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José María Sert, le Titan à l’oeuvre (1874-1945), Petit Palais, Paris, du 8 mars au 5 août 2012

« L’art perd le dernier représentant de la grande Peinture », écrit Paul Claudel dans Le Figaro du 14 décembre 1945, à la mort de son ami José María Sert. La monumentalité de son oeuvre et la puissance de sa personnalité ont fait de Sert un artiste unanimement admiré à son époque. Le Petit Palais propose de le redécouvrir. José María Sert, le Titan à l’oeuvre (1874-1945) ouvre les portes de son atelier, pour montrer la force de son art et l’originalité de sa méthode.


José María Sert, le Titan à l’oeuvre (1874-1945), Petit Palais, Paris, du 8 mars au 5 août 2012
Peintre décorateur, Sert est inlassablement en quête de commandes et travaille pour des personnalités du monde économique et politique, d’abord à Paris, puis en Europe et en Amérique. Il se confronte, par cette proximité, aux méandres de son époque et fait des choix politiques controversés. Il est un « baroque moderne », pétri de références à la grande tradition mais revendiquant l’actualité de son art. L’atelier est le fil conducteur de cette exposition, qui permet de brosser le portrait d’un artiste aujourd’hui méconnu. Il s’agit d’une approche inédite, qui veut rendre compréhensible une méthode de création originale et rigoureuse. Un décor fini, exceptionnellement reconstitué, côtoie ainsi environ 120 oeuvres (des panneaux autonomes de taille monumentale, des esquisses, des photographies de travail et des maquettes). Documents et photographies privés permettront au visiteur de découvrir les secrets d’un atelier. Cette exposition ambitieuse entend redonner sa place dans l’histoire de l’art à l’une des figures « parisiennes » de l’art international du siècle.

Commissariat
Gilles Chazal, conservateur général, directeur du Petit Palais
Pilar Sáez Lacave, docteur en histoire de l’art
Susana Gállego Cuesta, conservatrice au Petit Palais

Parcours de l’exposition

L’exposition suit un parcours chronologique qui fait pénétrer le visiteur dans l’atelier de l’artiste. La photographie y joue un rôle primordial. On découvre un grand décorateur qui sait utiliser à son avantage les moyens de son époque et qui se révèle, par son usage très moderne de la photographie, un artiste attaché au XXème siècle.

Section 1 : « eh bien, c’est Michel-Ange ! »

Salle 1 : Vic, Paris-Barcelone, l’atelier, la première clientèle
Né à Barcelone en 1874, Sert s’installe à Paris en 1899, où il réside jusqu’à sa mort. Ses talents artistiques, son aisance sociale, sa personnalité et sa fortune séduisent : ses amis se comptent parmi les musiciens (Albéniz, Stravinsky, Falla), les peintres (Blanche, Picasso, Dalí), les écrivains (Claudel, Proust, Valéry), mais aussi dans la mode (Chanel) et la scène (Diaghilev, Cocteau). Sa rencontre avec Misia, muse des Nabis et femme du monde, lui ouvre de nombreuses portes. Son éclatante présentation du projet de décoration pour la cathédrale de Vic au Salon d’Automne de 1907 lui vaut une renommée immédiate. Il met au point une méthode de travail complexe où la photographie est exploitée bien au-delà de sa capacité à fixer objectivement les détails d’une image.

Salle 2 : Les Quatre Saisons, le « décor boîte »
Après ses premières commandes (le décor du salon de musique pour la princesse de Polignac, ou le décor pour Sir Saxton Noble), Sert devient rapidement le décorateur le plus couru du tout-Paris. Il peint ainsi Les Quatre Saisons entre 1917 et 1919 pour Arthur Capel, magnat de l’industrie et amant de Gabrielle Chanel. Il conçoit ce décor (ainsi que d’autres à la même époque) comme une « boîte », enfermant le spectateur dans un univers féerique.

Salle 3 : Commandes prestigieuses, thèmes et motifs
Dans les années 1920, Sert multiplie les projets pour une clientèle d’élite : le paravent pour la reine d’Espagne et les cartons de tapisserie pour son époux Alphonse XIII, le projet de décor pour Jules Pams le rapprochent des puissances politiques, le décor pour Maurice Wendel des forces économiques.

Salle 4 : L’atelier, rôle des maquettes, la photographie
Sert est un « baroque moderne », pétri de références à la grande tradition mais revendiquant l’actualité de son art. L’artiste, qui n’a jamais peint de fresques, réalise toutes ses oeuvres dans son atelier parisien. La maquette est à la fois une reconstitution de l’espace à décorer et un objet qui doit séduire le commanditaire. Avec l’aide de la photographie, il met en place une véritable «archive » visuelle utilisable à l’infini ; l’artiste puise dans un répertoire de motifs (comme les caravanes, les tours humaines…) pour construire des oeuvres comme le paravent Vision de Naples pour Gabrielle Chanel.

Section 2 : le monde bienheureux

Salle 1 : Vie personnelle, vie publique
Sert divorce de Misia en 1927 et épouse la jeune Roussadana Mdivani en 1928. En femme de son temps, celle-ci adore la mer ; Sert achète alors une maison sur la côte catalane pour passer les vacances, le Mas Juny. Dans les années 1930, elle devient le point de rencontre incontournable pour les mondains et les intellectuels. Au même moment, la Méditerranée prend une place de plus en plus importante dans son vocabulaire : des motifs déjà vus précédemment (tours humaines, rondes…) acquièrent pour l’oeil averti un caractère folklorique (« castellers », sardanes…).

Salle 2 : La cathédrale de Vic
Grâce à l’aide financière de Francesc Cambó, éminent politique et mécène catalan, Sert peut reprendre l’immense projet de décoration pour la cathédrale de Vic délaissé depuis quelques années. Un projet compact et unitaire, qui illustre le perfectionnement de sa méthode, dans une exécution soignée. Le jeu de Paume lui offre en 1926 la consécration, avec une exposition des toiles pour la décoration de Vic. L’installation du décor de la cathédrale , en 1927 – 1929, marque ensuite le zénith de sa carrière.
Œuvres exposées : maquette pour la cathédrale de Vic, esquisse pour « Le Calvaire », études photographiques, documents concernant le projet.

Salle 3 : Catalanisme, nationalisme, un atelier performant
Le succès de la cathédrale de Vic offre enfin à Sert des commandes publiques : la Mairie de Barcelone, la Mairie de San Sebastián, le Duc d’Alba confient à Sert le soin de décorer de grands espaces. La maîtrise technique acquise avec la décoration de Vic permet la mise en oeuvre rapide de ces projets à forte portée symbolique : l’atelier emploie santons et modèles humains dans des mises en scène de plus en plus vastes et complexes.

Section 3 : la merveilleuse industrie Sert

Salle 1 : Conquérir l’Amérique, l’ « espagnolade »
Bien que déjà très apprécié des milieux cossus de la côte Est des États-Unis, Sert devient célèbre avec le grand projet du « salon Sert » de l’hôtel Waldorf Astoria. La référence à Goya et le thème espagnol, déjà présents dans des oeuvres antérieures, se déploient somptueusement dans les oeuvres de cette époque.
Œuvres exposées : esquisses pour les Noces de Camacho, études photographiques, « Les Trapèzes » (panneau du décor Les Noces de Camacho), La Belle Maraîchère (carton pour tapisserie, Les Gobelins, 1932)

Salle 2 : Marionnettes, titans et acrobates
Dans les années 1930, les deux projets emblématiques de sa carrière arrivent dans l’atelier de Sert, qui se consacre à ces grands cycles : le décor pour la Société des Nations à Genève et le Rockefeller Center à New York. La production des décors publics diffère de la production des commandes privées : l’atelier adopte un fonctionnement double.
Pour résoudre les décors publics, Sert introduit dans sa méthode de travail l’utilisation des mannequins de bois articulés, qui lui permettent d’atteindre une grande abstraction (pour traiter des thèmes de grande envergure morale comme la Paix, le Progrès, la Justice…). Les décors privés exploitent des thèmes légers et festifs : acrobates et marionnettes s’y ébattent.

Salle 3 : Implication politique graduelle
La Guerre civile espagnole éclate en 1936 ; la cathédrale de Vic, symbole du catalanisme catholique, est brûlée et détruite dans les premières semaines du conflit. Sert apprend la destruction de l’oeuvre de sa vie en même temps que l’assassinat d’amis chers ; après des mois d’hésitations, il prend enfin parti pour la cause « nationale », comme nombre de ses amis français (dont Paul Claudel est l’exemple le plus illustre).
Œuvres exposées : esquisse pour l’Alcázar de Tolède et études photographiques, tapuscrit de Saint François de Paul Claudel avec dessins et estampes de Sert. Documents exposés : Paul Claudel, ode « Aux martyrs espagnols », documents représentant la cathédrale de Vic détruite, lettre de J.F. de Lequerica au ministre des Affaires étrangères, 28 mai 1940.

Salle 4 : L’oeuvre d’une vie
Le nouveau régime, avec Franco à sa tête, engage un vaste programme de reconstruction de l’Espagne, dans lequel s’inscrit la cathédrale de Vic. La renommée internationale de Sert intéresse fortement la propagande franquiste. L’artiste vieillissant, toujours en quête de reconnaissance et d’admiration, se prête de bonne grâce au jeu, qui lui permet d’atteindre son but ultime : reconstruire « sa » cathédrale. Les dernières années de sa carrière il ne travaille que pour l’Espagne. Sert est avant tout un amoureux de son pays et de son art, qui n’a cessé d’employer les références à sa terre natale malgré son ancrage vital si parisien. L’artiste meurt quasiment le pinceau à la main, laissant la cathédrale inachevée.
Œuvres exposées : deux esquisses pour « Le Calvaire » (troisième décor de la cathédrale de Vic), études photographiques.

Pratique

Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill - 75008 Paris
Tel: 01 53 43 40 00
Accessible aux personnes handicapées.

Renseignements et réservations
Tél : 01 53 43 40 36
Du mardi au vendredi de 10h à 12h
et de 14h à 16h

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 22 Février 2012 à 14:37 | Lu 1344 fois

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