L’éloge de la fragilité. Exposition de Véronique Ognar au Musée international de la chaussure de Romans, du 26 novembre 2016 au 3 avril 2017

« C’est parce que l’homme est fragile qu’il a besoin de se serrer contre les autres pour se tenir debout,… au centre de ce monde se trouve sa force, aussi ténue qu’une aile de papillon, aussi tendre qu’une rose épanouie. Nous savons à présent que nous sommes mortels, que notre bonheur est un souffle, notre vie un cadeau et que d’aimer nous sauve… » - Véronique Ognar – 14 novembre 2015


« Après la nuit » pour Pascal - Détail - 2016 - Technique mixte : Nuages de verre filé, néon, charbon (bois brûlé), gouttes de verre © Photo : Jean-Christophe Rey-Robert

Après la nuit… Installation pour Pascal

L’exposition s’ouvre sur une installation. Flottant entre réel et imaginaire, des nuages de verre, interaction entre lumière et matière, plongent d’emblée le visiteur au cœur du questionnement de l’artiste sur la finitude de l’homme, sa vulnérabilité.
Monochromes, entre transparence et opacité, les sculptures de fils de verre focalisent ombre et lumière, le verre nous emmenant au-delà de la transparence.
Ces œuvres suspendues, d’apparence fragile, sont interconnectées, en compositions d’équilibre. Si la sculpture est affranchie du sol, elle ne l’est pas du plafond auquel elle s’arrime pour ne pas dériver.

Ces graphies de nuages, de brumes et de brouillards, forment un espace où se projettent les pensées de l’artiste, fruits de sa perception du monde, de la fuite du temps. Un état entre tangible et imperceptible, entre concret et vain, entre ombre et lumière, entre terre et paradis… entre la vie et la mort.

Le thème de l’ombre est forcément lié à celui du temps qui passe. Apprivoiser l’ombre, c’est aussi apprivoiser le temps puisque l’une dépend étroitement de l’autre. La projection de l’ombre sur le mur d’accrochage fait partie intégrante de l’œuvre : « Après la nuit ». L’ombre provoque un dédoublement des sculptures. De l’apprivoisement de l’espace et de son conditionnement résulte une fusion entre l’œuvre et son contexte d’exposition. Cette lumière et cette ombre, en les frôlant, sont seules révélatrices des sculptures froissées, embrumées et glacées de l’artiste.

L’incolore des nuages est la symbolique de valeurs de pureté, de légèreté, de fragilité, de l’inaccessible… Il s’oppose au noir du charbon, évocation du feu, de la terre, du proche et à la lumière du néon, évocation de la connaissance, du premier feu offert par la première foudre, de l’émotion procurée par le danger immédiat de la brûlure, promesse de chaleur et par la reconnaissance d’une offrande venue du ciel, apportant le savoir, la sortie des ténèbres.

L’illustration sonore qui accompagne cette réalisation est une composition de Gérard Maimone. On y retrouve tous les thèmes évoqués plus haut, le cristal des gouttes, la menace des grondements forts du tonnerre, l’évocation de la nature tout à tour clémente ou hostile et le souffle de l’homme fragile, vulnérable et paradoxalement endurant qui ne rêve que de s’affranchir du néant.

Ardent et brûlant. Installation pour Maureen

La seconde partie de l’exposition présente des bas-reliefs, des tableaux où la matière est partout présente, complexe, résultante d’un agglomérat de multiples composants. Les empreintes qui accompagnent cette matière ont un rôle fonctionnel d’écriture, les creux et les vides comme des mots, transmettent un message et les lignes le transcendent.

Il y a également le rôle primordial du reflet, l’image du spectateur dans l’œuvre, spectrale, le faisant un moment devenir acteur de ses créations.

Ces compositions dont les formes simples dessinent des constructions graphiques précises, sont, comme précédemment les sculptures, captatrices de lumière, captatrice d’ombre. Elles dévoilent un langage intime qui refuse de rester figé, la lumière relançant le mouvement.

Ces réalisations sont la poursuite des réflexions de l’artiste sur la vulnérabilité, elle interroge la temporalité.

Au cœur de l’exposition se trouvent de petites sculptures, évocation de l’origine de la vie sur terre. Une attention particulière a été accordée à un rendu de pureté par l’utilisation du simple verre transparent.
Ces réalisations, opposées à la cendre, se jouent de l’instabilité. Elles sont l’évocation d’un mouvement éphémère figé, d’un souffle, l’évocation d’une anémone gelée, d’un tremblement arrêté, d’une fleur prise dans une gangue froide.

Elles sont l’évocation d’un monde minéral, végétal, animal et contiennent cette notion d’hybridité conférée par des contraires qui se complètent. La froideur transparente du verre se confronte au velouté opaque de la cendre, l’apparence glacée se confronte à l’évocation du feu. Feu et glace, éléments majeurs de cette exposition.

Infos pratiques


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 13 Décembre 2016 à 14:13 | Lu 519 fois
Pierre Aimar
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