en madrigal à cinq voix. La Mort est elle-aussi représentée dans l’oratorio, mais au contraire de ce qu’on peut imaginer, sa musique n’est pas sombre ou menaçante. On assiste plutôt à un catalogue des musiques populaires siciliennes. Le comble de l’inattendu arrive quand « La Morte » chante son air « Ho pur Vinto » et que l’orchestre joue une« tarentelle » comme accompagnement à sa joie. Comment ne pas être surpris par les choix du compositeur ?
Le professeur Bernardino Fantini nous rappelle à quel point la mort est souvent associée à la danse. La « Danse des Morts » sur une fresque de la Cathédrale de Palerme nous intimide et nous montre le chemin à suivre pour l’interprétation de ce rôle.
Le chœur « Ahi che nel fin » est un des plus émouvants madrigaux que j’ai entendus et je partage ce sentiment avec mes collègues musiciens. La veine madrigalesque de Falvetti nous laisse une soif énorme de connaître davantage sa musique, mais, hélas, ses madrigaux n’ont pas encore été découverts.
Leonardo García Alarcón, Genève, septembre 2010.
Dès la première lecture je fus surpris par l’œuvre. Il ne me semblait pas être devant un oratorio ou un drame sacré classique. J’avais dans mes mains une partition oubliée depuis trois siècles mais d’une originalité sans pareille dans l’histoire de l’oratorio italien.
Le livret, écrit par Vincenzo Giattini, a permis à Falvetti d’exploiter le drame avec un génie très rare dans les œuvres de cette époque.
Cette œuvre est une sorte de « catalogue » des émotions humaines et des genres musicaux en vogue alors. Dès les premières notes, Il diluvio universale suscite une forte « captatio benevolentia », notamment à l’instant où la « Justice Divine » fait une violente apparition en demandant à l’orchestre de cesser de jouer. Selon ses mots, le jugement de Dieu est arrêté et il faut convoquer les forces de l’univers pour châtier la race humaine de ses trop nombreux péchés. La pitié que Dieu a toujours eue pour l’Humanité semble épuisée, l’homme n’écoute plus sa parole :une purification est nécessaire. Les quatre « Éléments » font leur apparition et demandent à leur tour de participer à cette purification avec toutes leurs armes. Laforce « animale » de la musique écrite par Falvetti pour personnifier « l’Eau », « la Terre », « le Feu » et « l’Air » nous montre à quel point le drame est présent dès les premières mesures. On assiste à l’horreur des entités autonomes, des forces de la nature qui n’ont aucun signe de pitié et qui ne font qu’accomplir un ordre. L’horreur s’installe grâce à une écriture d’une virtuosité inégalée. « Les Éléments »et la «Justice Divine» appliquent les théories de Claudio Monteverdi au sujet de la« colère en musique ». Mais pour la première fois dans l’histoire de la musique, ce style appelé « concitato » est appliqué à cinq personnages qui chantent en même temps des mélodies différentes. Regarder la partition à ce moment est un réel plaisir et, à ma connaissance, il n’en n’existe pas d’autres exemples au XVIIe siècle : tout est noir sur la partition, les doubles croches coulent comme l’eau et l’annonce de la destruction est irréfutable.
Ensuite, le tableau change subitement et l’on assiste à une scène de la vie quotidienne de Noé et Rad, sa femme. L’influence de l’opéra vénitien est évidente dans l’écriture des « duetti » des époux, d’une religiosité profonde et également d’une grande sensualité.
La suite de l’histoire, tout le monde la connaît. Les techniques utilisées par le compositeur pour décrire les moments de souffrance et de mort de l’humanité qui périt sous l’eau sont remarquables. Falvetti utilise le contrepoint d’église à cinq voix mais dans un style madrigalesque d’une grande modernité, dans la tradition de Sigismondo d’India, un autre grand musicien sicilien. Le chœur pleure et gémit en poussant des cris, les paroles commencent à manquer et, parfois, on chante seulement le début des mots sans prononcer les dernières syllabes, quand les vagues submergent la tête des hommes et des femmes sous la mer. Falvetti n’hésite pas à écrire un grand « lamento » pour chœur à cinq voix, une autre nouveauté qui place l’œuvre encore une fois sous un angle différent et unique entre ses contemporaines.
Les techniques de la monodie accompagnée sont utilisées pour une écriture contrapuntique, procédé que seul Monteverdi avait utilisé auparavant en transformant son célèbre « Lamento d’Arianna » en madrigal à cinq voix. La Mort est elle-aussi représentée dans l’oratorio, mais au contraire de ce qu’on peut imaginer, sa musique n’est pas sombre ou menaçante. On assiste plutôt à un catalogue des musiques populaires siciliennes. Le comble de l’inattendu arrive quand « La Morte » chante son air « Ho pur Vinto » et que l’orchestre joue une« tarentelle » comme accompagnement à sa joie. Comment ne pas être surpris par les choix du compositeur ?
Le professeur Bernardino Fantini nous rappelle à quel point la mort est souvent associée à la danse. La « Danse des Morts » sur une fresque de la Cathédrale de Palerme nous intimide et nous montre le chemin à suivre pour l’interprétation de ce rôle.
Le chœur « Ahi che nel fin » est un des plus émouvants madrigaux que j’ai entendus et je partage ce sentiment avec mes collègues musiciens. La veine madrigalesque de Falvetti nous laisse une soif énorme de connaître davantage sa musique, mais, hélas, ses madrigaux n’ont pas encore été découverts.
Leonardo García Alarcón, Genève, septembre 2010.
Pratique
Mardi 9 mai 2017 à 20h à l'Auditorium de Lyon.
Lever de rideau : 18h (durée 40 minutes). Avec Sollazzo, issu du programme européen eeemerging (Emerging European Ensembles). Salle Proton de la Chapelle, entrée libre (réservation obligatoire auprès de la billetterie.
Accès prioritaire pour les spectateurs du concert du soir).
Centre culturel de rencontre
d'Ambronay
Place de l'Abbaye
01500 Ambronay
04 74 38 74 00
Lever de rideau : 18h (durée 40 minutes). Avec Sollazzo, issu du programme européen eeemerging (Emerging European Ensembles). Salle Proton de la Chapelle, entrée libre (réservation obligatoire auprès de la billetterie.
Accès prioritaire pour les spectateurs du concert du soir).
Centre culturel de rencontre
d'Ambronay
Place de l'Abbaye
01500 Ambronay
04 74 38 74 00