« L’histoire du soldat », pour l'ouverture du 23e Festival Russe au Théâtre Toursky à Marseille

« L’Histoire du Soldat » a ouvert mardi 20 mars 2018 ce 23e Festival russe dans une salle comble : une adaptation de Marianne Sergent, à la gouaille unique, qui revisite le texte de Ramuz en lui offrant un relooking sensible, tout en humour…


Photo Patrick Messner
Richard Martin signe une nouvelle mise en scène où il endosse les rôles du narrateur et du soldat. À leurs côtés, sept excellents musiciens sous la direction du chef d’orchestre Jean-Philippe Dambreville.
Créée il y a cent ans, en 1918 dans une mise en scène de Georges Pitoëff L’histoire du soldat, est une des œuvres majeures d‘Igor Stravinsky. Il propose une succession de courts tableaux musicaux puisant leurs sources dans le jazz et dans des danses très en vogue à l’époque telles le tango, le ragtime ou le paso doble.

On ne corrompt pas la culture
Il faut connaître « l’histoire du soldat » de Stravinsky pour apprécier cette mise en scène absolument intentionnelle dans le côté burlesque. Cette « Histoire du Soldat » revisitée respecte le mimodrame y ajoutant la parole, une pantomime, un ensemble de gestes, de jeux, qui accompagnent et renforcent le langage parlé. Si une partie du public peut être surprise au premier abord, on a tôt fait de comprendre ce qui se joue en arrière-plan. C’est là toute la beauté de cette histoire qui se déroule comme autant de tableaux scandés par la musique de Stravinsky, admirablement interprétée par les musiciens sur scène. Ici, le démon n’est pas un jusqu’au-boutiste sarcastique ; le soldat ne vend finalement pas son âme au diable, même s’il se laisse tenter par une tablette connectée et le CAC 40. Ici on défend la culture et la culture ne peut se laisser corrompre. Le texte est dit d’une manière intimiste de la part du soldat, façon cabaret pour le diable. La confrontation de ces deux styles donne un mélange décapant et singulier permettant aux accessoires visuels de la mise en scène d’occuper magnifiquement l’espace. Blanc sur noir, en fond, en surimpression, des visages, des contours de personnages animés, des phrases écrites ponctuent les mots, les enrobent, amorce ou complète le récit. Toute une agitation vidéo dynamisant l’espace, apportant une modernité, une contemporanéité intelligente qui fait le lien entre les personnages et l’idée fondamentale de cette réalisation : la défense de la culture, la lutte de l’homme-soldat contre l’anéantissement de l’esprit programmé par un néolibéralisme acharné.

Au-devant de la scène : Léo
Qui, mieux que Léo Ferré, le frangin, pouvait incarner cette lutte, cette aspiration à la liberté? Richard Martin n’est ni un « taiseux » ni un « oublieux ». Son frère, son mentor, ne pouvait manquer à l’affiche. Les citations de Léo cisèlent cette histoire du soldat et son visage se lève sur la pièce, rappelant aux hommes la nécessité de penser.

‘’Créer, c’est résister. Résister, c’est créer.’’
Le théâtre Toursky, dans cette mise en scène de « l’histoire du soldat » revendique une fois de plus son rôle d’agitateur des esprits, de passeur de culture.
« Aussi, écrit Stéphane Hessel en 1917, appelons-nous toujours à ‘’une véritable insurrection pacifiste’’ contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous.
A ceux et à celles qui feront le XXIe siècle, nous disons avec notre affection :
‘’Créer, c’est résister. Résister, c’est créer.’’ »

Tout ce qui caractérise l’humanité se résume par le mot culture. Merci à Marianne Sergent, à Richard Martin et au théâtre Toursky pour cet intense moment de revendication jubilatoire.
Danielle Dufour-Verna

Le festival russe continue au Théâtre Axel Toursky
www.toursky.fr
tél. 04 91 02 58 35

Pierre Aimar
Mis en ligne le Samedi 24 Mars 2018 à 20:19 | Lu 330 fois
Pierre Aimar
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