La spoliation des Juifs : une politique d’Etat (1940-1944). Mémorial de la Shoah, Paris, du 30 janvier au 29 septembre 2013

L’ « aryanisation » économique en France désigne un vaste programme politique engagé par le Gouvernement de Vichy visant à "éliminer toute influence juive dans l'économie nationale" (loi du 22 juillet 1941). À partir de 1941, une politique de spoliation systématique des entreprises et plus largement des biens appartenant aux Juifs est menée sur l'ensemble du territoire national, s'appuyant sur un arsenal législatif spécifique et sur les administrations de l'Etat français. Cette exposition se propose d'expliquer les bases de cette politique d'Etat et sa mise en œuvre à travers de nombreux documents originaux et des exemples précis.


Dès 1933, le régime nazi jette les bases d’une politique d’exclusion économique contre les Juifs. Campagnes de boycott des entreprises appartenant aux Juifs et expropriations sauvages se multiplient avant qu’un dispositif législatif visant à déposséder les « entreprises juives » ne soit mis en place. Cette politique est exportée dans les territoires occupés et adoptée par les régimes alliés au Reich. L’État français en intègre les principes dans le cadre de sa politique antisémite.
Appelée « aryanisation » économique, cette politique d’État a pour but la spoliation systématique des entreprises, des commerces et des biens appartenant aux Juifs sur l'ensemble du territoire français en vue « d’éliminer toute influence juive dans l’économie nationale » (loi du 22 juillet 1941). En France et plus largement en Europe, les spoliations furent un rouage essentiel du processus d’exclusion des Juifs, qui facilita ensuite la mise en oeuvre de la « Solution finale de la question juive ».

La spoliation systématique des entreprises et des biens appartenant aux Juifs est engagée dès 1941 sur l'ensemble du territoire français. De l’identification des Juifs et de leurs biens jusqu’à l’ « aryanisation » de ces derniers par la vente ou la liquidation, c’est un processus administratif efficace basé sur un arsenal législatif légal, qui se met en place en France, impliquant non seulement un nombre important d’administrations, mais également de larges pans de la société. Cette exposition propose d’éclairer tant les bases de cette politique d'État que ses rouages, en la réinscrivant dans le contexte de l’Europe nazie. Comprenant de nombreux documents d’archives originaux, provenant notamment des fonds des Archives nationales et départementales, elle met également en avant huit exemples de biens touchés dans le département de l’Isère et dans la Ville de Grenoble, venant illustrer le propos central.

Le bilan de l'aryanisation

Au début de l’année 1944, la première phase de la politique d’ « aryanisation » a été atteinte : en trois années pour la zone occupée, et à peine plus de deux pour la zone libre, l’ensemble des biens identifiés tombant sous le coup des lois d’« aryanisation » allemandes et françaises a été placé sous administration provisoire, et n’appartient dès lors plus à leurs légitimes propriétaires. La seconde phase, celle de l’ « aryanisation » définitive (dont les deux cas de figure principaux sont la vente, qui scelle définitivement le passage en des mains « aryennes » et la liquidation) est encore largement en cours en 1944. Seule la Libération empêche son achèvement total.

Epilogue
Il faudra attendre 1945 pour que se mette en place une véritable politique de restitution, avec la création de deux services, l’un dépendant de la Justice, l’autre des Finances, puis la promulgation de l’ordonnance du 21 avril 1945, qui facilitent les démarches des spoliés pour recouvrer leurs biens. Mais pour qu’un bien soit restitué, c’est au spolié de se manifester, or ce sont des familles entières qui ont disparu. Lorsque s’achève au début des années 1950 cette politique de restitution, un nombre important de biens et de sommes d’argent reste aux mains de propriétaires illégitimes ou en déshérence. Ce n’est qu’au début des années 1990 que la question des biens en déshérence émerge à nouveau. Dans de nombreux pays d’Europe, des commissions d’enquêtes sont créées. En France, la mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, dirigée par Jean Mattéoli, va montrer à la fois l’ampleur de la politique de dépossession, mais aussi l’importance des restitutions, tout en identifiant ses lacunes, insuffisances et angles morts. Avec l’achèvement de ses travaux et la mise en oeuvre par l’Etat de ses recommandations, parmi lesquelles la création d’une commission d’indemnisation ainsi que de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dotée avec les fonds en déshérence, se clôt la question des restitutions.

Pratique

Mémorial de la Shoah
17, rue Geoffroy–l’Asnier 75004 Paris
Tél. : 01 42 77 44 72 Fax : 01 53 01 17 44
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Ouverture
Tous les jours sauf le samedi, de 10 h à 18 h, et le jeudi jusqu’à 22 h.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 23 Janvier 2013 à 13:46 | Lu 184 fois
Pierre Aimar
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