arts-spectacles.com
Sortir ici et a
Sortir ici et ailleurs, magazine des arts et des spectacles

Membre du Syndicat de la Presse Culturelle et Scientifique (SPCS) et de la Fédération Nationale de la Presse Spécialisée (FNPS)



Les Puritains de Bellini à l'Opéra de Marseille

Une distribution de monstres sacrés pour un concert inoubliable


Le symbole d'un âge d'or enfin retrouvé

Les Puritains © Christian Dresse
Les Puritains © Christian Dresse
« Les Puritains » de Bellini ? Un opéra de légende. A cause de ses contre-ré, sinon de son confre-fa. A cause également du souvenir encore obscurément présent de la popularité qu'il connut jadis. Ecrit pour Paris pour un quatuor de monstres sacrés (Lablache, Grisi, Tamburini, Rubini), ce fut un des plus grands triomphes du XIXe siècle. Aussi ces Puritains belliniens demeurent-ils le symbole d'un âge d'or...

Sans avoir la douceur élégiaque, presque surnaturelle de La Somnanbule, ni la concentration tragique de Norma, la partition a sa couleur musicale et psychologique propre. Sur un livret modeste, mais créateur de situations intéressantes et en définitive assez originales, Bellini a bâti tout autre chose qu'une suite de numéros de chanteurs. L'essence même de l'oeuvre se trouve dans ces étonnants ensembles : un chant ample et unique comme une sorte d'expression supérieure atteignant au plus profond de la vie de l'humain.
Ces pages extraordinaires où les contingences du drame sont surpassées et les passions vaincues échappent d'ailleurs totalement à toutes les « conventions » habituelles de l'opéra.

Il y faut en plus des chanteurs individuellement excellents, mais aussi en totale communion d'esprit. Par conséquent le rôle du chef, surtout comme ici en version de concert, apparaît-il d'emblée considérable.
Giuliano Carella, fluide, homogène, à la tête des choeurs et orchestre, prend la partition très au sérieux. Refusant de n'être qu'un accompagnateur, il mène l'ouvrage comme une pièce de théâtre.Il en résulte des tempi, des accents nouveaux, une agogique nouvelle.
N'allant jamais contre le chant, il est admirablement bien servi, dans sa recherche théâtrale, par des artistes au meilleur de leur forme.
Prise de rôle en demi-teinte pour le québécois Jean-François Lapointe, qui, mal préparé, ne peut se défaire d'un maintien un peu raide (nous sommes il est vrai en Angleterre chez des puritains) mais apporte toutefois une belle noblesse à un Riccardo Forth fougueux, bravache, qui s'arrange avec une intelligence diabolique dans son air, puis dans le martial, le patriotique et caracolant «  Suoni la Tromba... »... où il semble prendre le pouvoir pour ne faire qu'une bouchée de son partenaire Nicolas Courjal.
La basse bretonne – on dirait le fils de Tintin et du Capitaine Haddock - offre certes velours et douceur, mais moire trop des accents du lied ailleurs. Honte à nous d'avouer que dans les détails, dans les recoins de nos rêves de chant parfait (qui peut-être n'existe pas) Lord Walton est autre chose, en poids, en largeur, en grave abyssaux, en tout...
Surprise de la soirée, Jessica Pratt, au fort tempérament vocal, leur vole presque la vedette, avec une incarnation d'une dignité admirable, soulignant au mieux l'aspect éthéré voire pathétique d'Elvira. Son organe joue la joie, le drame, la folie avec une ligne de chant qui s'épanouit à merveille, car particulièrement flexible, dans des aigus solaires, des trilles, des vocalises exemplaires.
Reste le cas de Yijie Shi. Un miracle de ténor que l'on croyait disparu. Ne le comparons qu'à lui même pour mieux saluer un timbre chatoyant, chaleureux, un artiste qui compose un personnage flamberge au vent, fougueux, cohérent, presque inconscient. Les crêtes stratosphériques de son rôle assassin, à l'incroyable facilité, n'ont pour lui aucun secret.
Il serait injuste de ne pas associer à ce triomphe monstrueux, indescriptible, le reste du plateau. Dans les petits rôles, l’Enrichetta de Julie Pastureau, bien en place, le Lord Walton d'Eric Martin-Bonnet (immense!) et le Robertson de Christophe Berry parviennent à se faire remarquer. Un tour de force.
« L'opéra doit tirer des larmes, terrifier les gens, les faire mourir par le chant », écrivait Bellini à son librettiste Carlo Pepoli.
Malgré quelques réserves pour les principales clefs de fa, à Marseille, opération réussie !
Christian Colombeau
photo : Christian Dresse

Christian Colombeau
Mis en ligne le Mercredi 6 Novembre 2019 à 08:17 | Lu 347 fois

Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
1 2 3 4 5 » ... 41

Festivals | Expositions | Opéra | Musique classique | théâtre | Danse | Humour | Jazz | Livres | Cinéma | Vu pour vous, critiques | Musiques du monde, chanson | Tourisme & restaurants | Evénements | Téléchargements