L’italien Filippo Zapponi remporte le 6e Concours International de Composition du Festival Pablo Casals de Prades

Il est des minutes qui sont interminables. Figés au pied des marches conduisant à la scène de la salle de Foirail, Sumio Kobayashi, Igor Maia et Filippo Zapponi sont pendus aux lèvres de Marc-André Dalbavie chargé d’annoncer le résultat des votes fomenté par les membres du Jury pendant une longue délibération à l’issue du concert.


Le podium - Filippo Zapponi - Lauréat du concours; Igor Leão Maia et Sumio Kobayashi
« L’œuvre « Naper » de l’italien Filippo Zapponi est la pièce lauréate du 6ème Concours International de Musique du Festival Pablo Casals ». Sous les applaudissements nourris des spectateurs, Karine Lethiec, Directrice Artistique de l’Ensemble Calliopée, remet le 1er Prix du Concours à Filippo Zapponi aux côtés d’Yves Decœur, Directeur Général de Inelfe, mécène principal de cette sixième édition et Anne-Marie Brun, adjointe à la Culture de la mairie de Prades. Ému, le compositeur italien n’en oublie pas, avec félicité, de remercier les musiciens de l’Ensemble Calliopée : « Je suis très content que mon œuvre ait plu aux membres du Jury. Je remercie les musiciens de l’Ensemble Calliopée avec qui j’ai eu un excellent et agréable accueil. Quand on a une idée abstraite en tête de la pièce et quand on l’entend, tout d’un coup, lors du concert, votre imagination prend vie... ils l’ont joué idéalement ! Je suis très heureux ! »

Le japonais Sumio Kobayashi et le brésilien Igor Maia se partagent la deuxième place.

Biographie de Filippo Zapponi

Filippo Zapponi (Milan, 1976) compose sa première pièce à l’âge de 12 ans. En 1994, il commence à étudier la composition avec Ivan Fedele et Giorgio Colombo Taccani à la Civica Scuola di Musica di Milano et à la Sezione di Musica Contemporanea, à Milan (Italie). Il intègre ensuite la classe d’Ivan Fedele au Conservatoire « Giuseppe Verdi » de Côme et il obtient, en 2000, le diplôme de composition avec les félicitations du jury à l’unanimité. Depuis 1997, il étudie avec Ivan Fedele également au Conservatoire de Strasbourg où il obtient le diplôme en composition en 2001. En 1999-2000, il est l’assistant de Fedele et, en 2000-01, il travaille à Florence au Centro Tempo Reale de Luciano Berio.

Filippo Zapponi s’établit à Strasbourg en 2001. La même année il étudie avec Brian Ferneyhough, Brice Pauset et Stefano Gervasoni lors de la Session de composition du programme « Voix nouvelles » à la Fondation Royaumont (Asnières-sur-Oise, près de Paris) ; il se perfectionne à nouveau avec Ferneyhough à Avignon, au Centre Acanthes, en 2002. Sélectionné à deux reprises par le Comité de lecture de l’Ircam, il fréquente à Paris le Stage d’été (2006) et le Cursus I (2008-09) où il se spécialise dans les nouvelles technologies avec Yan Maresz, Philippe Hurel, Philippe Manoury et Marco Stroppa.

De 2004 à 2007, il étudie la composition et l’analyse avec Karlheinz Stockhausen (Stockhausen Courses Kürten) à Kürten, près de Cologne, en Allemagne ; à la Fondation Stockhausen pour la musique (Stockhausen – Stiftung für Musik Kürten) il organise également la rencontre entre les compositeurs participants. En 2007, il obtient un Master II-Recherche en Musicologie, avec la mention « Très bien », à l’Université de Strasbourg, avec un mémoire sur l’opéra Freitag aus Licht de Stockhausen.

En France, Filippo Zapponi réalise également de nombreux projets à vocation pédagogique, tels quels l’opéra pour enfants Opera mundi (2003) et Le voyage des grues cendrées (2008), ce dernier obtient le prix S’Unir pour agir de la Fondation de France. Il collabore régulièrement avec la compagnie de danse franco-allemande Blicke, lors de plusieurs productions internationales.
Depuis 2005, il enseigne la composition, l’analyse et l’orchestration au Cfmi (Centre de Formation de Musiciens Intervenants) à l’Université de Strasbourg ; depuis 2008, il enseigne également la composition, l’analyse et l’orchestration au Conservatoire à Rayonnement Régional « G. Pierné » de Metz Métropole : il est Professeur d’Enseignement Artistique à temps plein depuis 2011 et titulaire depuis 2014. Il donne parallèlement des séminaires d’analyse appliquée au Cefedem de Lorraine. Filippo Zapponi a remporté plusieurs prix internationaux et ses œuvres sont interprétées en Europe, en Amérique du Sud et aux États-Unis. Il collabore avec de nombreux ensembles, solistes et festivals : Arditti Quartet, Mario Caroli, Jeffrey Lyman, Ensemble Linea, Sentieri selvaggi, Radio Svizzera, Fondation de France, Musée Würth-France, Mamc-Strasbourg, Opéra-Théâtre de Metz, Arsenal, Opéra National du Rhin, France Culture, Festival Musica, University of Michigan, Ircam, etc.
Les prochains projets incluent quatre créations mondiales : L’Horizon absolu, pour quatuor à cordes, interprété par le Quatuor Leonis, à la 59e Biennale de Venise (2015) ; Pasiphaé, pour cor de basset et électronique, interprété par Michele Marelli (2015) ; Kairos interprété par Accroche Note (2015-16) ; la reprise d’Hypérion-Éos pour basson et électronique à Claremont (Californie) et en Chine, ainsi que la création de Natural Optical Water, pour sept musiciens, échantillons d’eau, dispositif optique et électronique (commande de l’Expo Milano 2015). Natural Optical Water sera interprété deux fois par l’Ensemble Sentieri Selvaggi dans le Pavillon Italie à l’Expo Milano 2015.

Œuvre en compétition : « Naper »

Naper – la troisième pièce du cycle Time-cycles – est en cinq sections :
Inafferrabile, leggerissimo, trasparente (Insaisissable, très léger, transparent) : des étincelles de « temps coloré » jaillissent du silence et y replongent. Des traces des événements futurs – compressés – y sont encodées.

Profondamente calmo, impercettibilmente espressivo (Profondément calme, imperceptiblement expressif) : le code génétique de Naper est exposé au violoncelle : cinq phrases profondément calmes, presque expressives, se déploient lentement. Elles se ramifient ensuite vers le violon et le piano qui les restituent et les reflètent étirées ou compressées dans le domaine du temps et des hauteurs : le temps (tempo/durées) et l’espace métaphorique des fréquences sont soumis aux mêmes lois et se modifient proportionnellement de manière indissociable. Un jeu de diffractions des cinq « phrases fondatrices » fait apparaître jusqu’à sept plans sonores simultanés ; deux parmi eux sont une « relecture non linéaires » à un tempo différent des autres cinq : la deuxième section renferme ainsi une « fenêtre » sur elle-même. Un fragment de la première musique écrite léguée par l’Antiquité grecque y fait une apparition fugace – écho et espoir d’une musique aurorale. Trace lumineuse indécelable car absolument intégrée dans le tissu sonore.

Irrequieto, frenetico, con colore (Nerveux, frénétique, coloré) :
ce qui était horizontal est comprimé dans la dimension verticale. La compression libère une énergie rythmique et colorée à l’élan dansant et frénétique.

Morphing : La quatrième section est un « morphing » (transformation graduelle) non-linéaire entre une version variée et compressée des cinq « phrases fondatrices » exposées au violoncelle au début de la Section II (le « code génétique » de Naper) et la texture du piano de la dernière section. Elle se compose de plusieurs classes d’événements musicaux : une partie principale (les étapes du morphing), des déclencheurs de celle-ci, des hétérophonies, des ombres, des delays, des événements indépendants et des flashforwards (anticipations du point d’arrivée du morphing).

Echoing green : dernière émanation du code génétique. Les cinq phrases fondatrices sont énoncées à la main droite du piano, étirées dans le temps et proportionnellement dans « l’espace » fréquentiel. Elles se réverbèrent dans la texture bruissante à l’arrière-plan et y laissent des traces qui en perturbent la régularité ; ce milieu élastique et insaisissable – basé sur un empilement flottant de quintes – tend sans cesse à redevenir à son état initial. Le violon et le violoncelle s’inscrivent dans ce processus en en multipliant les plans sonores et temporels ; le violoncelle cristallise des phrases lentes en contrepoint au « code génétique » joué au piano, tandis qu’une iridescence lumineuse et instable irradie du violon, écho de la texture verte à l’arrière-plan.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 22 Avril 2015 à 16:06 | Lu 284 fois
Pierre Aimar
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