Au vélo, Robert Doisneau préférait la voiture. N’était-elle pas plus pratique pour transporter son matériel de prise de vue ? Et pourtant, sa vie durant, il a photographié des vélos : en pleine course, sur le point de tomber, à l’arrêt. Mais plus que la bicyclette aux qualités graphiques manifestes, l’explorateur du quotidien qu’il était s’est intéressé aux cyclistes. À ce père qui part à la pêche avec son fils, à ces deux cyclistes lillois qui découvrent la tour Eiffel.
Forte d’une sélection de près de 70 photographies exceptionnelles, dont de nombreuses inédites, cette exposition explore non seulement un nouveau champ de l’œuvre du photographe, mais illustre aussi l’histoire de la mobilité dans la société française. Né en 1912 à Gentilly, Doisneau est de cette génération pour laquelle le vélo est passé du statut d’objet d’émancipation à celui d’anomalie urbaine.
À travers 5 thématiques, « La petite reine des dimanches et des vacances », « Durant la guerre », « Un sport populaire », « Vélo boulot », « La fin du vélo ? », couvrant près de 60 ans de reportages, le visiteur est ainsi invité à découvrir l’histoire des âges et des usages du vélo sous l’œil malicieux de Doisneau. Une échappée extraordinaire dans les roues d’un des plus grands maîtres de la photographie humaniste.
Commissariat : Sophie Boizard avec l’expertise d’Angelina Meslem et Vladimir Vasak
Les tirages de l’exposition ont été réalisés sur papier baryté par Hervé Hudry à partir des négatifs de Robert Doisneau.
Forte d’une sélection de près de 70 photographies exceptionnelles, dont de nombreuses inédites, cette exposition explore non seulement un nouveau champ de l’œuvre du photographe, mais illustre aussi l’histoire de la mobilité dans la société française. Né en 1912 à Gentilly, Doisneau est de cette génération pour laquelle le vélo est passé du statut d’objet d’émancipation à celui d’anomalie urbaine.
À travers 5 thématiques, « La petite reine des dimanches et des vacances », « Durant la guerre », « Un sport populaire », « Vélo boulot », « La fin du vélo ? », couvrant près de 60 ans de reportages, le visiteur est ainsi invité à découvrir l’histoire des âges et des usages du vélo sous l’œil malicieux de Doisneau. Une échappée extraordinaire dans les roues d’un des plus grands maîtres de la photographie humaniste.
Commissariat : Sophie Boizard avec l’expertise d’Angelina Meslem et Vladimir Vasak
Les tirages de l’exposition ont été réalisés sur papier baryté par Hervé Hudry à partir des négatifs de Robert Doisneau.
La petite reine des dimanches et des vacances
« Le Roi soleil à bicyclette », Chaville, 1943. © Atelier Robert Doisneau
Apanage de la haute société puis de la bourgeoisie au XIXe siècle, la bicyclette voit son usage peu à peu se démocratiser. La baisse de son coût au début du XXe siècle permet aux classes populaires de s’en emparer
: en 1911, il ne faut plus que 6 semaines de travail à un ouvrier pour en acquérir une, contre 28 en 1893 ! Résultat : le nombre de vélos enregistrés en France s’envole, passant de 138 000 en 1893 à 10 millions en 1939. Avec la victoire du Front populaire et les premiers congés payés en 1936, la petite reine entre dans l’imagerie populaire, comme le symbole du temps libre et des vacances. Avec la tendresse qui lui est propre, Robert Doisneau a su saisir ces moments de bonheur, d’insouciance et de liberté que représentent les départs en vacances ou les sorties du dimanche. Des instants de bonheur souvent partagés. « Ce qui me plaît beaucoup, c’est de montrer le merveilleux dans la vie quotidienne. »
: en 1911, il ne faut plus que 6 semaines de travail à un ouvrier pour en acquérir une, contre 28 en 1893 ! Résultat : le nombre de vélos enregistrés en France s’envole, passant de 138 000 en 1893 à 10 millions en 1939. Avec la victoire du Front populaire et les premiers congés payés en 1936, la petite reine entre dans l’imagerie populaire, comme le symbole du temps libre et des vacances. Avec la tendresse qui lui est propre, Robert Doisneau a su saisir ces moments de bonheur, d’insouciance et de liberté que représentent les départs en vacances ou les sorties du dimanche. Des instants de bonheur souvent partagés. « Ce qui me plaît beaucoup, c’est de montrer le merveilleux dans la vie quotidienne. »
Durant la guerre
Le chariot de la victoire, Champs-Élysées, 26 aoû t 1944. © Atelier Robert Doisneau
Pendant la guerre, tout devient rare et cher. Les denrées alimentaires et les produits de première nécessité sont rationnés, l’essence réquisitionnée. Les automobiles laissent la place aux vélos, aux charrettes et aux piétons.
Doisneau, après avoir été mobilisé en 1939 puis réformé pour raisons de santé en 1940, veut témoigner par ses photos du quotidien de la guerre : « C’était ma façon d’établir un constat de notre condition de vie. » Il photographie les vélos-taxis sous la neige, les files d’attente interminables devant les boulangeries, les contrôles incessants d’identité, des systèmes D pour fabriquer de l’électricité. Mais il faut économiser films, produits chimiques et papier photo, eux aussi difficiles à se procurer. Parallèlement à des commandes alimentaires, Doisneau utilise ses talents de photographe et de graveur pour réaliser de faux-papiers pour la
Résistance. Pour rendre hommage aux imprimeurs clandestins, il reconstituera après la guerre certaines scènes de résistance. Au moment de la Libération de Paris, il reçoit du Comité de libération des reporters photographes de presse un peu de pellicule : « Je pars de Montrouge sur ma bicyclette, mon sac ficelé sur le porte-bagages, avec mon Rolleiflex, et deux films dont un de secours. Deux films de douze poses en tout pour couvrir la Libération de Paris ! »
Doisneau, après avoir été mobilisé en 1939 puis réformé pour raisons de santé en 1940, veut témoigner par ses photos du quotidien de la guerre : « C’était ma façon d’établir un constat de notre condition de vie. » Il photographie les vélos-taxis sous la neige, les files d’attente interminables devant les boulangeries, les contrôles incessants d’identité, des systèmes D pour fabriquer de l’électricité. Mais il faut économiser films, produits chimiques et papier photo, eux aussi difficiles à se procurer. Parallèlement à des commandes alimentaires, Doisneau utilise ses talents de photographe et de graveur pour réaliser de faux-papiers pour la
Résistance. Pour rendre hommage aux imprimeurs clandestins, il reconstituera après la guerre certaines scènes de résistance. Au moment de la Libération de Paris, il reçoit du Comité de libération des reporters photographes de presse un peu de pellicule : « Je pars de Montrouge sur ma bicyclette, mon sac ficelé sur le porte-bagages, avec mon Rolleiflex, et deux films dont un de secours. Deux films de douze poses en tout pour couvrir la Libération de Paris ! »
Un sport populaire
Cycliste sur piste vers 1938. © Atelier Robert Doisneau
Avec le développement du vélo, vient celui des courses cyclistes qu’accompagne la presse. De nombreuses compétitions sont même lancées par les journaux, à l’instar du Tour de France, créé en 1903 par le journal
L’Auto. Même s’ils ne sont pas publiés dans la presse sportive, les clichés de Doisneau montrent que tout l’intéresse dans ces rendez-vous cyclistes. L’entraînement, la course elle-même, les petits clubs sportifs comme
les héros de l’époque, tel Louison Bobet, la vitesse comme la chute. Toutefois il s’attarde moins sur l’exploit que sur la communion avec le public. Ses photos reflètent la ferveur populaire qui s’empare le dimanche des
vélodromes, comme l’anneau de course de Montlhéry dans l’Essonne ou bien encore la piste municipale, la « Cipale », de Vincennes.
D’une de ses fameuses photos sur le cyclocross à Gentilly en 1946, Doisneau expliquait que « [La bonne distance] m’a surtout été dictée par la timidité. Je regrettais de ne pouvoir être plus proche des gens, mais je n’osais pas trop m’approcher. Et c’est vraiment ces images, qui ont beaucoup d’air autour, qui sont touchantes maintenant. »
L’Auto. Même s’ils ne sont pas publiés dans la presse sportive, les clichés de Doisneau montrent que tout l’intéresse dans ces rendez-vous cyclistes. L’entraînement, la course elle-même, les petits clubs sportifs comme
les héros de l’époque, tel Louison Bobet, la vitesse comme la chute. Toutefois il s’attarde moins sur l’exploit que sur la communion avec le public. Ses photos reflètent la ferveur populaire qui s’empare le dimanche des
vélodromes, comme l’anneau de course de Montlhéry dans l’Essonne ou bien encore la piste municipale, la « Cipale », de Vincennes.
D’une de ses fameuses photos sur le cyclocross à Gentilly en 1946, Doisneau expliquait que « [La bonne distance] m’a surtout été dictée par la timidité. Je regrettais de ne pouvoir être plus proche des gens, mais je n’osais pas trop m’approcher. Et c’est vraiment ces images, qui ont beaucoup d’air autour, qui sont touchantes maintenant. »
Vélo boulot
« Ethnologue de son propre milieu » comme le qualifiait son éditeur Robert Delpire, fondateur du Centre national de la photographie, Robert Doisneau a photographié ce qui l’entourait, la banlieue parisienne au premier chef, où il était né et où il a vécu.
Ce n’est pas un hasard si le premier livre qu’il publie en 1949 avec l’écrivain Blaise Cendrars s’intitule La Banlieue de Paris. Or le vélo faisait partie du quotidien de ceux qu’il photographiait.
Il était le principal outil de locomotion des classes populaires pour se rendre au travail, sans parler des métiers
pour lequel il était indispensable : livreur, coursier, facteur, etc. Doisneau les photographie sans détour : il les montre pédalant au petit matin, sur les pavés encore glissants de pluie, de neige ou de boue, documentant ainsi ces vies ordinaires. La curiosité, la désobéissance et l’émerveillement, tels étaient pour Doisneau le triple moteur de son métier.
Ce n’est pas un hasard si le premier livre qu’il publie en 1949 avec l’écrivain Blaise Cendrars s’intitule La Banlieue de Paris. Or le vélo faisait partie du quotidien de ceux qu’il photographiait.
Il était le principal outil de locomotion des classes populaires pour se rendre au travail, sans parler des métiers
pour lequel il était indispensable : livreur, coursier, facteur, etc. Doisneau les photographie sans détour : il les montre pédalant au petit matin, sur les pavés encore glissants de pluie, de neige ou de boue, documentant ainsi ces vies ordinaires. La curiosité, la désobéissance et l’émerveillement, tels étaient pour Doisneau le triple moteur de son métier.
La fin du vélo ?
« La meute », Paris, 1969. © Atelier Robert Doisneau.
Démodée, jugée dangereuse, la « petite reine » laisse sa place à partir des années 1960 à une nouvelle reine : l’automobile, qui envahit les villes et autour de laquelle les nouvelles politiques d’urbanisme se structurent. Signe en est : en 1949, un nouveau panneau est introduit dans le Code de la route « Interdit aux bicyclettes ». Sans être militant, Doisneau va dénoncer à sa façon cette invasion des voitures et la pollution des « vaporisateurs à roulettes » comme il les surnomme dans À l’imparfait de l’objectif.
Alors qu’il participe à une mission de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire) à partir de 1984, ses photographies sur la banlieue et les « villes nouvelles » montrent les vélos réduits à l’état de simples jouets pour enfants. Le piéton comme le vélo ont disparu des rues et Robert Doisneau ne vivra pas assez longtemps pour assister au spectaculaire retournement que connaissent nos sociétés en faveur du vélo.
Alors qu’il participe à une mission de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire) à partir de 1984, ses photographies sur la banlieue et les « villes nouvelles » montrent les vélos réduits à l’état de simples jouets pour enfants. Le piéton comme le vélo ont disparu des rues et Robert Doisneau ne vivra pas assez longtemps pour assister au spectaculaire retournement que connaissent nos sociétés en faveur du vélo.
Biographie
« On lui aurait dit qu’il était un grand photographe, précieux et incontournable, qu’il aurait sans doute levé les yeux au ciel, et les épaules, avec une expression dubitative. Peut-être même que ces haussements auraient été accompagnés d’un “pfff…” qui aurait joliment exprimé la manière qu’il avait de ne pas se prendre au sérieux. Le talent n’est pas une affaire tonitruante. » Patrice Leconte, in Les Vélos de Doisneau (Glénat, 2022).
1912 : Naissance de Robert Doisneau le 14 avril à Gentilly.
1925-1929 : Études à l’école Estienne. Obtient un diplôme de graveur lithographe.
1931 : Opérateur chez André Vigneau.
1934-1939 : Travaille à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt comme photographe industriel. Il est licencié pour retards répétés.
1942 : Rencontre l’éditeur et journaliste
Maximilien Vox qui deviendra un commanditaire régulier de reportages.
Durant l’Occupation, Doisneau, grâce à son diplôme de graveur lithographe, fabrique de faux papiers.
1946 : Retourne à l’agence Rapho dirigée désormais par Raymond Grosset.
Il photographie la course du cyclo-cross de Gentilly.
1947 : Lauréat du prix Kodak.
1949 : Robert Doisneau est embauché au magazine Vogue, il y reste jusqu’en 1951. Parution de son premier livre, La Banlieue de Paris, avec des textes de Blaise Cendrars.
1956 : Prix Niépce.
1983 : Grand Prix national de la photographie.
1984 : Participe à la Mission photographique de la Datar.
1994 : Meurt à Paris le 1er avril.
Une biographie complète est disponible sur le site de l’atelier Robert Doisneau : www.robert-doisneau.com.
1912 : Naissance de Robert Doisneau le 14 avril à Gentilly.
1925-1929 : Études à l’école Estienne. Obtient un diplôme de graveur lithographe.
1931 : Opérateur chez André Vigneau.
1934-1939 : Travaille à l’usine Renault de Boulogne-Billancourt comme photographe industriel. Il est licencié pour retards répétés.
1942 : Rencontre l’éditeur et journaliste
Maximilien Vox qui deviendra un commanditaire régulier de reportages.
Durant l’Occupation, Doisneau, grâce à son diplôme de graveur lithographe, fabrique de faux papiers.
1946 : Retourne à l’agence Rapho dirigée désormais par Raymond Grosset.
Il photographie la course du cyclo-cross de Gentilly.
1947 : Lauréat du prix Kodak.
1949 : Robert Doisneau est embauché au magazine Vogue, il y reste jusqu’en 1951. Parution de son premier livre, La Banlieue de Paris, avec des textes de Blaise Cendrars.
1956 : Prix Niépce.
1983 : Grand Prix national de la photographie.
1984 : Participe à la Mission photographique de la Datar.
1994 : Meurt à Paris le 1er avril.
Une biographie complète est disponible sur le site de l’atelier Robert Doisneau : www.robert-doisneau.com.