La Huitième Symphonie de Mahler ténanise le public des Chorégies d'Orange '19

Un sommet symphonique et choral signé par le grand Gustav en quête d'absolution


Un mastodonte musical à la résonnance cosmique fulgurante

8e Symphonie de Mahler © Gromelle
Mastodonte musical, La Huitième Symphonie de Gustav Mahler, œuvre grandiose à l’effectif instrumental et choral pléthorique, était décrite par le compositeur comme « un présent à une Nation tout entière », et représente sans aucun doute l’apogée de son ambition musicale.

Surnommée la « Symphonie des Mille » par l’imprésario du compositeur, elle est surtout caractérisée, on le sait, par la taille gigantesque de son effectif. A sa création, ce sont presque huit cent cinquante choristes, cent quarante instrumentistes, auxquels s’ajoutent huit solistes vocaux, huit trompettes et trois trombones qui montent sur scène !
Cette Huitième du grand Gustav est de ces œuvres « totales » qui tentent, par un génial enchevêtrement d’idées, de techniques et de sons, de porter la musique à des hauteurs jamais atteintes.
Puissante, subtile, elle est superbement architecturée en deux mouvements. Le premier, fondé sur le Veni Creator Spiritus, aux lointaines réminiscences de la polyphonie Renaissance, contraste avec le deuxième, sorte d'oratorio libre postromantique dans la veine des Scènes de Faust de Schumann.
Le souffle du mysticisme qui porte et traverse cette cathédrale sonore est d'une incontestable efficacité. La signification profonde de la partition trouvant sa résolution dans le Chorus Mysticus final.

Créée lors de l'Exposition Internationale à Munich en septembre 1910, avec aux premières loges le gratin artistique et intellectuel de l'époque, cette arche grandiose, inhumaine reste toutefois un immense chant d'espoir - qui marque aussi la pleine maturité d'une écriture enfin apaisée, après les tourments des trois précédentes - dont les tensions encore perceptibles convergent vers une prière de réconciliation, une aspiration profonde à la paix éternelle.

Ambiance électrique en ce caniculaire dernier lundi de juillet... Jugez un peu : L'Orchestre National de France, l'Orchestre Philharmonique de Radio France, son Chœur, sa Maitrise, et, cerise sur le gâteau le Chœur Philharmonique de Munich... tout ce beau monde sous la baguette optimiste de Jukka-Pekka Saraste qui, au passage, boit de l'œil et de l'oreille ses huit solistes... pour finalement un concert à marquer d'une pierre blanche dans l'histoire des Chorégies.
Impossible de résister à la vision impériale, dantesque du chef finlandais. On perçoit rarement l'effort de construction. Jukka-Pekka Saraste nous plonge pendant une heure trente dans un véritable déluge sonore, un univers païen, panthéiste, jamais vulgaire. La tentation est forte chez Mahler.... Enfin, en vrai architecte, le chef réussit l'impossible : fusionner une forme de tendresse et d'humanité, sans renier la violence paroxystique de certaines pages. Concert bouleversant, unique.

Nikolai Schukoff rame un tantinet, mais se sort avec brio de son impossible partie de ténor, avouons-le bien bas, assez mal écrite.
Les trois sopranos Meagan Miller, Ricarda Merbeth, Eleonore Marguere aidées par leurs consœurs Claudia Mahnke (mezzo) et Gerhild Romberger (alto) sont pleines de ferveur et de sensibilité comme pour mieux entr'ouvir les portes de l'infini.
Enfin, Les clefs de fa, Boaz Daniel et Albert Dohmen (le Wotan de sa génération) sont eux d'une grandeur épique réjouissante.
Dans Le Chorus Mysticus final, à la résonance cosmique fulgurante, Homme et Univers ne font plus qu'un. Le but (ciblé?) tant espéré, exaucé d'un Mahler enfin en paix avec lui même est somptueusement atteint.
Christian Colombeau



Christian Colombeau
Mis en ligne le Mardi 30 Juillet 2019 à 08:21 | Lu 301 fois
Christian Colombeau
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