Lakmé ou les fastes retrouvés de l'opéra-comique français à l'Opéra de Nice, par Christian Colombeau

Non, les fastes de l’Opéra-Comique français ne sont pas tombés en désuétude.
Pour preuve cette excellente Lakmé de Léo Delibes donnée à Nice en ce mois de mars et qui prouve une fois encore qu’un metteur en scène intelligent peut redonner ses lettres de noblesse à ce répertoire trop négligé de nos jours.


Une mise en scène séduisante et des chanteurs convaincants.

Importée de Saint-Etienne, la production de Jean-Louis Pichon (décors d’Alexandre Heyraud et costumes chatoyants de Fréderic Pineau) témoigne d’un classicisme de bon goût et d’une grande beauté plastique sous les éclairages pastels et poétiques de Michel Theuil.
Rien de bien révolutionnaire donc dans cette lecture traditionnelle d’un livret un tantinet larmoyant qui nous conte, on le sait, les amours contrariées en pleine guerre coloniale, entre une fille de Brahmane indien et un officier anglais. Tant mieux ! Les transpositions gratuites commencent sérieusement à lasser public et artistes…
Pour apprécier cet ouvrage il faut aussi un chef sachant donner toutes sa clarté et sa luminosité à la partition un rien crème anglaise de Delibes. Alain Guingal, comme en état de grâce, dynamique à souhait, adopte des tempi naturels, déploie un tapis sonore coloré, d’une rare richesse, avec des cordes soyeuses et des cuivres (fort sollicités) irréprochables.
Lakmé est également affaire de voix.
Et le couple vedette Lakmé/Gérald ne souffre pas l’à-peu-près.
Une fois dit que le rôle titre ne se limite pas au seul « air des Clochettes » reconnaissons que la niçoise Elisabeth Vidal dessine une héroïne délicate et convaincue, à la gestuelle un rien maniérée, aux vocalises irréprochables, même si la voix, au dessous du La, reste cotonneuse , sans vraie projection.
Par contre, les notes stratosphériques du personnage ne lui posent aucun problème. Ce qui lui permettra de tout rafler (ou presque) après le tube célèbre tant attendu qui fait virer le spectacle au one-women-show.
Son officier anglais d’amoureux, ici l’italo-américain Leonardo Capalbo, dans un français honnête (c’est une prise de rôle) tente d’imiter ses plus illustres prédécesseurs. Sa mezza-voce ne séduit qu’à moitié mais les aigus, un rien forcés, peuvent séduire.
Marc Barrard défend Nilakhanta avec un mordant simplement réjouissant, une diction exemplaire pour tous, un impact sur le public indéniable. Sont ainsi ressuscités les fastes des Borthayre ou Blanc d’antan. Ses stances resteront pour longtemps un moment d’anthologie dans les annales de la Maison.
Le trio d’occupantes britanniques, s’il est bien croqué lui aussi, nous renvoie à l’opérette et non à l’Opéra-Comique.
Seul alors le Frédéric de Jean-Luc Ballestra nous intéressera avec sa voix de baryton cuivrée et sonore.
Enfin, Claire Brua (Mallika) dont la voix se marie fort bien avec celle d’Elisabeth Vidal nous offre un très joli duo des fleurs et achève de nous séduire.
Une mention pour Elio Ferretti, Hadji musical, bien chantant et les chœurs mitonnés aux petits oignons par Giulio Magnanini.
Pas de chorégraphie dans la grande tradition hindoue. Pas grave.
Bollywood n’a rien à faire ici.
Christian Colombeau
spectacle du 22 mars 2009

manricot@gmail.com
Mis en ligne le Lundi 23 Mars 2009 à 00:00 | Lu 2322 fois
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