La Flûte enchantée @ Dominique Jaussein pour l'Opéra Nice Côte d'Azur
Mise en scène réussie. Cédric Klapisch, réalisateur reconnu pour ses trente ans de carrière et ses films cultes, fait ses débuts à l'opéra avec La Flûte enchantée pleine de magie et d’actualité. De l'audace (bravo à Michel Franck), un duo de choc (Klapisch/Mozart), une œuvre célèbre (la plus célèbre de Mozart !) et un message humaniste universel porté avec grâce et talent.
Klapisch endosse à merveille le rôle, mettant en lumière l'intemporalité de l'œuvre tout en y apportant poésie, finesse, un clin d'œil à l'actualité et une touche d'humour, offrant ainsi une version vibrante et résolument actuelle de ce chef-d'œuvre. Klapisch choisit également de traduire les dialogues en français, dans un langage simple et accessible, créant ainsi une connexion immédiate et naturelle avec le public. Cette approche permet de rendre l'œuvre encore plus vivante et proche de l'expérience contemporaine, tout en conservant la richesse de son message.
Klapisch endosse à merveille le rôle, mettant en lumière l'intemporalité de l'œuvre tout en y apportant poésie, finesse, un clin d'œil à l'actualité et une touche d'humour, offrant ainsi une version vibrante et résolument actuelle de ce chef-d'œuvre. Klapisch choisit également de traduire les dialogues en français, dans un langage simple et accessible, créant ainsi une connexion immédiate et naturelle avec le public. Cette approche permet de rendre l'œuvre encore plus vivante et proche de l'expérience contemporaine, tout en conservant la richesse de son message.
Réflexions philosophiques
Klapisch a une manière unique de jouer avec les émotions humaines, les relations et les dynamiques de groupe, des thèmes qui résonnent profondément dans cette œuvre. La Flûte enchantée, riche en symbolisme, explore la quête de sagesse, la recherche de la vérité, le rôle des femmes et le consentement. Elle met en lumière l’opposition entre lumière et obscurité, le pouvoir de la musique et de la transformation, ainsi que le cheminement vers l’avenir.
L’œuvre aborde également des thèmes liés à la franc-maçonnerie, notamment la recherche de la vérité et l’acquisition de sagesse, des principes fondamentaux de cette tradition. Ces éléments ajoutent une dimension symbolique et morale qui invite le spectateur à réfléchir sur la condition humaine. Mozart, membre de la franc-maçonnerie depuis 1784, a laissé cette influence marquer ses œuvres, dont La Flûte enchantée. Une partie de la structure de l’opéra pourrait être vue comme un triptyque, avec un trio de garçons, un trio de femmes et des épreuves initiatiques, symbolisant un parcours de transformation et de quête de sagesse.
L’œuvre aborde également des thèmes liés à la franc-maçonnerie, notamment la recherche de la vérité et l’acquisition de sagesse, des principes fondamentaux de cette tradition. Ces éléments ajoutent une dimension symbolique et morale qui invite le spectateur à réfléchir sur la condition humaine. Mozart, membre de la franc-maçonnerie depuis 1784, a laissé cette influence marquer ses œuvres, dont La Flûte enchantée. Une partie de la structure de l’opéra pourrait être vue comme un triptyque, avec un trio de garçons, un trio de femmes et des épreuves initiatiques, symbolisant un parcours de transformation et de quête de sagesse.
Jean-Chrisophe Spinosi galope entre la scène et la fosse
Avec sa capacité à doser les tempi, à mettre en valeur les nuances délicates et à amplifier les moments plus intenses, il a rendu la musique de Mozart vivante et émouvante, tout en respectant l'esprit maçonnique et philosophique sous-jacent à l'opéra. Les moments de légèreté, de comédie et de drame ont été magnifiquement dosés, faisant en sorte que l'orchestre et la scène se fondent harmonieusement dans un tout cohérent et exaltant. Spinosi a offert une prestation où la virtuosité technique et l'émotion étaient parfaitement en équilibre, capturant l'essence même de La Flûte enchantée. Il est clair que ce répertoire mozartien, avec ses contrastes, sa richesse et sa profondeur, correspond parfaitement au talent de Spinosi, qui parvient à en rendre toute la beauté et l’émotion. Sa prestation sur La Flûte enchantée est un exemple de la manière dont un chef d’orchestre peut rendre la musique vivante et pleine de sens.
Les personnages clés
Papageno est l'un des personnages les plus attachants et complexes de l’opéra. Comédien à la fois naïf, farfelu et profondément humain, il apporte un contraste essentiel à la grandeur spirituelle de l’opéra. Pour ma part, j'ai vu en Papageno l’incarnation de la folie, de la joie, de la jeunesse et de la fougue de Mozart, avec une touche d'humour qui apportait une fraîcheur immédiate à l’œuvre. Son interprétation, pleine de vie et d'énergie, se distinguait par un langage léger et actuel, qui rendait le personnage encore plus accessible et réaliste. La gestuelle expressive du personnage renforçait cette impression, offrant une performance spontanée et vibrante. Le public en totale connexion avec cette interprétation dynamique et sincère, réagissait instantanément avec des applaudissements et des rires. Il est le reflet de l'humanité dans sa forme la plus pure et naturelle, sans artifices, et c’est cela qui donne au personnage une dimension universelle, rappelant à chacun de nous l'importance de l'amour, de l'humilité et de la joie. Joan Martin-Royo, avec sa voix saine et fraîche, incarne un Papageno idéal, promis à un bel avenir. Sa prestation vocale se distingue par un baryton chaleureux et plein, au timbre rond, parfaitement adapté au caractère comique et terre-à-terre du rôle.
La reine de la nuit puissante, manipulatrice et en quête de vengeance, elle représente la lutte contre la lumière et incarne les forces de l’obscurité et de la destruction. Mère de Pamina, elle cherche à récupérer sa fille, qu’elle a perdue sous l’influence de Sarastro, le grand prêtre. Son désir de vengeance envers Sarastro et sa manipulation de Pamina pour accomplir ses fins en font un personnage fascinant, tiraillé entre l’amour maternel et l’ambition destructrice. La prestation vocale de Tetiana Zhuravel, mérite d’être saluée comme un véritable exploit. Avec ses vocalises, elle transforme sa voix en un instrument à part entière, créant une puissance et une précision impressionnantes qui captivent le public. Les aigus perçants et les ornements délicats qu’elle exécute avec une telle maîtrise apportent une dimension presque surnaturelle à son personnage, accentuant sa nature énigmatique et terrifiante. On songe à Edda Moser ou Rita Streich en l’écoutant.
Tamino (le prince) est un personnage symbolique, représentant l'humanité dans sa quête de sens et d'illumination. Son amour pour Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, est un moteur de son voyage, et il doit prouver sa valeur à travers des épreuves initiatiques. Il incarne donc la recherche de l'équilibre entre le monde matériel et spirituel, un thème central dans la philosophie maçonnique que Mozart explore à travers l'œuvre. En somme, Tamino est à la fois un héros romantique et un symbole de l'aspiration humaine à la sagesse et à l'illumination. Dans le rôle, Joël Prieto est un ténor dont la voix se distingue par une justesse impeccable et une musicalité raffinée. Son timbre est lumineux. La voix est saine et agile, associée à une technique précise qui lui permet d'atteindre des nuances subtiles tout en maintenant une grande clarté et une aisance dans les registres aigus.
Pamina Fille de la Reine de la Nuit et de Sarastro, incarne la pureté, la douceur et la noblesse d’âme. Son parcours initiatique se tisse à travers sa relation avec Tamino, qui la sauve et partage avec elle un idéal de vérité et de sagesse. Son personnage incarne la transition entre l’ignorance et la sagesse, entre la lumière et l’obscurité, dans un voyage où l’amour et la vérité prévalent sur les forces destructrices. Sydney Mancazola possède une belle voix de soprano, avec une projection solide et des phrasés mozartiens impeccables. Sa grande musicalité se manifeste à travers chaque note, apportant une fluidité et une élégance qui enrichissent son interprétation, et renforcent la profondeur émotionnelle de son rôle.
Sarastro est le chef d'un culte secret qui organise des épreuves initiatiques afin de guider les jeunes personnages vers la maturité et la sagesse. Le rôle de Sarastro exige une basse profonde et une grande maîtrise technique. La voix d'Antonio Di Matteo, avec son timbre sombre et résonnant, incarne parfaitement l'autorité tranquille et mystérieuse du personnage. Sa maîtrise du registre grave, riche et puissant, véhicule avec une grande finesse la sagesse et la gravité qui caractérisent son rôle.
Monostatos est parfois présenté comme un personnage à la fois ridicule et inquiétant. Il est souvent dépeint de manière grotesque, mais sa nature double (à la fois comique et menaçante) permet à l'interprète de jouer avec des contrastes vocaux et théâtraux. Marc Laho, par son talent, a su rendre ce rôle intrigant et moins unidimensionnel, apportant une certaine légèreté à la part de comédie tout en accentuant l'aspect inquiétant du personnage lorsqu'il montre plus d'autorité. La vocalité de Marc Laho dans le rôle de Monostatos est à la fois puissante et agile. Son timbre de ténor, sombre et expressif, lui permet de donner une grande intensité à son personnage. Il maîtrise parfaitement les nuances, alternant entre des passages menaçants et des moments plus vulnérables, tout en conservant une certaine fluidité dans les aigus.
Le reste de la distribution s'élève également à un niveau exceptionnel, offrant un plateau vocal parfaitement harmonieux. Chaque voix, sans fausse note, se complète avec finesse, créant une cohésion remarquable. L'ensemble des interprètes, portés par un esprit de troupe, offre une véritable prestation collective qui magnifie l'œuvre, avec une synergie vocale impressionnante.
Le décor, les marionnettes d’ombres, les textures et le jeu de lumière. L'ensemble de ces éléments visuels permet non seulement de traduire visuellement les aspects philosophiques et symboliques de l'œuvre, mais aussi de nourrir une expérience immersive où le spectateur se perd dans un monde à la fois onirique et très concret. L'utilisation de marionnettes d'ombres est particulièrement fascinante. Les marionnettes d'ombres jouent un rôle dans le contraste entre le visible et l'invisible, la vérité et l'illusion. Les textures utilisées dans les décors contribuent probablement à l’intensification des transitions entre les différents mondes : l'initiation, le monde des ténèbres, et celui de la lumière. Le jeu de lumière est sûrement un outil majeur pour traduire l'évolution spirituelle et émotionnelle des personnages. Les jeux de lumière entre l'ombre et la clarté reflètent les thèmes de l'œuvre, notamment la lutte entre le bien et le mal, la recherche de la vérité et l’ascension vers la sagesse.
Les costumes, véritables pièces de haute couture, apportent un raffinement remarquable. Laurent Delvert se distingue par sa capacité à créer des costumes qui non seulement soutiennent l’histoire, mais renforcent aussi les thèmes et symboles de l’opéra. Il réussit à les intégrer dans la mise en scène de manière à ce qu'ils deviennent essentiels à l’expérience visuelle et émotionnelle.
La robe argentée et la tiare de la Reine de la Nuit, d'une beauté saisissante, ajoutent une majesté éclatante à sa présence. L'argenté, symbole de lumière, contraste magnifiquement avec l'obscurité de son rôle, créant une figure à la fois fascinante et menaçante. La tiare, quant à elle, souligne l'extravagance et l'aura surnaturelle de ce personnage envoûtant, captant immédiatement l'attention et renforçant l'intensité de son interprétation.
La flûte magique et le carillon deviennent alors des instruments de transformation, tout comme les épreuves des personnages eux-mêmes. L’usage de ces objets comme des catalyseurs émotionnels et narratifs renforce encore l’idée que cet opéra est bien plus qu’un simple conte. Ces instruments, « précieux comme de l’or », sont des porteurs de lumière, de vérité et de sagesse, et ils structurent l’expérience musicale et visuelle de l'œuvre. « La farandole » dans la pièce est un clin d'œil qui illustre bien la manière dont Klapisch transforme l'opéra en une expérience vivante et immersive, où l’on se retrouve entre l’humour, la profondeur et la magie.
Le cœur final de La Flûte enchantée est, sans doute, l’une des plus belles et profondes expressions de l’œuvre, symbolisant l’aboutissement de la quête initiatique, l’ascension spirituelle, et la réconciliation entre l’obscurité et la lumière.
Ce moment final est une célébration de l’amour, de la sagesse, et de l’harmonie retrouvée. Les épreuves sont surmontées, les personnages ont triomphé des ténèbres et des obstacles. La scène finale souvent marquée par la présence de lumière et de cloches est celle où Tamino et Pamina sont unis, et où la paix règne enfin sur le royaume de Sarastro. Il s'agit d’un message d’amour pur et de fraternité, qui transcende les conflits et les illusions du monde matériel. La musique de Mozart dans ce dernier acte, avec ses harmonies parfaites et ses accords brillants, magnifie ce message d’unité et de réconciliation universelle.
Ce pouvoir de la musique est véritablement un chant à l’amour et à la paix, des valeurs qui résonnent plus que jamais, même 250 ans après la création de l’opéra. Mozart aurait sans doute été touché par cette version qui lui correspond pleinement, car elle capture l’essence de son génie. Ce qui est remarquable chez Mozart, c’est sa capacité à insuffler de la légèreté dans des œuvres profondément philosophiques et spirituelles, créant ainsi une harmonie entre la profondeur et la simplicité, entre le sérieux et la joie. C’est cette faculté à rendre l’intime universel et l’élevé accessible qui fait toute la beauté de son travail.
La magie opère pleinement et le public ressort .... enchanté.
Leïla METINA-BOUCHOUR
Leila.metina@gmail.com
Photo Dominique Jaussein pour l’opéra de Nice
Distribution
Direction musicale : Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène : Cédric Klapisch
Costumes : Laurent Delvert
Tamino : Joel Prieto
Pamina : Sydney Mancasola
Papagéno : Joan Martin-Royo
Papagéna : Veronika Seghers
Sarastro : Antonio Di Matteo
Sprecher : Barnaby Rea
Monostatos : Marc Laho
La Reine de la nuit : Tetiana Zhuravel
Première dame : Judith Van Wanroij
Deuxième dame : Valentine Lemercier
Troisième dame : Ahlima Mhamdi
Premier homme d’arme/Deuxième prêtre : Frédéric Diquero
Deuxième homme d’arme/Premier prêtre : Matthieu Toulouse
Cœur de l’opéra de Nice
La reine de la nuit puissante, manipulatrice et en quête de vengeance, elle représente la lutte contre la lumière et incarne les forces de l’obscurité et de la destruction. Mère de Pamina, elle cherche à récupérer sa fille, qu’elle a perdue sous l’influence de Sarastro, le grand prêtre. Son désir de vengeance envers Sarastro et sa manipulation de Pamina pour accomplir ses fins en font un personnage fascinant, tiraillé entre l’amour maternel et l’ambition destructrice. La prestation vocale de Tetiana Zhuravel, mérite d’être saluée comme un véritable exploit. Avec ses vocalises, elle transforme sa voix en un instrument à part entière, créant une puissance et une précision impressionnantes qui captivent le public. Les aigus perçants et les ornements délicats qu’elle exécute avec une telle maîtrise apportent une dimension presque surnaturelle à son personnage, accentuant sa nature énigmatique et terrifiante. On songe à Edda Moser ou Rita Streich en l’écoutant.
Tamino (le prince) est un personnage symbolique, représentant l'humanité dans sa quête de sens et d'illumination. Son amour pour Pamina, la fille de la Reine de la Nuit, est un moteur de son voyage, et il doit prouver sa valeur à travers des épreuves initiatiques. Il incarne donc la recherche de l'équilibre entre le monde matériel et spirituel, un thème central dans la philosophie maçonnique que Mozart explore à travers l'œuvre. En somme, Tamino est à la fois un héros romantique et un symbole de l'aspiration humaine à la sagesse et à l'illumination. Dans le rôle, Joël Prieto est un ténor dont la voix se distingue par une justesse impeccable et une musicalité raffinée. Son timbre est lumineux. La voix est saine et agile, associée à une technique précise qui lui permet d'atteindre des nuances subtiles tout en maintenant une grande clarté et une aisance dans les registres aigus.
Pamina Fille de la Reine de la Nuit et de Sarastro, incarne la pureté, la douceur et la noblesse d’âme. Son parcours initiatique se tisse à travers sa relation avec Tamino, qui la sauve et partage avec elle un idéal de vérité et de sagesse. Son personnage incarne la transition entre l’ignorance et la sagesse, entre la lumière et l’obscurité, dans un voyage où l’amour et la vérité prévalent sur les forces destructrices. Sydney Mancazola possède une belle voix de soprano, avec une projection solide et des phrasés mozartiens impeccables. Sa grande musicalité se manifeste à travers chaque note, apportant une fluidité et une élégance qui enrichissent son interprétation, et renforcent la profondeur émotionnelle de son rôle.
Sarastro est le chef d'un culte secret qui organise des épreuves initiatiques afin de guider les jeunes personnages vers la maturité et la sagesse. Le rôle de Sarastro exige une basse profonde et une grande maîtrise technique. La voix d'Antonio Di Matteo, avec son timbre sombre et résonnant, incarne parfaitement l'autorité tranquille et mystérieuse du personnage. Sa maîtrise du registre grave, riche et puissant, véhicule avec une grande finesse la sagesse et la gravité qui caractérisent son rôle.
Monostatos est parfois présenté comme un personnage à la fois ridicule et inquiétant. Il est souvent dépeint de manière grotesque, mais sa nature double (à la fois comique et menaçante) permet à l'interprète de jouer avec des contrastes vocaux et théâtraux. Marc Laho, par son talent, a su rendre ce rôle intrigant et moins unidimensionnel, apportant une certaine légèreté à la part de comédie tout en accentuant l'aspect inquiétant du personnage lorsqu'il montre plus d'autorité. La vocalité de Marc Laho dans le rôle de Monostatos est à la fois puissante et agile. Son timbre de ténor, sombre et expressif, lui permet de donner une grande intensité à son personnage. Il maîtrise parfaitement les nuances, alternant entre des passages menaçants et des moments plus vulnérables, tout en conservant une certaine fluidité dans les aigus.
Le reste de la distribution s'élève également à un niveau exceptionnel, offrant un plateau vocal parfaitement harmonieux. Chaque voix, sans fausse note, se complète avec finesse, créant une cohésion remarquable. L'ensemble des interprètes, portés par un esprit de troupe, offre une véritable prestation collective qui magnifie l'œuvre, avec une synergie vocale impressionnante.
Le décor, les marionnettes d’ombres, les textures et le jeu de lumière. L'ensemble de ces éléments visuels permet non seulement de traduire visuellement les aspects philosophiques et symboliques de l'œuvre, mais aussi de nourrir une expérience immersive où le spectateur se perd dans un monde à la fois onirique et très concret. L'utilisation de marionnettes d'ombres est particulièrement fascinante. Les marionnettes d'ombres jouent un rôle dans le contraste entre le visible et l'invisible, la vérité et l'illusion. Les textures utilisées dans les décors contribuent probablement à l’intensification des transitions entre les différents mondes : l'initiation, le monde des ténèbres, et celui de la lumière. Le jeu de lumière est sûrement un outil majeur pour traduire l'évolution spirituelle et émotionnelle des personnages. Les jeux de lumière entre l'ombre et la clarté reflètent les thèmes de l'œuvre, notamment la lutte entre le bien et le mal, la recherche de la vérité et l’ascension vers la sagesse.
Les costumes, véritables pièces de haute couture, apportent un raffinement remarquable. Laurent Delvert se distingue par sa capacité à créer des costumes qui non seulement soutiennent l’histoire, mais renforcent aussi les thèmes et symboles de l’opéra. Il réussit à les intégrer dans la mise en scène de manière à ce qu'ils deviennent essentiels à l’expérience visuelle et émotionnelle.
La robe argentée et la tiare de la Reine de la Nuit, d'une beauté saisissante, ajoutent une majesté éclatante à sa présence. L'argenté, symbole de lumière, contraste magnifiquement avec l'obscurité de son rôle, créant une figure à la fois fascinante et menaçante. La tiare, quant à elle, souligne l'extravagance et l'aura surnaturelle de ce personnage envoûtant, captant immédiatement l'attention et renforçant l'intensité de son interprétation.
La flûte magique et le carillon deviennent alors des instruments de transformation, tout comme les épreuves des personnages eux-mêmes. L’usage de ces objets comme des catalyseurs émotionnels et narratifs renforce encore l’idée que cet opéra est bien plus qu’un simple conte. Ces instruments, « précieux comme de l’or », sont des porteurs de lumière, de vérité et de sagesse, et ils structurent l’expérience musicale et visuelle de l'œuvre. « La farandole » dans la pièce est un clin d'œil qui illustre bien la manière dont Klapisch transforme l'opéra en une expérience vivante et immersive, où l’on se retrouve entre l’humour, la profondeur et la magie.
Le cœur final de La Flûte enchantée est, sans doute, l’une des plus belles et profondes expressions de l’œuvre, symbolisant l’aboutissement de la quête initiatique, l’ascension spirituelle, et la réconciliation entre l’obscurité et la lumière.
Ce moment final est une célébration de l’amour, de la sagesse, et de l’harmonie retrouvée. Les épreuves sont surmontées, les personnages ont triomphé des ténèbres et des obstacles. La scène finale souvent marquée par la présence de lumière et de cloches est celle où Tamino et Pamina sont unis, et où la paix règne enfin sur le royaume de Sarastro. Il s'agit d’un message d’amour pur et de fraternité, qui transcende les conflits et les illusions du monde matériel. La musique de Mozart dans ce dernier acte, avec ses harmonies parfaites et ses accords brillants, magnifie ce message d’unité et de réconciliation universelle.
Ce pouvoir de la musique est véritablement un chant à l’amour et à la paix, des valeurs qui résonnent plus que jamais, même 250 ans après la création de l’opéra. Mozart aurait sans doute été touché par cette version qui lui correspond pleinement, car elle capture l’essence de son génie. Ce qui est remarquable chez Mozart, c’est sa capacité à insuffler de la légèreté dans des œuvres profondément philosophiques et spirituelles, créant ainsi une harmonie entre la profondeur et la simplicité, entre le sérieux et la joie. C’est cette faculté à rendre l’intime universel et l’élevé accessible qui fait toute la beauté de son travail.
La magie opère pleinement et le public ressort .... enchanté.
Leïla METINA-BOUCHOUR
Leila.metina@gmail.com
Photo Dominique Jaussein pour l’opéra de Nice
Distribution
Direction musicale : Jean-Christophe Spinosi
Mise en scène : Cédric Klapisch
Costumes : Laurent Delvert
Tamino : Joel Prieto
Pamina : Sydney Mancasola
Papagéno : Joan Martin-Royo
Papagéna : Veronika Seghers
Sarastro : Antonio Di Matteo
Sprecher : Barnaby Rea
Monostatos : Marc Laho
La Reine de la nuit : Tetiana Zhuravel
Première dame : Judith Van Wanroij
Deuxième dame : Valentine Lemercier
Troisième dame : Ahlima Mhamdi
Premier homme d’arme/Deuxième prêtre : Frédéric Diquero
Deuxième homme d’arme/Premier prêtre : Matthieu Toulouse
Cœur de l’opéra de Nice