L'Etranger, chorégraphie d'Emio Greco et Pieter Scholten, Théâtre du Gymnase, Marseille, 16 Mai 2014. Par Philippe Oualid

L'Etranger d'Albert Camus(1942), expression mythique de l'homme contemporain, où le personnage de Meursault incarne la sensibilité absurde analysée dans Le Mythe de Sisyphe, a séduit le danseur Emio Greco, nouveau directeur artistique du BNM, lorsqu'on lui a proposé, l'an dernier, de réaliser une chorégraphie à partir de ce texte.


Il s'inspire de cette écriture neutre, amodale, impassible devant les jugements, en degré zéro, selon le mot de Roland Barthes, pour accomplir dans un solo d'une heure, ce style de l'absence qui se réduit au mode négatif d'états inertes en face d'évènements qui ne nous appartiennent plus.

Pas d'adaptation ni de transcription du récit donc, mais des tableaux qui évoquent par le biais d'une gesticulation burlesque, constamment déconstruite, des faits triviaux de la vie quotidienne, la dépression profonde d'un corps qui baigne dans un climat étouffant, un meurtre gratuit, la plongée dans l'univers carcéral, et une exécution capitale devant une impressionnante scénographie de Pieter Scholten, constituée par des centaines d'ampoules qui éclairent des lettres, des mots tronqués ou des phrases du roman, et délimitée par trois écrans qui projettent des images de synthèse de personnages anonymes, du corps nu embourbé ou du visage surmené du danseur.

Un spectacle angoissant dans l'ensemble, qui réactualise des inquiétudes sur l'étrangeté et l'absurdité de la condition humaine, mais qui correspond parfaitement au message que Camus cherchait à délivrer au cours de ces années si sombres de la colonisation de l'Algérie par les autorités politiques et juridiques de la France occupée...
Philippe Oualid

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 22 Mai 2014 à 03:56 | Lu 238 fois
Pierre Aimar
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