La Bohème de Puccini en clôture de saison lyrique Monégasque, par Christian Colombeau

Un spectacle novateur et coloré. Et vlan du balai !! Inventif, exigeant, Jean-Louis Pichon, qui prend le droit d’innover, d’imaginer et de toujours surprendre, qui en use et en abuse (dans le meilleurs sens du terme), qui a de plus la politesse de respecter le public, de ne jamais ennuyer, présente ce mois-ci au public monégasque, La Bohème de Puccini, en coproduction avec l’Opéra Royal de Wallonie et de Saint-Etienne.


Jean-Louis Pichon
Spectacle qui se veut donc novateur dans son approche, coloré, un tantinet réaliste, toujours rigoureux car fait de mille petits gestes et dialogues qui font la vie de tous les jours.
Foin des éternels bohèmes de pacotille crevant la dalle sous les mansardes de Paname. A la place, des bobos-dandys bling-bling, luxueusement installés, jouant la comédie de la misère et prenant conscience des choses de la vie lors de l’agonie de l’héroïne, plus volontaire dans son appétit de vivre que l’éternelle oie-blanche sacrifiée sur l’autel du Mont de Piété.
Encore une fois cette approche enchantera les uns (dans les costumes de Frédéric Pineau, un deuxième acte aux lumières psychédéliques, vraie débauche de sons, d’animation, de couleurs vives, puis, cerise sur la gâteau, cette valse de Musette traitée comme un show à l’américaine avec boys et escalier… comme au Lido !), ou agacera les atrabilaires de service.
Telle une éclaircie rare dans la production opératique d’aujourd’hui, sans violence, sans trahison, sans blasphème.
Toute de tendresse et de vulnérabilité, Inva Mulla chante une bouleversante Mimi. La diva albanaise fait ressortir avec une touchante délicatesse mélancolique, toute l’humanité, toute la vérité du personnage. Sa voix agile, lumineuse dans l’aigu, accroche, comme accroche un timbre suffisamment dramatique pour exprimer les sentiments profonds qui sont les siens.
Surprise de taille également avec Laura Giordano, Musette débordante d’énergie vocale et scénique. Voix chaude, vibrante (les si ont du chien !), jeu de comédienne d’une élégance rarement de mise dans ce rôle.
Le Marcello de George Petean crève l’écran, d’une solide dimension, toujours très précis, très musical. Comment ne pas citer aussi le Colline de Gabor Bretz qui apporta à la « Vecchia zimarra » une émotion dépourvue de tout débordement sentimental ? Il forme avec le Shaunard bien en place d’Etienne Dupuis un drôle de couple équivoque… que l’on dirait prêt à se pacser avant l’heure…
Déception de taille avec Stefano Secco, ténor de classe certes… mais assumant en première partie un minimum syndical indigne de la première scène de la Principauté.
Fallait-il l’autoriser à aller se « reposer » en début se semaine à Berlin pour chanter dans Simon Boccanegra ? On retrouva heureusement en fin de soirée, son timbre rare, son élan, sa ferveur, qui font de lui une vraie présence lyrique.
Dans la fosse, Antonino Fogliani privilégie l’élégance du phrasé, la poésie lunaire de la mélodie, l’abandon élégiaque et la sensualité à fleur de peau des amours exprimées.
Ce jeune chef ne laisse jamais heureusement dans l’ombre l’aspect tragique de la partition. Les épanchements sensuels des prolétaires protagonistes vont faire longtemps pleurer dans les palaces de la Riviera… Orchestre, Chœurs et seconds rôles (Bonfiglio, Vinciguerra !!!) comme toujours impeccables.
Christian Colombeau
Vendredi 16 avril 2010

Christian Colombeau
Mis en ligne le Samedi 17 Avril 2010 à 10:01 | Lu 2676 fois
Christian Colombeau
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