Les Nuits Auréliennes de Fréjus mettent Ionesco et Guitry en vedette, par Christian Colombeau

Sur sa lancée, celle d’une audace éclectique qui lui fait grand honneur, la Ville de Fréjus, sous la houlette de la sympathique et dynamique Françoise Cauwell, présente chaque été dans le cadre du Théâtre romain François Léotard, une sélection de pièces de théâtre où l’originalité côtoie la tradition.


En ce mois de juillet, les Nuits Auréliennes ont mis à l’affiche Molière (avec le Dom Juan revisité par Francis Huster et la Troupe du Théâtre de France), Guitry (Désiré et quatre pièces acides en un acte), Ionesco (Macbett), le succès parisien des époux Navarro-Haudecoeur (Thé à la menthe ou t’es citron) et enfin le show irrésistible de l’humoriste-imitateur Nicolas Canteloup.
On nous a dit le plus grand bien du Dom Juan (où l’on notait la présence de Simon Eine et Francis Perrin). Mais le Macbett d’Eugène Ionesco présenté par la Compagnie des Dramaticules valait le déplacement. Écrit avec un « t » au lieu d’un « h » à la fin, le Macbett d’Ionesco est une version satirique d’un grand classique de Shakespeare. Nous retrouvons donc Macbett et Banco qui, assoiffés de pouvoir, complotent afin d’éliminer le roi Duncan et s’emparer du trône. Appuyés dans leur projet par deux sorcières qui leur prédisent gloire et pouvoir, puis aidés de Lady Duncan et sa suivante, les deux compagnons assassinent le roi. Mais voilà : tout ne se déroule pas comme prévu lorsque Banco réalise que son ami, devenu souverain, ne lui montre pas autant de considération qu’il l’avait promis. La table est mise pour une comédie noire où sont dénoncées habilement l’absurdité des relations humaines, la corruption des êtres assoiffés de pouvoir, l’ambition démesurée, la jalousie et la trahison dont est capable l’homme. Un sujet toujours d’actualité, traité avec humour, intelligence et finesse. La mise en scène de Jérémie Le Louët cerne au mieux le thème de l’absurde cher à l’écrivain roumain. On caracole, on s’envole, on jongle avec les corps et les mots. Le grand mythe Shakespearien de l'ambition, passé à la moulinette de l'absurde et du dérisoire par un des maîtres de la dramaturgie contemporaine est ainsi présenté dans un grand éclat de rire (amer) qui mêle la fable légendaire à l'univers contemporain de la B.D. Eléments réduits à l’essentiel, costumes agréablement stylisés, tout repose sur la diction et la conviction des comédiens. Un spectacle à la limpidité d’une eau de roche qui vous laisse une heure trente après secoué de tous les spasmes du bonheur.
Passant sans embûche du Théâtre de la Michodière au Théâtre Romain de Fréjus, Désiré de Sacha Guitry, trouvait dans ce grand cadre historique, un écrin novateur. Cette pièce de jeunesse écrite en 1927, est moins frivole qu’il n’y paraît. Avec ça et là une touche féroce du meilleur Marivaux qui fait craquer le vernis des convenances sociales. L’ histoire d’un valet de chambre, aristocrate en diable et dragueur impénitent, dont les manières et les finesses en font un réel objet de désir, baigne dans l’érotisme le plus raffiné et le plus latent.
Triomphe attendu pour Robin Renucci. Florence Darel remplace au pied levé Marianne Basler. Port de reine, chic de toujours, classe de tous les instants. Une belle composition. Tout comme celle, irrésistible de Nathalie Krebs, hénaurme « Madame Sourdingue », sympathique, dont la vis-comica va droit au cœur et nos renvoie aux souvenirs des plus grandes. Joli tandem Alycia et Marion Posta. Bourrés d’esprit, Jean-Philippe Puymartin et Jean-Christophe rivalisent de bons mots à la vérité criarde. Serge Lipszyc signe enfin le spectacle le plus drôle, le plus fin, le plus spirituel que l’on ait vu depuis longtemps.
26 et 28 juillet 2011

Christian Colombeau
Mis en ligne le Lundi 1 Aout 2011 à 17:20 | Lu 764 fois
Christian Colombeau
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