En 1977, le film qu'il inspirait à Moshe Mizrahi, tourné avec Simone Signoret et le jeune Samy Ben Youb, ralliait tous les suffrages et récompensait même l'actrice principale d'un César.
Adaptée pour le théâtre par Xavier Jaillard qui tient dans la mise en scène de Didier Long le rôle du Docteur Katz, la pièce a été enfin distinguée en 2008 par trois "Molière" venus confirmer un succès qui ne se dément pas depuis la création au théâtre Marigny.
Nous assistons ici, il est vrai, à un spectacle d'une rare qualité, interprété avec une émouvante sincérité par les deux principaux acteurs qui, pendant deux heures, ne quittent pratiquement jamais la scène.
Aymen Saïdi (Momo) porte sur la société et sa protectrice un regard à la fois ingénu et approprié. Malgré une propension à l'exagération, à la naïveté ou à l'égocentrisme, il s'adresse constamment à cette femme qui refuse de voir sa décrépitude comme à une vieille institutrice tendrement aimée. Très drôle, très naturel dans son langage populaire--il emploie à contre-sens des expressions courantes, maltraite les conjugaisons, réalise des enchaînements syntaxiques hasardeux--il nous bouleverse lorsqu'il reflète par des mimiques et des larmes, la détresse d'un enfant sans amour qui se considère comme un objet négligeable et redoute l'avenir qui l'attend.
Myriam Boyer(Madame Rosa) apparaît d'emblée parfaite dans ce rôle de vieille juive ashkénaze qui a recueilli sans discrimination des enfants de prostituées et s'est attachée à ce Momo dont la pension n'est plus payée depuis longtemps. Sa folie consiste sans doute à toujours réactiver le traumatisme ancien de sa détention dans les camps nazis et à tout interpréter dans cette perspective. Ainsi, lorsqu'elle soupçonne son Momo de violence et de cruauté parce qu'il a vendu son caniche et en a jeté l'argent en donnant comme motif à son geste qu'il souhaitait une vie meilleure pour son chien. . . Et l'actrice fait soudain apparaître dans son jeu, avec un rare talent, qu'elle s'identifie inconsciemment au chien.
Les deux comédiens qui se disent franchement redevables de la direction exemplaire de Didier Long et d'Anne Rotenberg savent aussi faire passer accessoirement toutes les inquiétudes tragiques de l'auteur face à la condition humaine, un auteur qui, rappelons-le, s'est suicidé en 1980, et donner à travers ce spectacle qui suscite souvent la compassion, une belle leçon de tolérance où les dissensions inter-raciales n'apparaissent plus insurmontables.
Philippe Oualid
La vie devant soi, de Romain Gary.
Adaptation théâtrale de Xavier Jaillard.
Mise en scène de Didier Long.
Production: Pascal Legros.
Théâtre Toursky. Marseille. 20, 21, 22 Février 2009.
Adaptée pour le théâtre par Xavier Jaillard qui tient dans la mise en scène de Didier Long le rôle du Docteur Katz, la pièce a été enfin distinguée en 2008 par trois "Molière" venus confirmer un succès qui ne se dément pas depuis la création au théâtre Marigny.
Nous assistons ici, il est vrai, à un spectacle d'une rare qualité, interprété avec une émouvante sincérité par les deux principaux acteurs qui, pendant deux heures, ne quittent pratiquement jamais la scène.
Aymen Saïdi (Momo) porte sur la société et sa protectrice un regard à la fois ingénu et approprié. Malgré une propension à l'exagération, à la naïveté ou à l'égocentrisme, il s'adresse constamment à cette femme qui refuse de voir sa décrépitude comme à une vieille institutrice tendrement aimée. Très drôle, très naturel dans son langage populaire--il emploie à contre-sens des expressions courantes, maltraite les conjugaisons, réalise des enchaînements syntaxiques hasardeux--il nous bouleverse lorsqu'il reflète par des mimiques et des larmes, la détresse d'un enfant sans amour qui se considère comme un objet négligeable et redoute l'avenir qui l'attend.
Myriam Boyer(Madame Rosa) apparaît d'emblée parfaite dans ce rôle de vieille juive ashkénaze qui a recueilli sans discrimination des enfants de prostituées et s'est attachée à ce Momo dont la pension n'est plus payée depuis longtemps. Sa folie consiste sans doute à toujours réactiver le traumatisme ancien de sa détention dans les camps nazis et à tout interpréter dans cette perspective. Ainsi, lorsqu'elle soupçonne son Momo de violence et de cruauté parce qu'il a vendu son caniche et en a jeté l'argent en donnant comme motif à son geste qu'il souhaitait une vie meilleure pour son chien. . . Et l'actrice fait soudain apparaître dans son jeu, avec un rare talent, qu'elle s'identifie inconsciemment au chien.
Les deux comédiens qui se disent franchement redevables de la direction exemplaire de Didier Long et d'Anne Rotenberg savent aussi faire passer accessoirement toutes les inquiétudes tragiques de l'auteur face à la condition humaine, un auteur qui, rappelons-le, s'est suicidé en 1980, et donner à travers ce spectacle qui suscite souvent la compassion, une belle leçon de tolérance où les dissensions inter-raciales n'apparaissent plus insurmontables.
Philippe Oualid
La vie devant soi, de Romain Gary.
Adaptation théâtrale de Xavier Jaillard.
Mise en scène de Didier Long.
Production: Pascal Legros.
Théâtre Toursky. Marseille. 20, 21, 22 Février 2009.