Le théâtre baisse pavillon au festival d'Avignon, par Pierre Aimar

Le théâtre contemporain a perdu la bataille du changement de société. Pour les Vilar et autres grands du théâtre de l’immédiat après-guerre, le théâtre devait permettre une évolution de la société vers plus de justice, d’égalité, de fraternité. Bilan : la société française, européenne et mondiale n’a jamais été aussi injuste, aussi inégale et aussi pu fraternelle.


Quid du poids du théâtre sur la société ? Quid de la force du verbe ?

Le Verbe a-t-il déserté le festival (de théâtre ?) d'Avignon © P.A.
La société française est sans doute la plus malade d’Europe, la plus violente (400 voitures brûlées quotidiennement), la moins intégrante, la plus capitaliste sous des habits ornés de fanfreluches sociales.
La société française est la plus riche d’Europe en ce qui concerne la vie théâtrale et ce depuis les années soixante. Pour preuve, le fantastique et étrange festival d’Avignon avec son « in » et son « off » riche d’un milliers de spectacles joués sur trois semaines chaque mois de juillet.

Toujours plus de théâtre et pourtant la société française continue, mois après mois, année après année, de s’enfoncer dans le capitalisme libéral et de perdre inexorablement toutes les avancées sociales qui constituaient le « modèle français ».

Le verbe a perdu la bataille des idées. Le verbe s’est avéré impuissant à juguler les forces de l’argent. Le verbe n’est plus audible pour défendre les valeurs républicaines et laïques face au travail de sape des hommes politiques en place.

A Avignon, au « in », la cause est entendue. Le verbe, les textes, la parole ne sont plus invités à claquer la vérité au pied de l’immense mur du palais des Papes. Les spectacles visuels sont imposés. Hortense Archambaud et Vincent Baudriller, directeurs du festival, choisissent la voie des spectacles d’images sensés exprimer plus fortement les grands problèmes sociétaux. Et apporter la solution à toutes les dérives.

[….] les corps, soudain, se mettent à dire bien plus que tout dialogue.. (Fabienne Pascaud in Télérama). Et le verbe perdit sa dernière bataille dans la cour d’honneur. Il serait intéressant de suggérer aux acteurs du Forum de Davos de s’exprimer avec leur corps pour convaincre leurs auditeurs et maîtres du monde de la nécessité d’ancrer encore plus l’économie dans la mondialisation libérale. Ce qui serait totalement ridicule.
Aux économistes et aux politiques l’usage de la parole et du dialogue ; aux intellectuels et aux gens de théâtre les albums d’images à colorier.

La bataille du verbe est perdue. Pavillon est baissé dans le lieu le plus symbolique d’Europe, ce qui est un autre symbole. Du reste, l’intitulé de la manifestation avignonnaise est Festival d’Avignon. Aucune référence au théâtre. Ce qui devrait nous rendre méfiant.

Au fait, existe-t-il des auteurs de théâtre ? Existe-t-il des textes propres à enflammer les âmes ? à soulever les passions ?
Existe-t-il un public populaire ? Existe-t-il un engouement populaire pour le théâtre ?
Peut-être dans le festival « in » où dans le millier de spectacles se cachent, espérons-le, quelques perles. Sans se leurrer sur l’objectif principal du « off » qui est avant tout un mercato à destination de la corporation des gens de théâtre.
On échappe rarement à la mécanique capitaliste.
Pierre Aimar

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pierre aimar
Mis en ligne le Jeudi 22 Juillet 2010 à 12:08 | Lu 2496 fois
pierre aimar
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